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29 novembre 2024
La mutation responsable du orange de la robe féline enfin identifiée, dans un gène du chromosome X
Soixante ans de traque prennent fin pour deux équipes à 24 h d'écart : le gène (et la mutation) responsable de la couleur orange dans la robe des chats, qu'ils soient tigrés, calico ou écaille de tortue, vient d'être décrit dans deux manuscrits indépendants, publiés en ligne les 21 et 22 novembre. Dans les deux cas, le manuscrit doit encore faire l'objet d'une relecture par les pairs avant d'être publié, mais ils font aussi déjà l'objet d'une synthèse publiée dans Science le 27 novembre.
Jusqu'ici, le gène responsable de la couleur orange avait un nom (sans originalité : gène O), et une localisation approximative (locus sur le chromosome X). Mais ni lui ni la mutation qui provoque l'inhibition de la pigmentation brun/noir de la robe des chats n'avaient été identifiés. Il y a 60 ans, il a été proposé que le mécanisme expliquant l'apparition de la phéomélanine (orange) était lié au mécanisme se déroulant dans l'embryon femelle, et permettant de compenser la présence de deux chromosomes X par rapport aux mâles en inactivant (au hasard) l'un des deux X. Ce phénomène épigénétique favoriserait l'expression de l'allèle orange du gène en cause (la version sauvage favorisant l'expression de l'eumélanine, brun/noir). Les mâles ayant un phénotype mosaïque (écaille de tortue ou calico) sont en fait aneuploïdes (XXY). Inversement, les chats orange sans mosaïcisme dont des mâles (XY).
Les premiers à avoir déposé leur manuscrit sur la plateforme bioRXiv sont les généticiens et biologistes japonais d'une dizaine d'institutions académiques, et d'un hôpital vétérinaire pour animaux de compagnie de Fukuoka. Et ils ont trouvé : il s'agit d'une délétion de 5 100 nucléotides à l'intérieur de l'intron (partie non transcrite d'un gène) d'un gène codant pour une protéine d'activation. Le gène se nomme ARHGAP36 et la protéine qu'il produit est une activatrice de la Rho GTPase. Les introns peuvent toutefois héberger des séquences régulatrices de l'expression d'autres gènes que celui au sein duquel ils sont insérés. Ce que ces auteurs ont montré, c'est que la partie manquante (délétée) de cet intron comprend des éléments qui régulent l'expression de ce gène, et donc la production de cette protéine activatrice. Ainsi, les perturbations de l'expression d'ARHGAP36 déplaceraient la synthèse des pigments de l'eumélanine (brun/noir) vers la phéomélanine (orange).
Pour arriver à ce résultat, les auteurs ont séquencé le génome de 8 chattes calico (au sens nord-américain, les chattes calico sont des écaille de tortue sans blanc), une chatte écaille de tortue (avec blanc, donc), 8 chats orange et 1 orange et blanc. Puis ils ont comparé les séquences obtenues pour la région d'intérêt du chromosome X à la séquence de référence du génome félin (un silver tabby American shorthair). Ils ont obtenu 450 mutations ponctuelles (un seul nucléotide, ou SNP) spécifiques des chats comportant de l'orange. Aucune de ces mutations ne concernait un exon (partie transcrite des gènes). C'est ce qui les a conduits à la délétion de 5 100 nucléotides, présente exclusivement dans le génome des chats orange. Et cette délétion n'est présente que sur un des chromosomes X des chattes calico et écaille de tortue, en cohérence avec l'allure mosaïque de leur pelage. Les auteur sont alors construit une PCR ciblée sur cette partie du génome et l'on appliquée au génome de 40 autres chats, y compris un calico mâle. À nouveau, la délétion n'était présente que chez les chats calico (mâle compris), écaille de tortue de manière hétérozygote, et orange (homozygote chez la femelle, hétérozygote chez le mâle), mais pas chez les chats ayant d'autres robes.
Pour boucler leur démonstration, les auteurs ont ensuite :
Ce dernier point est en faveur de l'hypothèse émise il y a 60 ans pour expliquer les phénotypes mosaïques. Les auteurs retrouvent cette délétion chez des chats dont le génome a été séquencé et provenant des USA, d'Europe et du Moyen-Orient. Cette large distribution « est en faveur d'une origine unique » de la mutation orange.
La seconde publication, de quatre institutions américaines de recherche, identifie elle aussi une délétion de 5 100 nucléotides au sein d'ARHGAP36 comme associée à la robe orange chez des chats. Ils ont pour cela travaillé sur la séquence génomique de chats de races excluant la couleur orange de leur pedigree : abyssin, Bengale, Chartreux, Mau égyptien, Ocicat, Havana brown, et toyger. En les comparant au génome de 188 chats orange, ils observent la délétion de manière exclusive chez les orange. En explorant plus en profondeur l'expression du gène chez les deux types de chats, les auteurs expliquent les mécanismes moléculaires conduisant au passage de mélanine à phéomélanine. Ce mécanisme n'a jusqu'à présent été décrit dans aucune autre espèce de mammifères. Ils confirment aussi sur un plus grand nombre de chats que l'équipe japonaise que la différence entre écaille de tortue et calico (la présence de blanc) est associée à l'expression d'un gène spécifique, différent du précédent, chez les calico (noté ws).
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