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Elanco & Proplan

17 décembre 2024

Suède : les plaintes disciplinaires en lien avec des euthanasies aboutissent rarement à déjuger le praticien

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

L'analyse des dossiers des 47 saisines de l'autorité disciplinaire vétérinaire suédoise en lien avec l'euthanasie d'un animal entre 2018 et 2022 montre que la grande majorité des cas ne repose pas sur une faute médicale du praticien, mais est liée à un manque de communication (de la part du praticien) ou de compréhension (de la part du maître). LeFil, d'après Berg et Vickers, 2024.
L'analyse des dossiers des 47 saisines de l'autorité disciplinaire vétérinaire suédoise en lien avec l'euthanasie d'un animal entre 2018 et 2022 montre que la grande majorité des cas ne repose pas sur une faute médicale du praticien, mais est liée à un manque de communication (de la part du praticien) ou de compréhension (de la part du maître). LeFil, d'après Berg et Vickers, 2024.
 

Entre 2018 et 2022, le bureau disciplinaire vétérinaire suédois a été saisi à 47 reprises de plaintes de propriétaires en lien avec l'euthanasie de leur animal de compagnie. Deux chercheuses suédoises viennent d'analyser ces éléments qui n'ont abouti qu'à deux « admonestations », une peine plus faible qu'un « avertissement ». Mais elles mettent surtout en lumière des « barrières de communication » dans la gestion de ces cas.

Souffrances non nécessaires ?

Les chercheuses expliquent que, dans le cadre du One Welfare, elles ont revu les investigations disponibles dans les archives du bureau disciplinaire « pour voir comment a été instruit le fait que les animaux auraient pu être soumis à des souffrances non nécessaires ». Sur la période étudiée (5 ans), il y a eu environ 200 plaintes par an instruites par le bureau disciplinaire suédois, suite à des saisines par des propriétaires d'animaux. Premier constat : les plaintes associées à une euthanasie sont minoritaires : entre 6 et 12 par an, et 47 sur la période de l'étude. Il s'agit dans plus de la moitié des cas de chiens (55 %), devant les chats (38 %), les chevaux (2 cas soit 4 %) et un hamster.

Attentes et représailles

Elles se répartissent en deux motifs, aux dires des plaignants :

  • Une mauvaise pratique, en lien avec soit ce qui leur apparaît être une négligence, soit avec un traitement inapproprié (par exemple un autre traitement non létal aurait pu/dû être mis en œuvre). C'est le cas le plus fréquent (57 % du total), et cela comprend aussi le fait que l'acte « ne s'est pas déroulé aussi calmement et tranquillement qu'attendu » par le maître.
  • Un erreur dans la mise en œuvre du traitement (euthanasie), qui n'a pas été réalisée correctement (aux dires du maître).

Bien que cela ne figure pas dans le dossier disciplinaire, les auteures ont aussi recherché si les praticiens avaient déclaré aux autorités, comme la loi les y oblige, une suspicion de maltraitance de l'animal par le maître. De fait, c'était bien le cas dans 9 % des dossiers, indiquant que la plainte disciplinaire avait pu être motivée par des « représailles ».

Manque d'information ou de compréhension

L'analyse des dossiers a permis aux chercheuses de classer les litiges en trois catégories : ceux liée à un problème de communication, ceux liés à l'attitude du client et ceux liés au lien que le client portait à son animal (voir l'illustration principale). La communication est à l'origine de la majorité des cas et en particulier le manque d'informations sur la procédure et la façon dont elle allait se dérouler, ou sur sa rapidité (pas de possibilité de dire adieu à l'animal). Les risques n'ont parfois pas été détaillés non plus, et le cas des réflexes pendant l'inconscience de l'animal n'avait pas été évoqué au maître, qui l'a perçu comme un traitement cruel. Il y a des barrières de communication quand le praticien présente l'ensemble des options thérapeutiques et que le client accepte de manière éclairée l'euthanasie, mais revient trop tard sur sa décision. La barrière de la langue n'est intervenue qu'une fois (maître ne parlant pas couramment le suédois). La seconde sous-catégorie de litige est celle liée à l'attitude du client : dans près d'un cas sur cinq, le plaignant est au mieux défiant, au pire verbalement agressif envers les compétences du praticien au moment de l'enregistrement de son litige. La dernière sous-catégorie est celle des perturbations du client liées au choc émotionnel du fait de son lien d'attachement à l'animal. Les 7 cas concernés sont tous les mêmes : le plaignant a l'impression de s'être fait forcer la main pour accepter l'euthanasie.

Deux admonestations

Seuls deux cas ont conduit à une condamnation du praticien, tous deux en 2018. Ces chiffres renforcent le fait que les litiges sont rarement liés au respect de l'état de l'Art en la matière, mais reposent surtout sur la communication et/ou les sentiments du client. Dans le premier cas, le praticien avait procédé « à une injection intracardiaque de pentobarbital comme méthode d'euthanasie » sur un animal non anesthésié. La procédure était « incorrecte et n'avait pas respecté la législation sur le bien-être des animaux, d'une manière qui aurait pu causer de la détresse à l'animal ». Dans le second cas, le bureau disciplinaire « a estimé que le vétérinaire n'avait pas effectué un diagnostic complet de l'animal et qu'il aurait dû recommander un traitement médical avant de présenter les autres options de traitement, y compris l'option de l'euthanasie ». Dans ces deux cas, c'est le niveau le moins sévère de sanction qui a été retenu (admonestation). « Bien que les plaintes justifiées, c'est-à-dire les plaintes pour lesquelles la critique est fondée selon la décision disciplinaire, soient importantes pour l'assurance de la qualité des soins vétérinaires en général, les plaintes injustifiées peuvent être préjudiciables à la pratique vétérinaire », or ce sont justement les plus nombreuses, relèvent les auteures.

Transparence et empathie

Pour tenter de limiter ces incidents, dans leur revue de la littérature, elles mettent en avant plusieurs solutions possibles :

  • être « transparent sur la manière dont l'euthanasie sera pratiquée, sur les complications possibles et sur les différentes étapes du processus (…). Il peut être nécessaire de répéter ces informations à plusieurs reprises afin de réduire le risque de malentendus ou d'attitudes négatives » ;
  • avoir conscience « des différentes expressions possibles du comportement humain lors de la perte d'un animal de compagnie, où le choc, le déni, la méfiance, la colère et l'aliénation peuvent être des étapes traversées par le client » et peuvent donner lieu à un recherche de responsable à  à blâmer ;
  •  bien que cela puisse être chronophage, « envoyer un mot de condoléances ou rappeler les maîtres peut aussi être bénéfique au bien-être du praticien ».

En l'état, leur recherche montre aussi que « le nombre de plaintes auprès de l'autorité disciplinaires concernant l'euthanasie n'est pas un indicateur utile des mauvaises pratiques en matière de bien-être animal entraînant des souffrances inutiles ».