titre_lefil
Elanco & Proplan

28 novembre 2024

Risque rénal des IECA : prescrire avec prudence lors d'azotémie préexistante

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

D'après Lee et al., JVIM, 2024.
D'après Lee et al., JVIM, 2024.
 

Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA) sont largement utilisés en médecine humaine et vétérinaire, et sont très bien tolérés. Le principal effet indésirable possible est une altération de la fonction rénale, qu'une nouvelle étude chez le chien a quantifiée, confirmant sa faible importance, en fréquence comme en gravité.

Les résultats de cette étude, publiés en libre accès dans le JVIM, permettent d'identifier aussi deux facteurs de risque significatifs, à prendre en considération avant de prescrire un IECA chez un chien.

156 chiens de divers sexes, âges et races

Les chercheurs coréens de ces travaux ont analysé les dossiers médicaux de 156 chiens, tous nouvellement traités avec un IECA en raison d'une myocardiopathie (n=113, le plus souvent une maladie myxomateuse de la valve mitrale), une hypertension systémique (n=22) et/ou une protéinurie (n=35), et présentés en consultation de suivi dans le mois suivant le début du traitement (après 2 semaines en médiane). Ce suivi comprenait notamment une évaluation de la fonction rénale.

Les chiens (76 femelles et 80 mâles) étaient d'âges et de races et formats divers (11 ans et 4,4 kg en médiane). Ils ont été traités par de l'énalapril (120 cas) ou du bénazépril (36 cas), aucun par du ramipril ici. Les doses et protocoles étaient variables, une administration biquotidienne était la plus fréquente (à 85 %).

Une augmentation de 0,3 mg/ml ou davantage de la créatininémie entre le moment de la prescription et le premier suivi indiquait une altération de la fonction rénale. Le grade de la maladie rénale était établi selon la classification IRIS pour l'insuffisance rénale aiguë (IRA).

  • Grade 1 (non azotémique) : créatininémie ≤ 1,6 mg/dl ;
  • Grade 2 (IRA légère) : créatininémie de 1,7-2,5 mg/dl ;
  • Grade 3 (IRA modérée à sévère) : créatininémie de 2,6-5,0 mg/dl.

Dégradation de la fonction rénale chez 27 chiens

Les résultats confirment la bonne tolérance des IECA, une altération de la fonction rénale ayant été détectée au premier suivi chez 27 chiens soit 17 % des cas.

Ces altérations sont demeurées de faible gravité : correspondant à un grade 1 à 63 % (17 chiens), à un grade 2 à 7 % (2 cas) et à un grade 3 à 30 % (8 cas, voir figure en illustration principale).

Considérant comme d'importance clinique les seules évolutions vers un grade 2 ou 3, la proportion de chiens ayant présenté une insuffisance rénale légère à sévère est de 6,4 % (10/156).

Les seules autres évolutions significatives dans le bilan sanguin concernent la natrémie (diminuée), la kaliémie (augmentée), la chlorémie (diminuée) et le calcium total (augmenté).

Risque significatif lors d'azotémie préexistante

En comparant les deux groupes de chiens, les auteurs ont recherché les facteurs de risque d'une altération de la fonction rénale. Dans l'analyse multivariée, ils n'identifient que deux paramètres significatifs :

  • La préexistence d'une azotémie lors de la prescription de l'IECA, avec un risque multiplié par un facteur 3,2 et par un facteur 14,1 en considérant les seules altérations d'importance clinique ;
  • Et l'administration concomitante de furosémide, avec un risque multiplié par un facteur 5,1 mais qui n'est plus significative en écartant les cas de stade 1.

Des traitements concomitants étaient effectivement possiblement prescrits, incluant ici du pimobendane (n=108), du furosémide (n=44), des antibiotiques (n=33), du sildénafil (n=18), des corticoïdes (n=10), du spironolactone (n=7), pour les plus fréquents.

Parmi les 44 chiens traités par du furosémide, 16 ont présenté une altération de la fonction rénale, sans différence significative de dosage de la molécule entre les groupes.

Les auteurs en concluent qu'outre l'état général et la bonne hydratation de l'animal (contrôlée ici), l'administration concomitante de diurétiques (furosémide) et surtout une azotémie préexistante doivent inciter à la prudence lors de la prescription d'un IECA. Chez l'homme également, une maladie rénale chronique est rapportée comme associée à une augmentation du risque d'insuffisance rénale aiguë suite à l'administration d'un IECA en traitement d'une hypertension ou d'une insuffisance cardiaque.

Un suivi particulièrement attentif est également recommandé. La créatininémie est susceptible de se stabiliser voire de redescendre dans les quelques mois suivant la mise en place du traitement. Inversement, et indépendamment du traitement IECA, une maladie sous-jacente peut progresser et entraîner des altérations rénales.