Jusqu'à présent, Chlamydia caviae était considérée comme spécifique de son hôte, le cochon d'Inde (ou cobaye, Cavia porcellus). Cette bactérie ne se distinguait dans la littérature médicale que par une unique publication, rapportant son isolement lors d'une « légère conjonctivite » chez l'Homme. Une lettre publiée dans le New England Journal of Medicine le 7 septembre dernier par des médecins hospitaliers et microbiologistes néerlandais vient de plonger brutalement C. caviae dans le monde des pathogènes zoonotiques.
Échec de l'antibiothérapie de première intention
Dans cet article, ils décrivent trois cas de pneumonies graves (sans décès), se présentant « comme des pneumonies communautaires sévères » et sans lien épidémiologique entre eux (les radiographies pulmonaires de chaque patient sont en libre accès). Les trois patients ont été admis en soins intensifs et deux d'entre eux ont nécessité le recours à une ventilation assistée pendant plusieurs jours. Plus en détail :
Le premier, un homme de 32 ans au moment de son hospitalisation (février 2013), était en bonne santé avant une dégradation brutale de son état général, avec fièvre, malaise, toux, myalgie et céphalées. Une première consultation chez son généraliste avait conduit à un traitement associant amoxicilline/acide clavulanique et AINS, sans amélioration. À son admission en soins intensifs, il a du être placé en ventilation mécanique. Il a alors été traité avec ceftriaxone et ciprofloxacine, puis avec ceftriaxone et doxycycline, puis méropénème et doxycycline.
La seconde patiente, une femme de 32 ans, a été hospitalisée en septembre 2014. Obèse, elle présentait fièvre, toux, dyspnée et myalgie et avait également reçu amoxicilline/acide clavulanique et AINS après consultation de son généraliste, sans effet. En soins intensifs et sous ventilation mécanique, elle a d'abord été traitée par pénicilline et cirpofloxacine, puis doxycycline et ciprofloxacine.
La troisième patiente, une femme de 34 ans, a été hospitalisée en septembre 2015, sans passage préalable par un généraliste. Elle présentait céphalées, vertiges, nausée et douleur abdominale, fièvre. La pneumonie a été confirmée par radiographie et elle a reçu un traitement associant amoxicilline et ciprofloxacine, puis doxycycline.
Ces sujets ont été admis dans des hôpitaux différents (régions différentes), et ce sont les prélèvements sanguins et/ou respiratoires qui ont permis d'identifier par PCR la présence d'une chlamydies, que le centre national de référence néerlandais pour la psittacose a identifié comme Chlamydia caviae, sans qu'aucun “autre” pathogène respiratoire ne soit identifié. Ce n'est qu'une fois l'identification de la chlamydie que le régime antibiotique des patients a été modifié pour inclure la doxycycline. Et c'est à partir de la mise en place de ce traitement que leur état s'est amélioré, précisent les auteurs.
Cobayes malades
Le seul point commun aux trois patients est qu'ils « avaient été exposés à des cobayes malades », à leur domicile ou leur lieu de travail. Plus précisément :
Le 1er patient avait deux cobayes à son domicile, « qui présentaient des signes respiratoires avant que leur propriétaire ne développe de signes » de pneumonie.
La 2ème patiente avait 25 cobayes à son domicile, « qui présentaient des signes respiratoires avant que leur propriétaire ne développe de signes » de pneumonie. Les médecins ont fait procéder à un écouvillonnage conjonctival sur l'un de ces cobayes. Ils ont obtenu une souche de C. caviae, dont le séquençage du gène d'ompA s'est révélé à 100 % identique à celui de la souche issue de la patiente (lavage broncho-alvéolaire).
La 3ème patiente avait « des cobayes qui présentaient de la conjonctivite et de la rhinite et un lapin de garenne indolent et dyspnéique, sur son lieu de travail, une clinique vétérinaire ».
« Les vétérinaires et les médecins généralistes devraient être informés du potentiel zoonotique de cette chlamydie » concluent ces auteurs. Il reste à « clarifier la contribution clinique de C. caviae dans ces pneumonies » car les valeurs de Ct de la PCR quantitative étaient relativement élevées (29 à 37). Le typage de la souche permettra peut-être aussi d'évaluer si elle dispose de gènes de virulence spécifiques.