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Elanco & Proplan

8 août 2017

Refonte du médicament vétérinaire : après le lièvre, vient la tortue de Bruxelles

par Eric Vandaële

Temps de lecture  6 min

Le lièvre et la tortue
Le 10 mars 2016, le Parlement a adopté en urgence 285 amendements sur les 323 déposés. 15 mois plus tard, le Conseil européen a consacré 35 jours de réunion et modifié à deux reprises « la plupart des dispositions du projet ». Mais, des points sont encore dans l'attente d'un accord politique entre les états membres. Lentement, mais sûrement, la procédure avance à la vitesse d'une tortue.
Le lièvre et la tortue
Le 10 mars 2016, le Parlement a adopté en urgence 285 amendements sur les 323 déposés. 15 mois plus tard, le Conseil européen a consacré 35 jours de réunion et modifié à deux reprises « la plupart des dispositions du projet ». Mais, des points sont encore dans l'attente d'un accord politique entre les états membres. Lentement, mais sûrement, la procédure avance à la vitesse d'une tortue.
 

Le lièvre et la tortue. Voilà maintenant près de trois ans que la Commission européenne a publié un important projet de refonte totale de la réglementation sur le médicament vétérinaire : 150 articles sur 125 pages. Le 10 mars 2016, les eurodéputés avaient voté en quelques minutes à toute vitesse 285 amendements sur les 323 proposés (voir LeFil du 11 mars 2017).

Vite… « les eurodéputés prennent le train ou l'avion »

« Des députés ont réservé leur train ou leur avion » répond le président de séance à ses collègues qui se plaignent du rythme infernal des votes des 323 amendements appelés.

Depuis le projet est entre les mains du Conseil européen qui représente les gouvernements des 28 états membres. Son examen avance au rythme de la tortue, d'autant qu'au Conseil, l'unanimité est recherchée. L'adoption de ce texte majeur avait été annoncée pour 2016. Il ne le sera sans doute pas d'ici la fin de l'année 2017. Peut-être pour 2018 ?

Au rythme de la tortue : lentement, mais sûrement

La présidence maltaise de l'Union européen (UE) du premier semestre 2017 vient de publier un bref rapport d'étape (daté de juin 2017). Il confirme que le texte avance au rythme de la tortue : lentement, mais sûrement.

Ce projet de règlement européen est une refonte totale des dispositions applicable au médicament vétérinaire en France et en Europe dans tous ses aspects : fabrication, AMM, distribution en gros, vente au détail (notamment par internet), prescription, usage, publicité, pharmacovigilance, contrôles, antibiotiques, vaccins… Il est d'autant plus important qu'il s'appliquera en droit national sans transposition deux ans après sa publication au Journal officiel de l'Union Européenne (JOUE).

« Les dispositions ont déjà été revues deux fois »

Les gouvernements en ont conscience et prennent donc le temps de l'examiner au sein du Conseil européen. Sous les trois présidences successives de six mois, néerlandaise (début 2016), puis slovaque (fin 2016) et maltaise (début 2017), un groupe de travail s'est réuni sur une durée cumulée de 35 jours dont 4 jours courant juin 2017 pour achever deux lectures techniques du projet amendé par le parlement.

« La plupart des dispositions du projet ont été revues [et modifiées] au moins deux fois ». Car beaucoup d'entre elles « nécessitaient d'être clarifiées, renforcées ou complétées ». Pour les délégations des états membres, le texte initial, avec les 285 amendements du parlement, n'était pas suffisamment détaillé pour « assurer une transition en douceur vers sa mise en œuvre » avec le même niveau technique de certitude juridique que la réglementation actuelle.

Les objectifs poursuivis restent inchangés :

  1. Une amélioration de la disponibilité des médicaments vétérinaires en Europe, dans les espèces orphelines comme dans les pays orphelins quand les marchés sont trop petits pour justifier un développement,
  2. Une réduction de la (sur)charge administrative, avec surtout une simplification de la gestion des AMM chiffrées à 150 millions d'euros d'économies pour les industriels,
  3. Une stimulation des innovations et aussi de la concurrence,
  4. Un meilleur fonctionnement du marché interne à l'UE, ce qui est associé à une plus grande libre circulation des médicaments en Europe,
  5. La prise en compte de l'antibiorésistance comme nouveau risque de santé publique.

Les états membres partagent les objectifs recherchés par cette refonte, mais pas vraiment le texte proposé par la Commission pour les atteindre.

Un « travail considérable » sur les antibiotiques, la cascade, les grossistes

La présidence maltaise a « achevé une seconde lecture technique » fin juin 2017, même s'il reste des points en suspens, peut-être plus politiques que techniques. Le rapport d'étape mentionne un « travail considérable » réalisé dans les quelques domaines suivants pour rapprocher les points de vue des délégations des états membres.

  • Sur les antibiotiques, la présidence maltaise explique que « de nouvelles dispositions ont été introduites sur leur usage en prévention et en métaphylaxie, en vue de s'assurer de leur compatibilité avec un usage prudent ». Cette rédaction peut laisser entendre que l'antibioprévention ne serait pas interdite, comme le veut le Parlement européen, mais restreinte et encadrée.
  • Sur la cascade, le projet prévoyait de la simplifier à seulement deux niveaux au lieu de quatre aujourd'hui. « Hors AMM », il était envisagé de privilégier les médicaments dont la fabrication et la qualité pharmaceutique sont garanties par une AMM à usage humain ou vétérinaire avant de recourir, au second niveau à des préparations extemporanées « sans AMM ». Le dispositif actuel à quatre niveaux est beaucoup plus complexe et, de fait, pas bien appliqué. Néanmoins, le Conseil européen a souhaité réintroduire davantage de niveaux en « cascade » que la simplification à deux niveaux qu'avait acceptée le Parlement.
  • Sur la distribution en gros, le Conseil européen souhaite, comme le projet le prévoyait déjà, que les autorisations des grossistes soient harmonisées sur la base d'exigences européennes et de bonnes pratiques de distribution en gros. Jusqu'à présent, les exigences sont nationales tout comme les bonnes pratiques. Une harmonisation européenne devrait sans doute faciliter la libre circulation des médicaments en Europe au stade de la distribution en gros.
  • Sur la pharmacovigilance, le Conseil européen semble avoir beaucoup modifié le projet initial qui prévoyait d'y introduire une plus grande surveillance des effets sur l'environnement. Le titulaire de l'AMM resterait (seul) responsable de l'analyse du rapport bénéfice-risque de ses médicaments avec l'obligation d'informer les autorités de l'émergence de nouveaux risques. Un enregistrement rapide et en continu des cas, « en temps réel », dans la base de données européenne (EudraVigilance) semble envisagé en remplacement de l'envoi de rapports réguliers. Mais la « détection des signaux » serait à la charge des titulaires d'AMM sur la base d'une analyse annuelle du rapport bénéfice-risque.

Codécision ou conciliation

D'autres questions restent encore en suspens pour la présidence estonienne (en cours jusqu'à fin 2017) ou autrichienne (pour le premier semestre 2018), comme probablement les ventes au détail par internet. Le texte en cours de discussion n'est pas disponible tant que sa révision n'est pas achevée par le Conseil européen.

Cette version remaniée ne sera pas nécessairement le texte final. La procédure européenne de codécision impose que le projet soit adopté dans les mêmes termes par le Parlement européen (à la majorité des voix) et le Conseil européen, si possible à l'unanimité, ou, à défaut, à la majorité qualifiée. Si après deux navettes entre le Parlement et le Conseil, les textes divergent encore, il sera mis en place un comité de conciliation chargé de proposer un texte qui puisse être approuvé à la fois par le Conseil et le Parlement. Si ce comité échoue à trouver un consensus, le texte est rejeté (ce qui reste peu probable). Il est donc difficile de prévoir à quelle date approximative sera adopté ce texte.

La présidence maltaise souligne l'ampleur et le grand nombre de modifications apportées par le Conseil au texte. Cela ne laisse logiquement pas entrevoir une adoption très rapide par le Parlement dans les mêmes termes que par le Conseil.