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9 septembre 2024
Réanimation cardiorespiratoire : la peur d'une mauvaise réaction du propriétaire freine le vétérinaire à l'aborder
« On le réanime ou pas ? ». La limite est parfois ténue entre sauvetage et acharnement thérapeutique face à un cas en arrêt cardiorespiratoire. Mais ce sujet sensible n'est pas facile à aborder avec le propriétaire, afin d'obtenir son consentement éclairé. Les freins à la discussion avec le patient et son entourage ont fait l'objet d'études en médecine humaine, dans laquelle les pratiques se plient aussi à des dispositions éthiques et réglementaires qui varient selon les pays. Elles identifient ainsi la crainte de déclencher une détresse émotionnelle, ou de faire l'objet de plaintes. Le grand public tend à surestimer le succès des procédures de réanimation (les séries télévisées qui les mettent en scène y contribuent…), ce qui en ajoute à la complexité du sujet – il a ainsi été montré que les patients informés des taux de survie refusent plus souvent d'être réanimés. Les contraintes de temps des soignants sont aussi évoquées.
Qu'en est-il en médecine vétérinaire ? C'est ce que des praticiens britanniques d'un centre de référés ont commencé à évaluer, en questionnant leurs confrères mais aussi les ASV (nurses) sur leurs usages en la matière.
191 vétérinaires praticiens et 98 nurses ont répondu au questionnaire en ligne (290 au total avec un répondant sans précision), diffusé en juillet-août 2023 et comprenant 33 questions, à choix unique ou multiple, les dernières étant ouvertes (avec la possibilité de texte libre).
Ces questions portaient sur la fréquence et le moment des discussions avec les clients à propos de la réanimation cardiorespiratoire, leur contenu, leur durée. Les questions ouvertes récoltaient l'opinion du répondant sur ces discussions, notamment sur la compréhension du propriétaire et les freins à ces échanges.
La moyenne d'âge des répondants est de 32 ans et 84 % sont des femmes (77 % des vétérinaires et 98 % des nurses).
Près de la moitié des répondants (48 %) travaillent dans une clinique « généraliste », 36 % en centre de référés et 15 % en clinique d'urgence.
Les réponses montrent qu'indépendamment des traitements et des soins prévus, une minorité de répondants (34 %) se déclarent très susceptibles d'aborder d'emblée – c'est-à-dire à l'admission de l'animal – la préférence du propriétaire : donc réanimer ou non si la situation devait se présenter. À l'opposé, ils sont 19 % à se dire très susceptibles de ne pas en discuter.
Des différences notables sont observées selon le type de clinique, les praticiens comme les nurses des centres de référés ou d'urgence étant largement plus enclins à aborder le sujet à l'admission. Mais les situations critiques sont évidemment plus fréquentes dans ces structures qu'en clientèle généraliste.
Dans la plupart des cas (60 %), les formulaires de consentement utilisés ne prévoient pas spécifiquement cet aspect. Inversement, ils le prévoient à 35 %, à nouveau plus souvent dans les centres de référés, et surtout d'urgence.
Neuf fois sur dix toutefois, le vétérinaire ou la nurse déclare sa préférence pour aborder le sujet de manière anticipée, et non à un moment critique de la prise en charge de l'animal. Et cette fois, aucune différence significative n'est relevée selon le type de structure de soins.
Devrait-on alors systématiser la question à la prise en charge de tout animal ? Une petite moitié des répondants (56 %) y est très favorable (et seulement 2 personnes y sont très défavorables). À nouveau, les soignants des centres d'urgence et de référés y sont les plus favorables. Il est aisé d'imaginer que pour une intervention de convenance, l'éventualité d'une réanimation n'est pas facilement envisagée.
En termes de temps passé, entre l'entame de la discussion et la décision du propriétaire, 80 % des répondants l'évaluent à moins de 5 minutes. 15 % y passent 5 à 10 minutes. Et 5 % y consacrent plus de 10 minutes. Ce temps ne varie pas selon la structure vétérinaire.
Le coût des soins entre aussi en ligne de compte en médecine vétérinaire. Pourtant, il n'est abordé ici systématiquement que par 3 % des répondants et le plus souvent par 9 %. La majorité (58 %) n'aborde jamais cet aspect dans la discussion. C'est occasionnel pour les autres 30 %. Les proportions ne varient pas selon le type de structure, alors qu'a priori selon les auteurs, la clientèle d'un centre de référés est déjà consciente (et a accepté) le coût plus élevé des soins.
Et les chances de survie alors ? Elles sont estimées à moins de 20 % pour la plupart des répondants (64 %). Pour 12 %, elles dépassent 25 %, et pour les autres, elles dépendent de la cause de l'arrêt cardiorespiratoire.
Un quart des répondant parle systématiquement du pronostic de survie lors de la discussion avec le propriétaire, et un autre quart la plupart du temps ; 23 % n'en parlent jamais. Les généralistes précisent moins souvent ce point. Mais les raisons de ne pas en parler sont surtout l'absence de données chiffrées (48 %), devant l'absence de pertinence du sujet (27 %, surtout selon les vétérinaires en centre de référés), ou la crainte d'attrister le propriétaire (25 %).
Les causes potentielles d'un arrêt cardiorespiratoire (réaction à l'anesthésie par exemple) sont évoquées systématiquement par 29 %, et le plus souvent par 31 % (jamais pour 13 %). Les nurses, assez logiquement, en parlent moins souvent. Et la procédure technique (intubation, massage cardiaque, thoracotomie, etc.) est globalement moins souvent abordées que les causes.
Le propriétaire comprend-il la nature de la discussion ? Oui la plupart du temps, selon les réponses. De leur dernière expérience, 9 % des répondants pensent que leur interlocuteur ne l'a pas réalisée.
Et la réaction du propriétaire est variable, entre tristesse voire détresse (37 %), anxiété (12 %), surprise ou choc (11 %). Dans quelque cas, elle est dédaigneuse, ou confuse. 4 % des personnes sont plutôt reconnaissantes envers le praticien ou son équipe.
Les réponses sont cohérentes avec les freins exprimés dans les questions ouvertes, résumées en 5 catégories.
Les auteurs proposent alors d'ajouter cette problématique spécifique dans la formation initiale des vétérinaires. D'autant plus que d'autres travaux d'études montrent que les propriétaires, de leur côté, seraient demandeurs d'évoquer le sujet avec leur vétérinaire et qu'inversement, une décision peu claire sur le choix de réanimer ou non peut les affecter. Éduquer sa clientèle pourrait aussi atténuer les difficultés des discussions autour de ce sujet douloureux. Disposer d'outils dédiés, par exemple des vidéos explicatives, comme utilisées en médecine humaine, pourrait ainsi faciliter les échanges. Les chances de survie post-réanimation, notamment, mériteraient probablement d'être précisées afin de ne pas décevoir le propriétaire et d'obtenir son consentement pleinement éclairé.
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