titre_lefil
Elanco & Proplan

18 avril 2025

Pour retenir les soignants, il faut prendre soin d'eux !

par Pierre Mathevet

Temps de lecture  6 min

Chez les vétérinaires, ce jeu pour enfants illustre l'imaginaire du métier, éloigné de la réalité de la pratique au quotidien (Cliché Pierre Mathevet).
Chez les vétérinaires, ce jeu pour enfants illustre l'imaginaire du métier, éloigné de la réalité de la pratique au quotidien (Cliché Pierre Mathevet).
 

Une large enquête, réalisée auprès de 22 692 professionnels de santé paramédicaux de France métropolitaine, a été menée en 2022. À cette occasion, 7 952 infirmiers diplômés d'État (« IDE »), 11 936 aides-soignants (« AS ») et 2 804 autres personnels paramédicaux (« APP ») ont pu exprimer leur avis.

Cette enquête avait deux objectifs principaux : tout d'abord évaluer le niveau de bien-être au travail de ces personnels, et repérer les principaux facteurs qui l'impactent. Ensuite, identifier les actions adéquates pour améliorer le bien-être des équipes soignantes, afin de fidéliser le personnel en place et d'être le plus attractif possible pour les établissements de soins, dans un contexte de pénurie de personnel paramédical.

Même si les contextes sont très différents entre les établissements de santé humaine et les structures vétérinaires, certains résultats de cette étude méritent notre attention. Les enjeux d'attractivité et de fidélisation des collaborateurs sont partagés, et les pistes pour y répondre peuvent présenter des similitudes intéressantes.

Cette enquête s'appuyait sur 20 questions. Pour une majorité d'entre elles, les participants devaient choisir une évaluation sur une échelle de 0 à 10. Par exemple, « Évaluez de 0 à 10 le degré de bienveillance du management de votre établissement (10 étant le plus positif, 0 le plus négatif) ». Les autres alternaient des questions fermées (réponse par « oui » ou « non ») et des questions ouvertes. Ainsi, l'une d'entre elles était « Vous sentez-vous suffisamment soutenu émotionnellement au travail ? » et une autre, « Quelles sont les raisons principales qui vous pousseraient à changer de métier ? ».

Un manque de soutien émotionnel

Le premier ressenti, largement majoritaire, est que le bien-être des soignants n'est pas une priorité. Ainsi, seulement 8 % des IDE attribuent une note supérieure à 5 sur l'échelle de 10 à la question « Comment évaluez-vous le niveau de priorité apporté à la santé mentale et au bien-être des soignants ? ». Un quart (25 %) l'estime même à 0 sur 10 ! Cette estimation est moins dramatique, même si elle reste à tendance négative, chez les AS et les APP. Un quart seulement des interrogés mettent une évaluation strictement supérieure à 5.

Ensuite, en moyenne, plus d'un soignant sur deux ne sent pas suffisamment soutenu sur le plan émotionnel au travail (57 % pour les IDE, 47 % pour les AS et 46 % pour les APP). Et en plus de cette évaluation, plus d'un quart des répondants déclare ne pas être sûr d'être soutenu. Cela conduit à n'avoir que 15 à 25 % des réponses qui traduisent l'affirmation d'un véritable « oui » quant au soutien émotionnel.

Ce soutien, quand il existe sur le plan professionnel, vient avant tout des collègues de travail (58 % pour les IDE et 48 % pour les AS et les APP). Il est considéré très rare en provenance des supérieurs hiérarchiques (5 % chez les IDE, 7 % chez les AS et 8 % chez les APP) ou des établissements de soins d'une manière générale (6, 3 et 3 %, respectivement). Au sein de ces établissements de soin, les hôpitaux publics se voient gratifier de l'évaluation la plus basse (inférieure à 1 %) par rapport aux cliniques privées et aux EHPAD.

Le maximum de soutien émotionnel vient, par ordre d'importance, de la famille (75 % en moyenne), des amis (60 %) ou du conjoint (48 %). Enfin, 10 % déclarent recevoir ce soutien d'un thérapeute qui les suit. Ce dernier chiffre est important, mais finalement considéré comme faible au vu du niveau de stress global de ces professions.

Une désillusion par rapport au métier espéré

La réalité du métier est considérée comme bien différente de l'image que les soignants en avaient. La désillusion est plus forte chez les IDE. 42 % répondent que le métier ne correspond « pas vraiment » à leur vision et 27 % « absolument pas », contre 23 % qui répondent « plutôt oui » et 3 % seulement qui disent « oui totalement ». Dans toutes les catégories étudiées, cette désillusion semble se creuser à partir de 3 années d'expérience. Ainsi, le score de satisfaction des IDE pour la réalité de leur métier chute de 37 % avant 3 ans d'ancienneté à 27 % entre 3 et 5 ans d'expérience, puis à 24 % entre 5 et 10 ans.

Cette donnée est à rapprocher des données recensées par APForm qui constate une désillusion fréquente et un changement de poste, voire de métier, pour les ASV après 5 ans d'ancienneté.

Enfin, 40 % des IDE pensent arrêter ce métier, 10 % « très bientôt » et 30 % « plus tard ». La proportion est similaire pour les AS et les APP avec, respectivement, 34 et 33 % qui veulent changer de métier (10 et 9 % « très bientôt »). Heureusement, 31 % des IDE, 42 % des AS et 41 % des APP ne se voient pas faire autre chose !

Le management sur la sellette

Toujours à partir de cette échelle de 0 à 10 pour évaluer la bienveillance du management, les résultats sont hélas très clairs ! En effet, 19 % des IDE et 13 % des AS et APP mettent carrément une note égale à 0 ! Et seulement 21 % des IDE accordent une évaluation supérieure à 5 pour le niveau de bienveillance dans le management. Ce pourcentage est d'environ 35 % pour les AS et les APP. Visiblement, il s'agit d'un axe d'amélioration évident pour tous les métiers de soignants étudiés.

À la question sur les principales sources de stress au travail, sans surprise, les soignants placent en première position, et de loin, le manque de personnel. Ensuite, et très largement en tête devant les autres sources citées, vient la communication avec les supérieurs hiérarchiques. Une réalité pour plus d'un soignant sur 3 qui la juge génératrice de stress ! Les dysfonctionnements dans cette communication entre les soignants et leur hiérarchie semblent se situer à plusieurs niveaux : le manque de reconnaissance, l'impression de ne pas être écouté, un défaut de suivi et d'accompagnement, un manque d'équité et un manque de bienveillance !

Le manque d'explications de la part des médecins avec qui ces soignants travaillent, la pression qu'ils leurs imposent sont régulièrement cités également… Ainsi, l'amélioration de la communication dans les équipes et avec la direction est identifiée comme le premier levier à actionner pour améliorer le bien-être au travail pour plus des deux-tiers des répondants !

Toujours et encore le manque de reconnaissance…

Parmi les causes qui pousseraient à changer de métier, le manque de reconnaissance vient largement en tête, pour plus des deux-tiers des répondants (71 % même chez les IDE). La reconnaissance financière est citée par près de 50 % des répondants en moyenne. Mais ils déplorent avant tout le déficit de valorisation morale et professionnelles de la part des dirigeants. « Quand on fait des propositions de solutions pour améliorer la qualité du travail, on ne nous prend pas en considération » témoigne un soignant.

Les résultats de cette étude, menée pourtant dans un environnement très différent de celui des structures vétérinaires, ne sont pas sans rappeler les ressentis de bon nombre de salariés ASV et vétérinaires. Les nombreux points communs entre soignants humains et vétérinaires semblent finalement façonner des constats parallèles : une désillusion entre l'image d'un métier passion et la réalité de ce métier au bout de quelques années, le manque de soutien émotionnel, le besoin d'un management plus reconnaissant et bienveillant. Des points essentiels et partagés, pour attirer et retenir les talents dans une entreprise de soins.