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Elanco & Proplan

13 juillet 2017

La détérioration de la biodiversité sur Terre est plus grave qu'appréhendé selon une nouvelle étude

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Le puma est le contre exemple d'une espèce qui a su conserver l'étendue presque totale de son aire de vie depuis le début du XXe siècle (cliché Pixabay).
Le puma est le contre exemple d'une espèce qui a su conserver l'étendue presque totale de son aire de vie depuis le début du XXe siècle (cliché Pixabay).
 

Un « anéantissement biologique » : le déclin actuel des populations d'animaux vertébrés sur Terre est alarmant au point d'être considéré ainsi. Il atteste surtout la réalité et la gravité de la « 6e extinction de masse » du vivant sur notre planète*, à laquelle l'humanité assiste et qu'elle doit « immédiatement » considérer. Ce sont là les principaux messages des auteurs d'une nouvelle étude publiée en ligne depuis lundi. Amplement diffusée, l'information a été largement relayée ces derniers jours, notamment par la presse grand public française, évoquant le déclin de 32 % des espèces de vertébrés, y compris des espèces non menacées, et la disparition de 200 d'entre elles en 100 ans. Quels sont finalement les travaux menés et leurs enseignements ?

27 600 espèces scrutées, abondantes comme rares

Les trois auteurs sont des scientifiques des universités de Mexico et Stanford (Californie). Ils présentent leurs résultats dans PNAS (publication de l'Académie des Sciences aux USA), au travers d'un article en libre accès (en anglais). Ce n'est pas leur premier sur le sujet.

Ici, l'étude s'est portée sur l'évolution des populations de « toutes les espèces de vertébrés terrestres », rares ou communes mais en diminution selon l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Elle totalise ainsi 27 600 espèces de mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens, « soit près de la moitié des espèces de vertébrés connues ».

Une analyse plus détaillée s'est concentrée sur 177 espèces de mammifères pour lesquelles des données sur leur répartition géographique sont disponibles depuis le début du XXe siècle (soit une évolution sur un peu plus de 100 ans : d'environ 1900 à 2015).

Le pire entre les tropiques

Et les résultats montrent que le déclin des vertébrés affecte les espèces quelle que soit leur abondance (de moins de 100 individus pour celles en danger le plus critique à plusieurs millions pour les plus communes), et sur tous les territoires du globe. Les diminutions de populations ne sont toutefois pas uniformes au plan géographique. Les régions intertropicales (entre les tropiques du Cancer et du Capricorne) présentent davantage d'espèces locales éteintes ou en voie d'extinction, notamment de mammifères et d'oiseaux. Les zones où la faune est la plus abondante sont particulièrement touchées : dans les forêts tropicales humides adossées à des régions montagneuses comme la jungle asiatique au sud de l'Himalaya, la forêt amazonienne des Andes tropicales ou les forêts du bassin du Congo. Inversement, les régions glaciales et hyperarides (Afrique saharienne, Asie centrale) sont moins affectées.

La répartition des espèces en déclin est assez similaire pour les populations de mammifères et d'oiseaux (elle se concentre toutefois davantage dans les zones tempérées pour les espèces avicoles). Elle est différente en revanche de celle des reptiles et des amphibiens qui se rencontrent naturellement plus rarement dans les régions de haute latitude (sous-polaires). La disparition des espèces reptiliennes est plus importante sur les continents africain et eurasien (à Madagascar dans les proportions les plus grandes), tandis qu'elle s'élève principalement dans les Amériques pour les amphibiens.

Un tiers des espèces en forte baisse

Toutes Classes confondues, parmi les 27 600 espèces étudiées, près d'un tiers présentent une diminution de population « d'ampleur considérable » : 8851 soit 32 %. La proportion est plus faible chez les amphibiens (15 %).

Nombre de ces espèces sont considérées comme menacées selon les critères de l'UICN. Mais les auteurs s'alarment du nombre de celles qui ne le sont pas (encore ?), bien qu'en déclin : « qu'autant d'espèces communes soient en diminution est la preuve de la gravité du phénomène d'extinction biologique global en cours ».

Territoires réduits comme peau de chagrin

Ils s'inquiètent d'autant plus que l'évolution sur un siècle de la répartition des 177 mammifères révèle une forte contraction de leur présence géographique : environ 45 % de ces espèces ont disparu aujourd'hui de 80 % ou plus de leur territoire en 1900. La rétraction est particulièrement élevée en Asie, en Afrique et en Australie. Les auteurs prennent l'exemple du lion, autrefois présent dans pratiquement toute l'Afrique, l'Europe du sud et le Moyen-Orient, et dont la population sauvage est aujourd'hui limitée à quelques groupes dispersés en Afrique subsaharienne (et quelques individus en Inde). Le puma, en revanche, a bien résisté à l'expansion humaine et demeure présent sur 85 % de son aire d'origine.

Le déclin des populations de ces 177 mammifères est important (à plus de 70 %) dans la majorité des espaces du monde entier, exception faite d'une partie de l'Amérique du sud et des hautes latitudes de l'Amérique du Nord.

Les plantes et les insectes aussi

Selon les chercheurs, l'actuelle extinction de masse des espèces animales n'est plus à démontrer. Leurs observations montrent seulement que son ampleur a été sous-estimée. Elles s'ajoutent à d'autres travaux qui « montrent que les espèces et les populations d'invertébrés [insectes notamment] et de végétaux accusent également des pertes considérables ». Il est ainsi à craindre une réduction importante de la diversité génétique intra-spécifique, ce qui nécessite toutefois d'autres études pour le confirmer.

Les auteurs y voient surtout les prémices d'un « anéantissement de la nature », résultant « d'effets catastrophiques en cascade sur les écosystèmes » et aux conséquences non seulement écologiques, mais aussi économiques et sociales. Selon eux, il reste à l'humanité deux à trois décennies, au mieux, pour réagir.

 

* La Terre aurait connu cinq extinctions de masse (disparition d'un nombre élevé d'espèces sur une courte période à l'échelle des temps géologiques), la dernière s'étant produite il y a 65 millions d'années avec la dispartition, entre autres, des dinosaures.