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5 novembre 2019
Patatras. Sur la perméthrine, les tribunaux contestent la frontière entre biocide insecticide et médicament APE
Où est la frontière entre le biocide insecticide et le médicament antiparasitaire externe (APE) ? Jusqu'à présent, cette frontière était claire et basée sur l'interprétation de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV).
Patatras ! Cette frontière entre médicament et biocide insecticide vient d'être remise en cause en 2019 par trois décisions successives de justice administrative, la dernière, en date du 22 octobre 2019, étant celle du juge des référés du tribunal de Cergy-Pontoise. Ces trois décisions concernent le même produit insecticide borderline : un pour-on pour bovins à base de perméthrine (Tectonik° Pour On) commercialisé par une société spécialisée dans les biocides : Protecta (ou Aedes-Protecta, voir ce lien).
À la suite de cette dernière décision du juge des référés, « le pour on Tectonik° peut être commercialisé en France comme biocide » conclut l'Anses-ANMV sur son site. L'Agence a pourtant défendu, à l'inverse, la qualification de « médicament vétérinaire » pour ce pour-on de perméthrine, mais s'incline, sans doute à regrets, devant les décisions de justice administrative contraires à sa position.
Le juge des référés a en effet annulé « en urgence » une décision de l'Agence du médicament vétérinaire du 21 août 2019 (voir ce lien) qui interdisait la commercialisation et la promotion du pour-on de perméthrine Tectonik° pour bovins tant que l'AMM de ce « médicament vétérinaire » n'aurait pas été octroyée.
Sans apprécier le fond de l'affaire, le juge des référés s'est appuyé sur deux autres décisions de tribunaux administratifs pour trancher en seulement 13 jours le litige qui oppose l'ANMV à Protecta.
Dans ses deux notes datées du 25 septembre 2013 et du 22 mai 2019 sur les produits borderline, l'Anses-ANMV a toujours défendu qu'un produit insecticide, dès lors qu'il est appliqué à un animal, est un médicament vétérinaire (voir LeFil du 27 juin 2019).
La dernière note du 22 mai 2019 de l'Anses-ANMV est donc d'autant plus importante qu'elle a été élaborée après la première décision du tribunal administratif de Nîmes en date du 22 février 2019. En outre, elle a été rédigée en concertation avec de nombreuses administrations impliquées sur les produits frontières :
Cette dernière note constitue donc une position validée par la quasi-totalité des autres administrations en charge des inspections et des contrôles de ces produits borderline notamment sur les biocides. Néanmoins, cette position unanime des administrations ne préjuge évidemment pas des décisions de justice administrative et pénale. La preuve en est faite ici !
L'Anses-ANMV développe donc les arguments suivants pour interdire la commercialisation de ce pour-on Tektonik° comme biocide dans sa décision datée du 21 août 2019 (voir ce lien).
Pour sa défense, Protecta argumente que ce pour-on Tectonik° n'est pas un médicament vétérinaire ni par fonction, ni par présentation mais bien un produit biocide.
Le tribunal administratif de Nîmes est le premier à avoir rendu une décision sur le fond dont l'argumentaire a ensuite été confirmé en appel, puis, en partie, par le juge des référés.
Pour le tribunal, Tectonik° n'est un médicament ni par sa fonction — même s'il est à base perméthrine —, ni par sa présentation — du fait de l'absence d'allégation thérapeutique revendiquée.
Ce tribunal a donc ainsi curieusement annulé la décision de l'Anses-ANMV d'interdire la commercialisation de Tectonik° pour-on comme produit biocide. Opposée à cette décision qu'elle estime dangereuse pour la santé animale — les effets indésirables de la perméthrine — et la santé des consommateurs — le risque lié aux résidus en l'absence de temps d'attente —, l'Anses-ANMV a évidemment fait appel contre cette décision le 19 avril 2019.
Et, sans même attendre l'issue de la procédure d'appel, l'Anses-ANMV a pris une nouvelle décision, le 21 août 1019, d'interdiction de commercialiser à nouveau Tectonik° comme biocide avec les mêmes arguments que la première (voir ce lien). Mais, la cour administrative de Marseille a confirmé, le 18 septembre 2019, le jugement du tribunal administratif de Nîmes, acceptant ainsi de classer comme biocide ce pour-on de perméthrine.
Le feuilleton judiciaire ne s'arrête pas là, mais au contraire s'accélère. Le 9 octobre, la société Protecta demande logiquement au juge des référés l'annulation « en urgence » de la nouvelle décision de l'Anses-ANMV d'interdiction sur son produit biocide. Le juge des référés a donc reçu en audience publique le 16 octobre les deux parties, seulement une semaine après avoir été saisi. Puis il a rendu sa décision six jours plus tard, soit le 22 octobre.
L'Anses-ANMV a tenté de contester la nécessité de statuer « en urgence » par le juge des référés. Elle rappelle que les délais des procédures d'urgence ne permettent pas au juge des référés de se prononcer sur le fond, c'est-à-dire la qualification de Tecktonic° comme médicament vétérinaire ou comme biocide. Elle souligne néanmoins que « l'action pharmacologique [antiparasitaire] du pour-on Tectonik° de perméthrine pour bovins doit conduire à le qualifier de médicament par fonction ».
À l'inverse, pour le juge des référés de Cergy-Pontoise, l'urgence est suffisamment justifiée aussi bien par le préjudice financier subi par la socité Protecta — 19 % du chiffre d'affaires — que moral en termes d'atteinte à sa réputation. Pour ce juge, le tribunal administratif de Nîmes a déjà tranché sur le fond. « Tectonik° pour on ne saurait être qualifié de médicament vétérinaire susceptible d'entraîner un risque pour la santé publique », même par les résidus qu'il pourrait générer dans le lait ou la viande. Il rappelle que le jugement de Nîmes sur Tectonik° est exécutoire et permet sa commercialisation comme biocide. « L'Anses-ANMV a méconnu son caractère exécutoire en suspendant une seconde fois la mise sur le marché de Tectonik° sans même attendre l'issue de la procédure d'appel ». C'est pourquoi, Le juge des référés annule la décision de l'Anses-ANMV d'interdire la mise sur le marché de Tectonik° tant que l'AMM comme « médicament vétérinaire » ne lui aurait pas été octroyée.
Ces trois décisions concordantes de justice administrative ne constituent pas, à ce stade, une jurisprudence opposable sur l'acceptation comme produits biocides d'autres spot-on ou pour-on à base d'insecticides, notamment à base de perméthrine ou d'autres pyréthrinoïdes, qui jusque-là sont considérés comme des médicaments antiparasitaires externes. Seul un recours devant le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative en France, permettrait de trancher le litige au niveau national.
En outre, ces décisions de justice administrative – dont le seul objet est d'annuler des décisions administratives jugées abusives - ne préjugent pas des conclusions d'éventuelles poursuites pénales si elles avaient lieu. Dans une procédure pénale, le fait de « mettre sur le marché un médicament vétérinaire sans avoir obtenu AMM » est punie par au maximum 30 000 € d'amende et deux ans de prison (art. L. 5441-8 du code de la santé publique). Toutefois, la justice pénale, si elle était saisie, tiendrait probablement compte des décisions de la justice administrative dans ses propres jugements.
À terme, ce type de litige devrait être résolu au niveau européen. Le nouveau règlement européen « médicament vétérinaire » 2019/6 (applicable au 28 janvier 2022) indique qu'« en cas ce conflit entre les réglementations sur les biocides et les médicaments vétérinaires », c'est celle sur le médicament qui prévaut sur celle des biocides (art. 3). À cette fin et, au « cas par cas » ou « par groupe de produits », la Commission pourra décider par des actes « contraignants » si ces produits borderline « doivent être considérés comme des médicaments vétérinaires ».
La frontière entre produit biocide insecticide [non appliqué sur l'animal] et médicament APE n'est pas déplacée mais néanmoins ébranlée par ces décisions de la justice administrative française.
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