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Elanco & Proplan

24 mars 2025

Allemagne, Hongrie, Slovaquie : trois pays de l'UE27 touchés par la fièvre aphteuse en trois mois

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Emplacement des trois foyers de fièvre aphteuse confirmés le 21 mars en Slovaquie (en orange), à proximité de la frontière hongroise et du foyer (en bleu) qui avait été identifié en Hongrie le 7 mars. L'encart présente les zones réglementées respectives de chaque foyer. LeFil, d'après OMSA et svps.sk
Emplacement des trois foyers de fièvre aphteuse confirmés le 21 mars en Slovaquie (en orange), à proximité de la frontière hongroise et du foyer (en bleu) qui avait été identifié en Hongrie le 7 mars. L'encart présente les zones réglementées respectives de chaque foyer. LeFil, d'après OMSA et svps.sk
 

Trois États membres de l'UE27 ont été victimes du virus de la fièvre aphteuse au cours des trois derniers mois, avec au moins deux introductions différentes du virus. Le dernier en date, la Slovaquie, a probablement été infectée par un foyer hongrois proche de sa frontière. C'est aussi le seul pays à envisager d'emblée une vaccination.

Buffles d'eau et introduction mystérieuse

Il y a eu le foyer de fièvre aphteuse confirmé en Allemagne le 10 janvier dernier sur un troupeau de buffles d'eau, en bordure d'une zone forestière, où les 14 animaux ont présenté des lésions cicatrisées faisant suspecter par les spécialistes allemands que le virus était présent depuis « au moins trois semaines » dans cette pâture. Le plus surprenant est qu'un élevage de 170 porcs situé à 800 m de là n'a jamais été infecté. L'abattage total de ces animaux n'a pas permis d'identifier l'origine de l'introduction du virus, de sérotype O. Les analyses phylogénétiques ont confirmé l'appartenance de cette souche à la lignée O/ME-SA/SA-2018, découverte pour la première fois en Inde en 2018, puis au Sri Lanka (2019), au Bangladesh (2021) et au Népal (2022). En dehors du sous-continent indien, il a été détecté aux Émirats arabes unis (2021), à Oman (2022), en Iran (2023), en Palestine (2024) et en Turquie (2024). La façon dont ce virus aphteux est arrivé en Allemagne est non élucidée, bien que, lors du comité de santé et de bien-être animal du 27 février dernier à Bruxelles, le représentant des services vétérinaires du pays avait indiqué que cette introduction était « présumée liée à un acte humain répréhensible » et donc probablement délibéré. La plus grande partie du territoire de l'Allemagne est redevenue indemne de fièvre aphteuse sans vaccination le 12 mars. Il s'agit de l'application par l'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA, ex-OIE) des mesures de régionalisation, qui permet de ne considérer comme à risque que la zone confinée autour du seul foyer identifié en janvier. « Parallèlement, les préparatifs sont en cours pour la zone confinée, en vue d'une demande de rétablissement du statut de zone indemne de fièvre aphteuse auprès de l'OMSA dès que possible », indique le ministère fédéral allemand.

Grand élevage laitier hongrois

Entretemps, il y a eu le foyer de fièvre aphteuse confirmé en Hongrie le 7 mars. Là encore, à ce jour c'est resté un unique foyer, mais dans un élevage de nettement plus grande taille : 1 408 bovins (dont une majorité de laitières). Et alors que le foyer allemand était relativement éloigné de toute frontière, celui-ci est à moins de 5 km de la frontière slovaque (voir l'illustration principale). Les opérations d'abattage sanitaire ont pris 6 jours (achevées le 15 mars) et les cadavres ont été enfouis sur un terrain dédié, localisé à une trentaine de km du foyer (l'usine d'équarrissage était à 150 km du foyer). À nouveau, il s'agit d'une souche de génotype O, mais différente de celle identifiée en Allemagne. Un élevage contact de 307 bovins, appartenant au même propriétaire, a été immédiatement considéré comme à risque (contact).

Premiers signes atypiques

Dans ce foyer hongrois, les premiers signes cliniques sont apparus le 3 mars, sur un groupe de 90 génisses au sein de l'élevage laitier, et étaient aspécifiques : chute d'appétit et de la consommation d'eau. Le vétérinaire salarié de cet élevage a suspecté une intoxication (litière moisie). Le lendemain, changement de la litière ; les mêmes signes cliniques étaient présents. Le 5 mars, du fait de la présence de signes évocateurs de fièvre aphteuse, un vétérinaire officiel a été appelé sur l'exploitation. Il a constaté que 80 % des sujets du lot étaint fébriles, avec une température rectale de 39 à 41° C, et présence de vésicules dans la bouche, sur le museau et le bourrelet coronaire, les espaces interdigités (voir les clichés ci-dessous). L'élevage a été placé sous restrictions, des prélèvements ont été effectués et acheminés vers le LNR. Le 6 mars, la RT-PCR était positive pour le FMDV, et les zones de restriction ont été mises en œuvre. Le 8 mars, le dépeuplement de l'élevage contact a été réalisé (tous les animaux, bouvillons à l'engrais et génisses, étaient négatifs) ; celui du foyer index a commencé le lendemain.

Signes cliniques observés sur les génisses du foyer index hongrois le 5 mars dernier (Agrárminisztérium, 2025).

 

Rôle des personnes « pas clair »

Pour l'enquête sur l'origine possible du virus, « des employés de l'élevage sont originaires d'Égypte ; l'un revenait d'Afrique » peu avant la suspicion virale. Or s'il s'agit bien d'une souche de sérotype O (sous-type FMDV/O/ME-SA/Pan-Asia2/ANT-10), son génome présente « l'homologie la plus élevée (98-99 %) avec une souche isolée au Pakistan en 2017-2018 », ne cadrant pas avec une origine africaine directe. « Le rôle des personnes, apportant le virus dans l'exploitation, n'est pas clair » et n'est donc pas exclu par les experts européens, qui sont venus en mission d'inspection dès le début des opérations. L'enquête hongroise a aussi porté sur le vétérinaire et l'inséminateur salariés de l'exploitation, sans identifier de risque sanitaire. Des lots de bovins avaient été abattus avant la découverte du foyer, et les enquêteurs les ont tracés. Un bovin est aussi passé par un centre d'allottement le 27 février, puis a été envoyé à un abattoir en Autriche, où il a été abattu le 3 mars : il avait passé les inspections officielles sans détection de signes suspects de fièvre aphteuse. Au 21 mars, il n'avait pas été détecté d'autres foyers dans un rayon de 10 km autour du foyer index.

Vaccination envisagée d'emblée

Enfin, il y a les trois foyers de fièvre aphteuse confirmés en Slovaquie ce 21 mars, au long de sa frontière hongroise (voir l'illustration principale). Il s'agit de trois élevages laitiers de grande taille : 1 301 bovins (dont 3 cas cliniques), 790 bovins (dont 5 cas cliniques) et 670 bovins (dont 4 cas cliniques). Les services vétérinaires slovaques indiquent que « compte tenu de la capacité du virus à se propager rapidement sur de longues distances par voie aérienne, de la proximité du foyer en République de Hongrie et du temps venteux de ces dernières semaines, il a été très difficile d'empêcher cette catastrophe, malgré toutes les mesures de biosécurité que les agriculteurs ont mises en place dans leurs exploitations ». Au 22 mars au soir, le sérotype de la souche en cause n'était pas publié, mais il est attendu qu'il s'agisse de la même souche que celle du foyer hongrois. Le 22 mars l'abattage sanitaire n'avait pas officiellement commencé, et le site d'enfouissement des cadavres n'était pas encore sélectionné, en revanche l'usine d'équarrissage la plus proche a été réquisitionnée. Dans la presse nationale slovaque en ligne, le ministre de l'Agriculture est cité indiquant que ses services vont « vacciner puis abattre environ deux mille bovins. L'État fera venir le vaccin d'Allemagne ». Et le 23 mars, ses services vétérinaires indiquent que « à ce jour, le nombre de doses de vaccin délivrées semble suffisant ». La mesure vise à restreindre la propagation du virus. En parallèle, tous les animaux sensibles dans un rayon de 3 km des foyers seront abattus à titre préventif.