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Elanco & Proplan

16 septembre 2024

Effet à long terme des antibiotiques sur le portage nasal de staphylocoques résistants à la méticilline, chez les chevaux… et les palefreniers

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Une étude réalisée dnas 21 écuries de chevaux de sport et de loisir en Italie du nord montre que les chevaux de course sont plus fréquemment traités par des antibiotiques que les chevaux de CSO, dressage ou de loisir, et sont aussi nettement plus souvent porteurs de staphylocoques multirésistants (cliché Pixabay).
Une étude réalisée dnas 21 écuries de chevaux de sport et de loisir en Italie du nord montre que les chevaux de course sont plus fréquemment traités par des antibiotiques que les chevaux de CSO, dressage ou de loisir, et sont aussi nettement plus souvent porteurs de staphylocoques multirésistants (cliché Pixabay).
 

« Les traitements antibiotiques administrés aux chevaux au sein d'une écurie sont un facteur de risque important pour la colonisation humaine par des souches de staphylocoques résistants à la méticilline ». Pour évaluer la prévalence du portage nasal de ces staphylocoques résistants à la méticilline (SRM), des vétérinaires microbiologistes, des enseignants d'équine et des épidémiologistes de la faculté de Turin (Italie) ont réalisé une étude prospective transversale. Trois catégories d'écuries ont été prélevées : celles de l'hôpital vétérinaire de la faculté, celles de chevaux de course et celles de chevaux de loisirs.

Écuries de sport et de loisir

Les 21 écuries incluses concernaient des chevaux de course, de dressage et de saut d'obstacles, ainsi que de loisir. Dès l'inclusion, le consentement des personnes au contact des animaux (palefreniers pour les écuries de sport, propriétaires pour celles de loisir) a été recueilli. Ce consentement comprenait le fait d'être soi-même prélevé, de voir le vétérinaire de l'animal contacté, et de remplir un questionnaire à la fois sur le cheval, l'écurie et ses propres traitements passés. Seuls des chevaux bien portants pouvaient être prélevés, de 4 à 7 par écurie. Ils ne devaient pas avoir reçu de traitement antibiotique sur les 2 mois précédant le prélèvement. Les palefreniers/propriétaires ont été prélevés sur la base du volontariat, avec un maximum de 2 personnes par écurie. Les auteurs ont aussi prélevé de l'aliment dans les écuries (500 g d'aliment, pour recherche de résidus d'antibiotiques) et effectué un prélèvement environnemental standardisé. Dans chaque écurie, sur le mur le plus proche de la zone de douche, un écouvillon était passé sur 10 cm2. Au total, 615 chevaux ont été prélevés, dont 328 en écuries de sport.

L'hôpital comme témoin

Les auteurs expliquent que l'hôpital d'équine de la faculté était conçu comme un témoin positif supposé. Ils estimaient qu'il était probable que le portage nasal des chevaux y serait particulièrement élevé, tout comme celui des personnes effectuant les soins. Ils ont donc prélevé les narines de cinq chevaux en bonne santé « présents en permanence dans l'hôpital », ainsi que celles d'un vétérinaire équin. Chez les chevaux, les deux narines étaient prélevées (écouvillon entrant sur 15 cm) ; chez les humains, une seule narine était tirée au sort (écouvillon entrant sur 2 cm). Ces modalités de prélèvement étaient les mêmes qu'il s'agisse des écuries ou de l'hôpital. L'ensemble des prélèvements ont été réalisés de fin juillet à fin novembre 2019.

Un staphylocoque sur trois résistant à la méticilline

À l'hôpital, les 5 chevaux prélevés étaient porteurs de SRM (un cheval était porteur de 4 espèces de staphylocoques différentes, toutes résistantes à la méticilline), soit 100 % de prévalence. Pour les écuries, sans surprise, les chevaux de course étaient plus jeunes que ceux de CSO/dressage et de loisir. Ces chevaux de course présentaient une fréquence de traitement antibiotique 3,16 fois plus élevée que les chevaux de loisirs (et les chevaux de CSO/dressage 2,31 fois plus). Au total, les auteurs ont obtenu 110 souches de staphylocoques à partir des prélèvements de narines de ces chevaux, dont 33 (30 %) étaient des souches résistantes à la méticilline. Lorsqu'ils analysent l'antibiogramme, les auteurs observent une multirésistance (résistante à 3 familles d'antibiotiques au moins) pour 18 % des souches de staphylocoques, et 61 % des SRM. Si les chevaux de course et ceux de CSO/dressage étaient plus souvent colonisés par des SRM que les chevaux de loisir, la nature de l'activité n'était pas source de sur-risque significatif pour la résistance à la méticilline. En revanche, le sur-risque d'être porteur de souches multirésistantes était significativement plus élevé (x 5,9) chez les chevaux de course, par rapport aux deux autres catégories. Les auteurs préviennent aussi que l'espèce la plus souvent résistante à la méticilline est Staphylococcus fleurettii, alors que cette espèce est considérée comme rare dans la flore commensale du nez du cheval ; ce qui mériterait d'être approfondi.

Une personne sur trois colonisée par un SRM

Pour les personnes, sans surprise, le vétérinaire de l'hôpital universitaire était colonisé par un staphylocoque doré (S. aureus) résistant à la méticilline (SARM). Les auteurs soulignent que cette souche était aussi « résistante à tous les antibiotiques testés » dans l'antibiogramme. Sur les 34 personnes prélevées dans les écuries, 11 étaient positives (32 %). Les souches les plus fréquemment résistantes à la méticilline étaient des S. epidermidis (n=4) et S. sciurii (n=3) ; il n'y a pas eu de SARM chez ces personnes. Le fait de s'occuper de chevaux de courses expose à un risque de colonisation nasale 4,7 fois plus élevé que d'être maître d'un cheval de loisir. Il n'y avait pas de sur-risque pour les palefreniers de chevaux de CSO/dressage, par rapport aux maîtres de chevaux de loisir. Dans 7 des 21 écuries de l'étude, des SRM ont été identifiés à la fois chez les chevaux et les humains. Dans l'analyse des facteurs de risque, seul le ratio de traitements antibiotiques réalisés dans l'écurie apparaît comme significativement associé au portage nasal.

Harnachements partagés

Quatre des souches issues du prélèvement environnemental étaient des SRM (14 %), et il n'a pas été détecté de résidus d'antibiotiques dans les aliments prélevés. En revanche, lorsqu'ils réalisent l'analyse multivariée à partir des réponses aux questionnaires, les auteurs observent que le fait de partager un licol/harnachement entre plusieurs chevaux est associé à un sur-risque (x3) de portage nasal de SRM chez les animaux de l'écurie. Ils montrent aussi qu'une ventilation optimale du box est un facteur protecteur de cette colonisation (le risque d'être colonisé par un SRM diminue de 60 % si l'animal est dans un box bien ventilé).

Effet à long terme

Pour les auteurs, l'étude à l'hôpital confirme que les vétérinaires équins sont à risque accru de colonisation nasale par des SARM. Pour le portage nasal de SRM par les chevaux et les personnes qui les pansent, l'étude confirme l'association avec les traitements antibiotiques passés (plus de 2 mois et moins d'un an). Ces traitements ont donc « un effet à long terme ». L'effet de la qualité de la ventilation est cohérent avec d'autres études antérieures. Et, « bien que l'étude n'ait pas été conçue pour étudier en détail les effets de l'environnement sur la charge bactérienne ou la survie [des staphylocoques], ces résultats confirment l'importance primordiale d'une ventilation adéquate de l'écurie et du temps de sortie pour la gestion et le bien-être des chevaux et, indirectement, pour les personnes qui travaillent avec eux ».