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Elanco & Proplan

16 février 2023

Selon la loi, le vétérinaire « en exercice » réalise des actes vétérinaires, pas seulement des actes de gestion

par Agnès Faessel

Temps de lecture  7 min

La parution de cette ordonnance législative était particulièrement attendue dans un contexte de confusion et d'insécurité juridique liée à la complexité et la multiplicité des textes existants. Pour les vétérinaires, c'est désormais la position du Conseil d'État vis-à-vis des montages juridiques conflictuels de plusieurs groupes de cliniques qui est attendue.
La parution de cette ordonnance législative était particulièrement attendue dans un contexte de confusion et d'insécurité juridique liée à la complexité et la multiplicité des textes existants. Pour les vétérinaires, c'est désormais la position du Conseil d'État vis-à-vis des montages juridiques conflictuels de plusieurs groupes de cliniques qui est attendue.
 

Sa publication était attendue pour ce début d'année. Comme évoqué notamment par le président de l'Ordre des vétérinaires, Jacques Guérin, dans ses vœux 2023.

L'ordonnance relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées – dont les vétérinaires – a donc été publiée au Journal Officiel du 9 février.

Ce texte est important, car il définit ces professions et leur cadre d'exercice commun avant de poser les dispositions spécifiques à chaque type de structures juridiques. Et il devrait être pris en compte par le Conseil d'État, sollicité pour trancher sur l'interprétation du droit applicable aux sociétés d'exercice vétérinaires (et en particulier l'article L241-17 du Code rural). Plusieurs structures vétérinaires appartenant aux groupes Anicura, IVC Evidensia…  en ont effectivement appelé au Conseil d'État pour juger de la légalité de leur radiation administrative à l'Ordre des vétérinaires pour non-conformité de leurs montages juridiques (voir LeFil du 21 avril 2021).

Clarifier, simplifier, sécuriser

L'ordonnance est prise en application de l'article 7 de la loi 2022-172 du 14 février 2022, « en faveur de l'activité professionnelle indépendante ». Dans son rapport relatif à ce texte, le ministère de l'économie et des finances en explique les objectifs :

  1. « Clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ». Il s'agit ici de préciser les règles communes appliquées, ainsi que d'adapter les différents régimes juridiques leur permettant d'exercer sous forme de société. Car les réformes successives ont entraîné une multiplication des textes et des régimes statutaires, aboutissant à une complexité et à un manque de lisibilité des dispositions légales. Il en découle une confusion sur les dispositions applicables, et ainsi une insécurité juridique pour les professionnels. L'ordonnance fond en un texte unique les précédents textes transversaux existants ;
  2. « Faciliter le développement et le financement des structures d'exercice [de ces] professions libérales », mais en excluant « toute ouverture supplémentaire du capital et des droits de vote à des tiers extérieurs à ces professions ».

Le ministère rappelle que les professions libérales réglementées sont soumises à des exigences déontologiques particulières, « visant à assurer la confiance dans la qualité des services rendus par ces professionnels », c'est-à-dire l'accès aux soins et la qualité des soins en ce qui concerne les vétérinaires.

Il évoque enfin la sécurisation de l'exercice et le renforcement de l'indépendance des professions libérales réglementées, avec un travail sur la définition de termes et de notions, par exemple celle de « professionnel exerçant », et par la mise en place de « garde-fous opérationnels », qui dépassent la composition du capital pour s'étendre à la gouvernance des sociétés visées.

Des définitions communes importantes

L'ordonnance se compose de 6 livres et 135 articles (24 pages de texte !). Mais le livre I, qui regroupe essentiellement des définitions, est sans doute le plus important. Les quatre articles qui le composent sont des dispositions communes à toutes les sociétés d'exercice de professions libérales réglementées, et donc les sociétés d'exercice vétérinaires (SCP, SEL, SPFPL, etc.).

Article 1 - Qu'est-ce qu'une « profession libérale réglementée » ?

« Les professions libérales réglementées groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client, du patient et du public, des prestations mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées.

Ces professions sont soumises à un statut législatif ou réglementaire ou leur titre est protégé.

Elles sont tenues, quel que soit le mode d'exercice de leur profession et conformément aux textes qui régissent son accès et son exercice, au respect de principes éthiques ou d'une déontologie professionnelle susceptibles d'être sanctionnés par l'autorité compétente en matière disciplinaire ».

Cette définition rappelle ainsi les conditions de l'exercice courant (« à titre habituel ») de ces professions particulières, à savoir, et en particulier pour le vétérinaire :

  • Disposer de la formation et des qualifications professionnelles adéquates pour offrir les prestations requises (diplôme vétérinaire, formation de spécialisation, etc.) ;
  • Travailler de manière indépendante et sous sa propre responsabilité ;
  • Assurer des prestations dans l'intérêt des animaux et de leurs propriétaires (ou détenteurs, éleveurs…), et même des populations (sur des problématiques de santé publique comme les zoonoses ou l'antibiorésistance), donc pas dans son intérêt personnel, ni celui de l'entreprise ou de ses actionnaires, ses fournisseurs, etc. ;
  • Respecter les principes éthiques et déontologiques de la profession, au risque de se voir sanctionner par l'Ordre. L'exercice vétérinaire est un monopole et le titre de docteur vétérinaire est protégé, mais il est soumis à des règles.

 

Article 2 - À quelle « famille » appartiennent les vétérinaires ?

Les professions libérales réglementées sont regroupées en 3 familles : les professions de santé (humaine) à laquelle appartiennent médecins, pharmaciens, biologistes médicaux, infirmiers, dentistes… (organisées par le Code de la santé publique), les professions juridiques ou judiciaires, et les autres professions.

Les vétérinaires appartiennent à la troisième famille, dite « des professions techniques et du cadre de vie ». Avec les géomètres, par exemple.

Article 3 - Qu'est-ce qu'un « professionnel exerçant » ?

« On entend par professionnel exerçant la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistrée en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère.

La seule réalisation d'actes de gestion ne confère pas la qualité de professionnel exerçant. »

Le vétérinaire exerçant est donc un diplômé inscrit au tableau de l'Ordre (en France, l'ordonnance étant de portée nationale). Il pratique de manière indépendante, comme déjà évoqué à l'article 1er.

Mais surtout, il réalise des actes vétérinaires (de médecine et chirurgie vétérinaire). La seule activité de gestion du cabinet ou de la clinique (ou toute autre catégorie d'établissement), par un vétérinaire diplômé inscrit à l'Ordre, ne permet pas d'être considéré comme un vétérinaire en exercice. Ainsi, même si la comptabilité, les tâches administratives, la gestion des ressources humaines ou les relations avec les fournisseurs, par exemple, sont indispensables à la bonne marche de la clinique (et chronophages !), s'y consacrer exclusivement fait perdre le statut de praticien.

Cette définition est particulièrement importante pour les sociétés d'exercice vétérinaire, y compris les SEL (société d'exercice libéral). Car la direction de ces sociétés est assurée par des vétérinaires exerçants (dirigeants et/ou gérants selon la forme juridique).

Article 4 - Qu'est-ce qu'une « personne européenne » ?

« On entend par personne européenne la personne physique ou morale établie dans un État membre de l'Union européenne autre que la France, dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse et qui exerce, dans l'un de ces États, une activité présentant les caractéristiques d'une profession libérale réglementée au sens de l'article 1er. »

Dans le contexte européen, l'ordonnance définit ainsi le vétérinaire européen comme celui qui exerce dans l'un des autres pays de l'Union Européenne ou dans l'un des pays de l'Association européenne de libre-échange (AELE : Norvège, Islande, Lichtenstein, Suisse). Le Royaume-Uni en est exclu depuis le Brexit, les vétérinaires britanniques ne sont donc pas concernés par les dispositions accordées aux européens.

Rédaction clarifiée, à droit constant le plus souvent

Dans les livres suivants, l'ordonnance rassemble et déroule, le plus souvent à droit constant (c'est-à-dire sans apporter de nouveauté), les dispositions relatives aux divers types de structures juridiques ouvertes aux professions libérales.

  • Le livre II (articles 5 à 39) s'intéresse aux sociétés civiles : SCP (sociétés civiles professionnelles), SCM (sociétés civiles de moyens), SEP (sociétés en participation), coopératives.
  • Le livre III (articles 40 à 95) régit les SEL (sociétés d'exercice libéral) : Selarl, Selas, Selafa.
  • Le livre IV (articles 96 à 109) se consacre aux sociétés pluri-professionnelles d'exercice (SPE).
  • Le livre V (articles 110 à 128) est dédié aux SPFPL (sociétés de participations financières de professions libérales).
  • Les derniers articles (129 à 135, livre VI) clôturent le texte sur des dispositions diverses.

Il y est notamment stipulé la date d'entrée en vigueur, le 1er septembre 2024. Les vétérinaires ont jusqu'à cette date pour se mettre en conformité, si ce n'était pas le cas, dans le respect des décrets d'application qui restent à venir, susceptibles d'apporter et d'écarter certaines dérogations spécifiques.