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Elanco & Proplan

19 décembre 2024

Face à la “pénurie” de praticiens, le Colorado invente les vrais faux vétérinaires

par Karin De Lange

Temps de lecture  5 min

Après trois semestres de cours en ligne et deux d'apprentissage pratique, le veterinary professional associate, nouvellement créé au Colorado seulement, aura le droit de réaliser certaines interventions chirurgicales. Mais le vétérinaire de plein exercice le supervisant, en sera professionnellement responsable. Cliché : Pixabay.
Après trois semestres de cours en ligne et deux d'apprentissage pratique, le veterinary professional associate, nouvellement créé au Colorado seulement, aura le droit de réaliser certaines interventions chirurgicales. Mais le vétérinaire de plein exercice le supervisant, en sera professionnellement responsable. Cliché : Pixabay.
 

Pour tenter de résoudre la supposée pénurie de vétérinaires et d'améliorer l'accès aux soins vétérinaires, les électeurs du Colorado (États-Unis) ont donné le coup d'envoi, par 52 % des voix, au nouveau métier d'associé professionnel vétérinaire (APV, ou VPA en anglais), début novembre. La méthode est sans précédent pour introduire un tel changement dans la profession vétérinaire : le mouvement « All Pets Deserve Vet Care » – soutenu par la Dumb Friends League (DFL, association de protection animale), l'American Society for the Prevention of Cruelty to Animals (ASPCA), l'Animal Welfare Association of Colorado, la Humane Society of the United States et d'autres ont recueilli suffisamment de signatures pour mettre transformer leur idée d'une nouvelle formation de praticien vétérinaire de niveau intermédiaire en proposition réglementaire. Soumise aux électeurs de ce seul état, la « proposition 129 » a donc été acceptée le 5 novembre..

« Ajouter des professionnels dans un métier en pénurie »

L'APV serait autorisé à établir un diagnostic, à créer des plans de traitement, diriger des équipes de soins vétérinaires et à effectuer des interventions chirurgicales sous la supervision d'un vétérinaire agréé. Cependant, à part disposer d'un diplôme de niveau Bachelor, aucune exigence spécifique pour la formation antérieure au master n'est actuellement précisée. Selon ses partisans, l'initiative vise à améliorer l'accès aux soins vétérinaires en « ajoutant des professionnels à un effectif [vétérinaire] en diminution » et en « réduisant les coûts des soins vétérinaires ». Ils prétendent également « offrir une voie professionnelle aux techniciens vétérinaires [ASV américaines], leur permettant d'acquérir des compétences avancées et d'augmenter leurs salaires ». L'ASPCA estime qu'avec ce vote « les électeurs du Colorado ont donné aux animaux une chance de vivre plus longtemps, en meilleure santé et plus heureux ».

La formation : principalement en ligne

La Colorado State University (CSU) a créé le programme d'enseignement des APV, qui comptera trois semestres de cours en ligne et deux semestres d'apprentissage pratique, y compris un stage. Les critiques de ces dispositions – dont l'Association de médecine vétérinaire américaine, AVMA – soutiennent que cette formation, qui sera lancée en 2025, est bien en deçà des plus de huit années d'études requises pour les vétérinaires. La majeure partie du programme de ce mastère serait enseignée en ligne, ce qui ne fournirait pas une exposition suffisante à l'exercice clinique et à l'interprétation des résultats d'analyses complémentaires, et mettrait en danger la santé et la sécurité des animaux (de compagnie comme de rente) du Colorado. Il n'y a actuellement aucune accréditation du programme d'enseignement, aucun test pour déterminer la compétence des diplômés, et aucune licence [donnant droit à l'exercice] n'est prévue pour les APV, à la différence des vétérinaires. Selon les détracteurs de cette mesure, le rôle d'AVP chevauche les tâches du vétérinaire et du technicien vétérinaire, ce qui le rend non seulement inutile mais apporterait risques considérables pour la santé et la sécurité des animaux, la santé publique et la confiance des clients. Cela augmenterait également la responsabilité et le risque juridique pour les vétérinaires superviseurs.

Mieux reconnaître les techniciens vétérinaires

 « Soyez assurés que maintenant, plus que jamais, nous poursuivrons notre travail pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des animaux du Colorado », a déclaré Sandra Faeh, DVM, présidente de l'AVMA, suite à l'annonce du vote, au résultat duquel cette association, comme la branche de l'état du Colorado, s'opposent fermement. « Nous évaluerons toutes les options pour nous assurer que les animaux de compagnie et les autres animaux reçoivent des soins de haute qualité dirigés et dispensés par des vétérinaires dûment formés, compétents et agréés ». Une enquête menée dans l'intervalle par l'American Association of Veterinary State Boards (AAVSB) a reçu près de 14 000 réponses de vétérinaires et de techniciens vétérinaires. Ses résultats : « bien qu'il y ait un certain intérêt à explorer le concept d'APV, il existe des préoccupations importantes concernant la mise en œuvre, telles que l'adéquation de la formation, les impacts réglementaires et le calendrier, d'autant plus que les techniciens vétérinaires accrédités ne sont pas pleinement utilisés pour le moment », a résumé le président de l'AAVSB. « Notre engagement reste la protection du public et la garantie de soins vétérinaires accessibles et de qualité. Les données de l'enquête démontrent que les techniciens vétérinaires peuvent et doivent être utilisés plus largement pour combler les lacunes dans les soins vétérinaires, avant qu'un praticien vétérinaire de niveau intermédiaire puisse être envisagé ».

« Il n'y a pas de “vide” à combler »

Dans les forums en ligne, de nombreux techniciens vétérinaires disent « souhaiter que les professionnels ayant [leur] diplôme soient mieux reconnus et payés ». Parmi les commentaires :  « c'est effrayant et tellement frustrant – permettez-moi d'abord d'utiliser pleinement mes capacités avant d'aller inventer de nouveaux métiers »… Selon Diane Matt, à la tête de l'association des vétérinaires du Colorado et Janet Donlin, responsable de l'AVMA, « il n'y a pas de “pénurie” dans la filière vétérinaire. Le rôle d'un AVP devrait se résumer à reproduire le travail que soit les vétérinaires soit les techniciens vétérinaires effectuent déjà. Les vétérinaires diagnostiquent, pronostiquent, élaborent des plans de traitement, prescrivent et effectuent des interventions chirurgicales. Les techniciens vétérinaires font tout le reste ». Et justement, le Colorado venait d'adopter une loi permettant aux vétérinaires de déléguer « les tâches appropriées » à leurs techniciens vétérinaires, élargissant ainsi leur rôle. Le diplôme d'APV « mettrait des personnes mal formées, titulaires d'une maîtrise obtenue principalement en ligne, dans des rôles de prise de décision médicale et leur permettrait d'effectuer des interventions chirurgicales, compromettant la sécurité des animaux du Colorado et l'avenir des soins vétérinaires ».