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Elanco & Proplan

12 novembre 2024

Complications anesthésiques lors de stérilisation : dans un cas sur deux

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Incidence des complications péri-opératoires, chez plus d'un millier de chats bien portants opérés pour stérilisation dans des structures généralistes outre-Manche, selon une étude rétrospective. Ces données devraient « aider à prioriser le monitorage de l'anesthésie féline », estiment ces auteurs (Brown & Murison, 2024).
Incidence des complications péri-opératoires, chez plus d'un millier de chats bien portants opérés pour stérilisation dans des structures généralistes outre-Manche, selon une étude rétrospective. Ces données devraient « aider à prioriser le monitorage de l'anesthésie féline », estiment ces auteurs (Brown & Murison, 2024).
 

En structure vétérinaire généraliste, les anesthésies pour stérilisation sur des chats et chattes en bonne santé donnent rarement lieu à un accident fatal (un cas pour mille environ), mais souvent à des complication péri-opératoires, au premier rang desquelles figure l'hypotension. Tel est le constat d'une étude rétrospective réalisée sur un peu plus d'un millier d'interventions.

Étude rétrospective

L'objectif de cet épidémiologiste de la faculté vétérinaire de l'université d'Édimbourg (Écosse) et d'un anesthésiste d'un groupe de plus de 500 cliniques britanniques était d'évaluer le niveau de base actuel des complications anesthésiques péri-opératoires lors de stérilisation en structure vétérinaire généraliste. Ils ont pour cela obtenu les données relatives à ce type d'intervention de trois structures, entre fin 2017 et début 2021. Seules les interventions pour lesquelles le monitoring anesthésique avait été enregistré ont été utilisées, et à condition que l'animal soit en bonne santé avant l'intervention (convenance). Ils définissaient les complications comme :

  • Hypoxémie, la saturation (SpO2) <90 %,
  • Hypocapnie, la concentration de CO2 des alvéoles se vidant en dernier (ETCO2) <20 mm Hg,
  • Hypercapnie, ETCO2 >45 mm Hg,
  • Hypothermie, température <37°C,
  • Hypothermie sévère, température <34°C,
  • Hyperthermie, température >39,5°C,
  • Bradycardie, fréquence cardiaque (FC) <90 bpm,
  • Tachycardia, FC >180 bpm,
  • Hypotension, pression artérielle moyenne (PAM) <60 ou pression artérielle systolique (PAS) <80 mm Hg,
  • Et hypertension, PAM >140 ou PAS >180 mm Hg.

Protocoles variés

Au total, 1 019 interventions ont été incluses dans l'étude rétrospective, avec une proportion équivalente de mâles et de femelles (514 et 505, respectivement), et des âges variant de 3 mois à 12 ans. Il s'agissait avant tout d'Européens, la race la plus représentée (British Shorthair) ne comprenant que 28 sujets. Seuls 62 chats présentaient des comorbidités (maladie parodontale, souffle cardiaque, hernie inguinale…). Les chats de grade III selon la grille de l'American Society of Anesthesiologists (ASA) étaient tous stabilisés (n=11), et aucun chat de grades IV ou V n'a été inclus. Un cinquième de l'effectif étaient des chats d'un dispensaire. Tous les chats ont été anesthésiés, sauf quatre mâles opérés sous sédation (association opioïde/médétomidine) et anesthésie locale. Pour les autres, le protocole pré-anesthésique associait médétomidine, acépromazine ou kétamine avec méthadone, buprénorphine ou butorphanol. Dans plus de 97 % des cas, l'anesthésie a été induite au propofol dans plus de 97 % des cas, avec la kétamine ou l'alfaxalone pour les autres, puis maintenue à l'isoflurane pour tous les chats sauf quatre (alfaxalone). Un AINS était soit associé à l'injection de pré-anesthésie, soit administré pendant l'anesthésie ou en post-opératoire.

Un cas de décès

La durée d'anesthésie variait de 5 à 205 minutes ; elle était brève dans la majorité des cas, mais > 95 minutes pour 41 sujets. Une ASV ou étudiante ASV sous la supervision d'une ASV réalisait le monitoring de l'anesthésie, et c'était sa seule tâche pendant cette période. Il n'y a eu qu'un cas de décès, en réveil, avec arrêt cardiorespiratoire brutal et échec des tentatives de réanimation. Il ne présentait aucune comorbidité, et aucune complication n'avait été observée pendant l'anesthésie ; les auteurs estiment qu'il y a probablement eu obstruction des voies respiratoires. Ils rappellent que « les chats ont une trachée incroyablement réactive, ce qui les rend sujets à des laryngospasmes et à des lésions des aryténoïdes. L'inflammation peut ne pas être évidente jusqu'à la période postopératoire, qui est en fait la période où la mortalité féline est la plus importante ».

Complications, dans un cas sur deux

Pour le reste de la population étudiée, au moins une complication a été relevée a posteriori dans le dossier anesthésique pour 53,4 % des interventions. Les plus fréquentes étaient (voir l'illustration principale) :

  • Hypotension (22,6 %), qui était plus fréquente chez les chats en hypothermie (39,8 % d'entre eux) que chez les chats à température centrale normale (21,0 %, p<0,001).
  • Bradycardie (16,7 %) ; il n'y avait pas d'association statistiquement significative entre bradycardie et hypotension.
  • Hypothermie (13,8 %), sans aucun cas d'hypothermie sévère. Les auteurs notent que les « matelas chauffants et les appareils à air chaud utilisés [par les structures] semblent avoir été efficaces. En outre, la plupart des chats ont été anesthésiés pour des durées relativement courtes ». Il n'y avait pas d'association statistiquement significative entre hypothermie et bradycardie.

L'intubation endotrachéale n'était associée à aucune de ces trois complications.

Risques associés à la durée, au protocole et au poids vif

Plusieurs autres associations ont été relevées par les auteurs. En particulier :

  • Une durée prolongée de l'anesthésie est associée à une incidence accrue d'hypothermie (p<0,001), à un risque accru de bradycardie (p=0,007) et à une prévalence accrue de l'hypotension (qu'il s'agisse de la pression artérielle : p<0,001 ou d'enregistrements multiples d'hypotension : p<0,001).
  • Un poids vif plus faible était associé à une incidence accrue d'hypothermie (p=0,009) et d'hypotension (PA : p=0,005 ; EMH : p=0,039).
  • La race, le caractère brachycéphale ou le fait d'administrer de la méthadone n'est trouvé associé à aucune des trois complications principales, par rapport à la buprénorphine.
  • Les chats prémédiqués avec la médétomidine présentaient un sur-risque de bradycardie (x 3,5, p=0,04) par rapport à ceux ayant reçu de l'acépromazine. Mais ces derniers présentaient un sur-risque d'hypotension (x 17,1 pour la PA : p<0,001 et x 7,1 pour les EMH : p<0,001). Toutefois, le protocole de l'étude ne permet pas de dissocier l'effet de l'opioïde de celui du sédatif.
  • Enfin, les auteurs notent que « les chats recevant de la médétomidine ont eu besoin de beaucoup moins d'isoflurane que ceux recevant de l'acépromazine (p<0,001). Ceux recevant de la méthadone ont également eu besoin d'une dose maximale d'isoflurane plus faible que ceux recevant de la buprénorphine (p<0,001) ».

Pour les auteurs, ces données « permettent de sélectionner, sur la base d'éléments probants, le monitoring lorsque les ressources [de la structure] sont limitées et de former de manière ciblée le personnel chargé de la surveillance anesthésique ».