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Elanco & Proplan

10 avril 2025

Les tests cognitifs du chiot sont prédictifs du comportement ultérieur à l'âge adulte

par Agnès Faessel

Temps de lecture  7 min

Cerner avant l'adoption la personnalité du chien, indépendant ou anxieux par exemple, permettra de comprendre ses éventuelles difficultés ultérieures dans les apprentissages, et d'en adapter le déroulement (cliché Pixabay).
Cerner avant l'adoption la personnalité du chien, indépendant ou anxieux par exemple, permettra de comprendre ses éventuelles difficultés ultérieures dans les apprentissages, et d'en adapter le déroulement (cliché Pixabay).
 

Des tests cognitifs sont régulièrement pratiqués chez les chiots dans le cadre de la sélection de futurs chiens de travail, dont les capacités et le comportement doivent être compatibles avec les tâches requises : test de mémorisation par exemple pour un futur chien de détection, test d'inhibition motrice pour un chien guide.

Qu'en est-il pour les chiens de compagnie ? Les résultats d'une étude montrent qu'ils sont relativement prédictifs aussi du comportement du chien parvenu à l'âge adulte.

Étude en 2 phases

Cette étude, menée par des chercheurs de l'Université de Helsinki en Finlande, a été conduite en deux phases, la première pour évaluer la constance des résultats des tests réalisés chez le chiot puis l'adulte à l'échelle individuelle, la deuxième pour évaluer la concordance de ces résultats avec le comportement du chien adulte au quotidien.

D'autres travaux avaient montré que les tests réalisés chez de très jeune chiots (moins de 8 semaines) ne sont pas prédictifs des capacités et du comportement ultérieurs, la personnalité de l'animal n'étant pas encore affirmée et donc instable. Les résultats dépendent aussi du moment du test dans le cycle éveil-sommeil du chiot. Les résultats sont plus constants à partir de l'âge de 3 mois. Ici, les tests chez les chiots ont donc été réalisés entre 3 et 7 mois (5 mois en médiane). Et plusieurs observations confirment une meilleure stabilité des caractéristiques lorsqu'elles sont évaluée tardivement (à 6-7 mois).

Batteries de tests cognitifs et comportementaux

Les batteries de tests utilisées sont standardisées : smartDOG® PUPPY pour les chiots et smartDOG® COGNITION pour le chien adulte. La réalisation demande environ 1 heure chez le chiot et 1,5 heure chez l'adulte.

SmartDOG® PUPPY comprend 5 tests cognitifs et 3 tests comportementaux ou de personnalité. SmartDOG® COGNITION comprend 8 tests cognitifs et 3 tests comportementaux ou de personnalité. Mais dans l'étude, seuls 4 tests cognitifs et les 3 tests comportementaux ont été conservés (pour permettre les comparaisons) :

  • Accueil (greeting) de l'opérateur, noté de 1 (craintif) à 7 (très excité) ;
  • Niveau d'activité, mesuré avec un accéléromètre fixé au collier durant toute la batterie de tests ;
  • Exploration d'un lieu inconnu, qui évalue notamment la curiosité, noté de 1 (aucune exploration) à 5 (exploration très active) ;
  • Test du cylindre (dont un seul côté est ouvert pour accéder à la récompense, et qui est d'abord opaque puis transparent), qui évalue le contrôle inhibiteur moteur, noté en % de réussite ;
  • Test de gestuelles (désignation du seul bol parmi 2 qui contient la récompense), qui évalue la compréhension et le suivi des indications, noté en % de réussite ;
  • V-détour, qui évalue le contrôle inhibiteur et l'orientation dans l'espace, noté par le temps passé pour atteindre la récompense (placée derrière une barrière transparente en forme de V qu'il faut contourner) avec un maximum de 3 minutes ;
  • Problème insoluble, qui évalue l'obstination et la recherche d'aide, noté en particulier par le temps passé avant d'abandonner (la récompense est placée dans une boîte transparente donc visible et trouée pour l'odeur, mais fixée au support sans pouvoir être ouverte).

Stabilité modérée des résultats dans le temps

Dans la première phase d'étude, 99 chiens de 47 races ont été inclus, ayant effectué les tests lorsque chiots (dans le cadre d'un programme global d'évaluation, systématisé en élevage).

Les mêmes individus ont effectué les tests équivalents une fois adultes : entre 1 et 7 ans (2 ans en médiane). Ces tests sont effectués au bon vouloir du propriétaire, d'où la variation d'âges. Les chiens très agressifs envers les personnes non familières étaient exclus, pour des raisons de sécurité des opérateurs. Un groupe de chiens adultes, n'ayant pas été testés chiots ont également effectué ces tests, à titre de témoins.

Les résultats montrent, comme attendu par les auteurs, une corrélation globale modérée entre les deux évaluations, ce qui indique une relative stabilité des capacités cognitives de l'animal dans le temps, à l'âge chiot puis adulte. Une amélioration des performances est parfois observée chez le chien adulte, comme anticipé par les auteurs. Pour affiner leurs données, ceux-ci ont aussi séparé les chiots en sous-groupes, selon que la batterie de tests avait été réalisée à 3-4 mois, 5 mois, ou 6-7 mois.

  • La corrélation pour le test d'accueil est faiblement significative. En revanche, elle se renforce pour les chiens qui avaient été évalués le plus tardivement (à 6-7 mois). Globalement, le score diminue avec le temps, les jeunes chiots étant plus excités à l'arrivée d'une personne inconnue.
  • La corrélation est modérée mais significative pour le test d'exploration ; elle est à nouveau plus forte si le chiot a été évalué à 6-7 mois.
  • Pour le niveau d'activité, la corrélation est faible. Et elle est cette fois plus forte pour les chiots évalués à 3-4 mois. Globalement, le score est diminué à l'âge adulte.
  • Dans le test du cylindre, les résultats tendent vers une corrélation, d'autant meilleure que le chiot est évalué tardivement. Pour ce test, les résultats des chiens témoins (n'ayant pas participé lorsque chiot) sont inférieurs aux autres à l'âge adulte, ce qui indique un effet mémoire, pouvant biaiser les résultats lorsque le test est répété.
  • Une corrélation significative modérée est observée pour le test de gestuelles, étonnamment plus forte chez les chiots évalués à 5 mois. La compréhension des signaux de communication humains se développe dès le plus jeune âge, et reste stable, ce qui avait déjà été rapporté dans d'autres travaux.
  • Le V-détour montre également des résultats modérément corrélés. Les adultes sont globalement plus performants que les chiots, et plus performants que les témoins. L'apprentissage semble donc compter, mais le test évalue des caractéristiques qui restent globalement stables.
  • Enfin, la corrélation est faible mais significative pour le problème insoluble, et meilleure pour les chiots évalués tardivement. D'une manière générale, les adultes y passent (perdent) moins de temps.

Bonne prédictibilité du comportement de l'adulte

Dans la deuxième phase d'étude, les propriétaires des chiens ayant effectué les batteries de tests lorsque chiots ont été invités à compléter des questionnaires visant à évaluer le comportement au quotidien de leur animal : 227 réponses exploitables ont été analysées. Les chiens étaient de 80 races différentes, et de divers âges au moment de la réponse (2 ans en médiane). Parmi ces chiens, 27 avaient participé à la phase 1.

Les deux questionnaires utilisés ont été précédemment validés : le C-BARQ (canine behavioural assessment and research questionnaire) et le DIAS (dog impulsivity assessment scale), évaluant notamment la peur des inconnus, l'énergie, l'excitabilité, la rapidité d'apprentissage… Des questions additionnelles permettaient de renseigner le mode d'éducation du chien, son historique, etc.

Les résultats indiquent une corrélation entre les tests chez les chiots et plusieurs comportements ultérieurs de l'adulte, meilleure qu'anticipé par les auteurs, et qui conforte la valeur prédictive de ces tests.

  • La capacité d'entraînement (obéissance) est ainsi positivement corrélée au test de gestuelles, ce qui n'était pas anticipé mais pourrait refléter la motivation du chien à coopérer avec l'humain et sa capacité de concentration.
  • L'énergie du chien adulte est corrélée au test du cylindre, une hyperactivité étant plus fréquente chez les chiots manifestant un moindre contrôle inhibiteur.
  • Son impulsivité (score DIAS) est également corrélée au test du cylindre, dans le même sens.
  • La peur des personnes étrangères est corrélée au test de problème insoluble (renforcée chez les individus qui y avaient passé plus de temps) et surtout à celui de l'accueil (les chiots craintifs développent plus souvent cette forme d'anxiété).

L'excitabilité, la vitesse d'apprentissage et la gestion des problèmes, en revanche, ne sont pas corrélées aux résultats des tests. Et le test du V-détour n'apparaît associé à aucun comportement particulier ultérieur ici, contrairement à ce qui pouvait être attendu.

Adapter l'éducation à l'individu

L'intérêt de ces tests effectués chez le chiot est de cerner sa personnalité et ses capacités cognitives, qui permettront d'adapter son éducation. Un chiot dépendant de l'homme, par exemple, demandera davantage d'encouragements dans les apprentissages. Inversement, un animal plus indépendant ou impulsif ne devra pas être qualifié à tort de « stupide » s'il manifeste une forme de désobéissance.

Les tests permettent aussi de détecter précocement un risque de troubles du comportement chez le chien adulte, relatifs à la sociabilité et l'anxiété notamment, afin que le propriétaire engage dès l'adoption des mesures éducatives qui permettront de les prévenir. Des troubles comme l'agressivité, la peur, l'élimination inappropriée, l'anxiété de séparation, les vocalises excessives… peuvent être difficiles à gérer par le propriétaire et motiver l'abandon du chien.