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Elanco & Proplan

12 septembre 2024

Calots chirurgicaux réutilisables : meilleure empreinte carbone, sans sur-risque d'infection du site opératoire

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

La première méta-analyse consacrée à l'intérêt des calots chirurgicaux réutilisables en médecine humaine confirme qu'ils présentent un gain environnemental hautement significatif, sans sur-risque d'infection du site opératoire, par rapport aux calots/charlottes à usage unique. Cliché : Pixabay.
La première méta-analyse consacrée à l'intérêt des calots chirurgicaux réutilisables en médecine humaine confirme qu'ils présentent un gain environnemental hautement significatif, sans sur-risque d'infection du site opératoire, par rapport aux calots/charlottes à usage unique. Cliché : Pixabay.
 

« L'impact environnemental de l'industrie des soins de santé entraîne l'obligation de développer des alternatives durables » estiment ces spécialistes de santés publique et environnementale américains, dans une méta-analyse consacrée à la comparaison sur l'usage de calots chirurgicaux (d'humaine) à usage unique ou réutilisables, au regard à la fois de leur empreinte carbone, mais aussi du risque d'infection du site opératoire (ISO).

Neuf études retenues

Ils rappellent qu'au plan mondial, le secteur de la santé représente 4 à 10 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont 20 à 30 % proviennent des bocs chirurgicaux, du fait de l'importance du matériel à usage unique. Pour réaliser cette évaluation, les auteurs ont recherché toutes les publications (jusque fin 2023) liées à l'usage des calots/charlottes au bloc opératoire, en comparant les matériels jetables ou réutilisables et/ou en comptabilisant leur empreinte carbone et la fréquence des ISO. Celles-ci sont définies comme une infection diagnostiquée, survenant dans les 90 jours suivant une intervention chirurgicale et qui trouve son origine dans la plaie chirurgicale ou dans tout organe ou espace qui a été touché ou manipulé pendant l'intervention. Ils ont obtenu 732 références, pour n'en retenir que 9 au final, dont six pour la comparaison des ISO. Ces 9 études portent au total sur 47 508 intervention (et leur suivi). Les auteurs ont aussi validé qu'aucune méta-analyse n'a été publiée auparavant sur les aspects de leur évaluation, ce qui était bien le cas.

Pas de sur-risque d'infections

Leur premier résultat porte sur la comparaison des ISO après interventions avec calots/charlottes jetables ou réutilisables : il n'y a pas de différence statistiquement significative pour ce risque (p=0,13) entre les deux types de couvre-chefs. Ils citent toutefois une publication de 2017 qui avait comparé les calots avec les charlottes pour leur “comportement” dans la salle d'opération, sans que cela ne se traduise par un sur-risque d'ISO :

  • les charlottes émettent significativement plus de microparticules que les calots jetables ou réutilisables (p=0,012 pour les particules de 0,5 µm et p=0,001 pour les particules de 1 mm) ;
  • une boîte de Pétri laissée ouverte à proximité du patient révèlera plus de contamination microbienne après l'intervention lorsqu'une charlotte a été utilisée par rapport à un calot ;
  • la perméabilité des charlottes est supérieure à celle des calots (jetables ou réutilisables), et elles ont des pores de tailles moyenne et maximale significativement plus élevées que les calots (p<0,05).

11 kg d'eCO2 épargnés en 6 mois

Deux études d'impact environnemental ont comparé l'usage de calots réutilisables à celui de calots à usage unique en polypropylène. L'une de ces études, dans un hôpital néerlandais qui utilise 100 000 calots/charlottes jetables par an, porte sur une réutilisation de calots 100 fois avant d'être jetés. Une politique comparable dans un hôpital américain calcule que 92 calots réutilisables correspondent à 27 000 calots/charlottes jetables (soit près de 300 utilisations par calot). Elles identifient toutes deux une empreinte carbone hautement significativement plus faible pour les calots réutilisables (p<0,005), mais aussi pour le potentiel de déplétion d'ozone (p<0,005), d'acidification des terres (p<0,005) et de formation de particules fines (p<0,005). Les gains sont toutefois modestes, à l'image de l'objet : pour l'hôpital américain, cela correspond à 11 kg eCO2 pour 6 mois de mise en place de la substitution. Cependant, c'est un gain qui est rémunéré (indirectement) par les économies générées par cette substitution : les trois études qui ont examiné cet aspect le trouvent rentable. L'hôpital américain voit un seuil de rentabilité en 15 semaines (fréquence des lessives faibles) à 26 semaines (soit 6 mois, fréquence plus élevée des lessives). Les auteurs concluent que leur revue bibliographique et méta-analyse permet d'acter trois points :

  • l'utilisation de calots chirurgicaux réutilisables « n'augmente pas l'incidence des ISO et, par conséquent, n'a pas d'impact négatif sur l'ensemble des soins chirurgicaux » ;
  • les calots et charlottes jetables « sont moins performants que les calots réutilisables lorsque l'on compare la perméabilité, l'émission de particules et la diffusion microbienne » ;
  • et les calots réutilisables présentent un bilan environnemental « nettement plus favorable » que celui des produits jetables.

Ces résultats plaident en faveur d'une évolution vers des solutions réutilisables dans le domaine des soins de santé, en alignant la sécurité des patients sur la responsabilité écologique.

Une expérience française

Toujours en médecine humaine, mais cette fois en France, un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rappelait au début de l'été que « le retraitement des Dispositifs médicaux à usage unique (DMUU), prévu par l'article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, fera l'objet dès cette année d'une expérimentation pour une durée de deux ans ». Celle-ci ne portera que sur les cathéters de diagnostic et d'ablation utilisés en électrophysiologie car « il n'existe pas sur le territoire national de filière de retraitement » des DMUU, et les cathéters qui seront utilisés pendant l'expérience devront être retraités par un établissement allemand (où ces procédures sont routinières depuis plus de 20 ans). L'expérience concerne quatre CHU, et le consentement éclairé des patients devra être recueilli lors de l'usage de cathéters recyclés… Ce rapport fournit différentes autres informations d'intérêt :

  • les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé représentent 8 % des émissions nationales « et 20 % de celles-ci sont liées au DM » ;
  • les pays européens qui ont autorisé le traitement des DMUU sont la Belgique, la Croatie, l'Allemagne, l'Irlande, les Pays-Bas, la Suède, le Portugal, l'Espagne et la Slovénie, « selon des modalités mal connues et a priori hétérogènes », le rapport fournissant un tableau comparatif des contraintes de chacun ;
  • plusieurs études suggèrent que le retraitement des DMUU contribue à diminuer leur empreinte environnementale, aussi « l'évaluation de l'expérimentation devra confirmer cet intérêt écologique ».