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22 novembre 2019
La répartition des lymphomes canins fait suspecter un lien avec l'exposition aux herbicides, outre-Manche
Le code postal britannique est une arme de géolocalisation avant la lettre. Des épidémiologistes de trois facultés vétérinaires britanniques viennent d'en faire une nouvelle démonstration en comparant la répartition géographique du foyer des cas de lymphome canin aux données d'usage agricole des pesticides. Ils trouvent une association significative pour l'exposition aux herbicides. Association ne signifie pas causalité – d'autant que l'origine des lymphomes est reconnue multifactorielle, mais cette relation a déjà été mise en évidence dans plusieurs études en épidémiologie de la santé publique.
Les auteurs ont extrait de la base de données électroniques de cas cliniques vétérinaires généralistes britanniques VetCompass les cas de lymphome canin détectés pour la seule année 2013. Sur les 435 762 dossiers de patients canins différents disponibles sur cette période, ils obtiennent 279 cas de lymphome :
Les dossiers entiers de chaque cas ont été « lus en détail » par les auteurs, pour s'assurer qu'ils correspondaient bien à la définition d'un cas de lymphome : des 1 991 obtenus au départ, seuls ces 279 sont restés. Tous les sujets ont été géolocalisés à partir de leur code postal (123 différents à l'échelle des districts), qui permet un positionnement très précis : un code postal correspond au plus à 15 domiciles (https://www.ordnancesurvey.co.uk/business-government/products/code-point). A partir de cette cohorte rétrospective, ils ont ainsi mis en évidence que certains districts ont de 3 à 4 fois plus de cas que ce à quoi il faudrait s'attendre si leur occurrence était liée au hasard : ils sont concentrés autour de Londres (mais pas en son centre, voir l'image principale).
Ces données ont ensuite été croisées avec celles de l'exposition au radon (facteur de risque environnemental connu pour le lymphome non-Hodgkinien chez l'Homme) et aux pesticides d'usage agricole (plusieurs molécules également associées à l'occurrence des lymphomes chez l'Homme). Dans le premier cas, les données étaient précises (au km2) et dataient de 2007. Dans le second cas, seules les données relatives aux herbicides et aux fongicides ont été prises en compte et dataient de 2000. Elles étaient catégorisées en exposition « nulle, faible, modérée, élevée [ou] inconnue ». Un indicateur mixte d'exposition a été créé par les auteurs (par exemple faible-faible pour une exposition faible aux deux catégories de produits). Les données d'exposition aux insecticides n'ont pas été utilisées, probablement en lien avec le possible biais qu'introduisent les traitements antiparasitaires externes.
Pour évaluer le rôle de ces facteurs environnementaux, les auteurs ont éliminé des calculs les tris cas ayant moins de 3 ans au moment de la détection du lymphome. Ils ont été comparés à l'ensemble des chiens de la même base de données n'étant pas des cas lymphome et appariés pour l'âge et le niveau connu d'exposition (soit 270 736 « non-cas »). Les auteurs ont d'abord analysé les données pour les seuls cas confirmés : en analyse multivariée (la plus puissante car elle prend en compte les biais potentiels entre facteurs d'exposition), ils n'identifient pas d'association significative entre chacun des trois facteurs de risque et la survenue de lymphome (alors qu'en analyse univariée, les herbicides l'étaient). Ils ont donc recommencé l'analyse en prenant en compte les 276 cas (186 confirmés et 91 non confirmés). Le radon reste alors nettement disculpé, l'exposition aux fongicides l'est aussi (en analyse multivariée). Quant aux herbicides, seule l'exposition modérée est trouvée statistiquement associée à la survenue de lymphome (sur-risque de 55 %, p=0,02). Toutefois, le niveau d'exposition élevé n'est pas trouvé associé. Les critères d'imputabilité doivent retenir un effet-dose, qui n'est pas observé ici.
Deux autres facteurs de risque – déjà connus par ailleurs – intrinsèquement canins apparaissent aussi dans cette analyse statistique, indiquant indirectement sa validité : l'âge et la race (p<0,001 dans les deux cas).
Les auteurs précisent que du fait de « similarité histologiques entre lymphomes canins et lymphomes non-Hodgkiniens [LNH] chez l'Homme, [les premiers] sont considérés comme des sentinelles d'intérêt pour les cas humains ». D'autant que « la distribution spatiale décrite ici est similaire à celle des LNH chez les humains, qui survient à des taux plus élevés chez les hommes à Londres, au Sud-Ouest de l'Angleterre et en Irlande du Nord », selon l'atlas des cancers au Royaume-Uni. Car ces NHL sont en « augmentation frappante sur les 30 dernières années » notait en 2014 une revue systématique avec méta-analyse du lien entre pesticides et ces cancers chez les agriculteurs. Celle-ci comprenait 44 articles scientifiques, dont 21 provenant d'études européennes et trouvait au final un sur-risque significatif d'occurrence des lymphomes à cellules B associé à l'exposition aux herbicides phénoxy (x 1,8) et au glyphosate (x 2), ainsi que pour les lymphomes à grandes cellules B avec les herbicides phénoxy (x 2).
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