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Elanco & Proplan

2 janvier 2025

Le H5N1, toujours pas sous contrôle aux USA chez les bovins laitiers

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

État des lieux du nombre d'élevages bovins laitiers confirmés infectés par le H5N1 aux USA entre le 25 mars et le 31 décembre 2024. Entre parenthèses figure le nombre de foyers confirmés sur le mois de décembre dans les états concernés (USDA, 2025).
État des lieux du nombre d'élevages bovins laitiers confirmés infectés par le H5N1 aux USA entre le 25 mars et le 31 décembre 2024. Entre parenthèses figure le nombre de foyers confirmés sur le mois de décembre dans les états concernés (USDA, 2025).
 

Avec 913 foyers d'infection par le virus influenza aviaire H5N1 en élevages bovins laitiers identifiés dans 16 états américains depuis fin mars 2024, le bilan de cette épizootie inattendue montre qu'elle n'est toujours pas sous contrôle.

État d'urgence

La détection des premiers foyers bovins (au Texas) remonte à fin mars 2024 ; en 9 mois, 16 états ont détecté “leurs” propres foyers. La Californie a rejoint les états concernés fin août derniers et est depuis devenue celui en recensant le plus : à elle seule elle représente plus de 3 cas américains sur 4, et la quasi-totalité (222/224) de ceux identifiés en décembre. Ces cas sont pour la plupart localisés dans le centre de l'état, zone de forte densité d'élevages bovins laitiers (Central Valley), mais le 25 décembre, la détection de nouveaux foyers en Californie du sud indique que le virus a diffusé et que donc les mesures de contrôle mises en œuvre ne sont pas suffisantes ou suffisamment mises en œuvre. Au point que, le 18 décembre, le gouverneur de l'état a déclaré l'état d'urgence « pour renforcer la réponse robuste contre l'influenza aviaire », affectant aussi durement le compartiment avicole.

Dépistage national

Pourtant, la Californie est le premier état américain à avoir mis en œuvre un dépistage hebdomadaire systématique sur le lait cru sortant des exploitations, courant octobre dernier. C'est probablement pour cela qu'autant de cas y ont été détectés, alors que dans les autres états, les services fédéraux de santé animale étaient tributaires de la participation volontaire des opérateurs de la filière laitière pour réaliser de tels dépistages. Le faible empressement de ces derniers à participer au dépistage a été officiellement reconnu les services officiels, et déploré par les scientifiques. Aussi le gouvernement Biden a-t-il décidé le 6 décembre dernier d'un dépistage obligatoire national sur tous les laits crus sortant de chez des opérateurs (éleveurs, transporteurs, laiteries) à travers les USA, avec entrée en vigueur au 16 décembre. Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact de cette mesure sur le décompte national des cas.

Des cas humains, et des vaccins

En Californie toujours, le fait de tester les laits permet aussi de qualifier les élevages : ainsi, le 19 décembre, 56 élevages anciennement infectés ont retrouvé leur statut indemne, leur mise sous surveillance ayant ainsi pris fin. Ces élevages peuvent reprendre la livraison de leur lait non thermisé, et reviennent dans la routine du dépistage hebdomadaire systématique. Par ailleurs, ces plus de 650 foyers ont donné lieu à la détection de 36 cas humains d'infection par un H5N1 attribués aux bovins. Ce sont tous des cas d'infection légère, se manifestant avant tout par une conjonctivite et plus rarement par des signes respiratoires bénins. La procédure de surveillance repose sur le signalement des signes cliniques par les employés des élevages. Ils reçoivent alors un traitement antiviral. Toutefois, en parallèle, la Californie a commandé 5 000 doses de vaccin humain contre le H5N1, pour vacciner le personnel des élevages. Toutefois, ce dispositif a des limites et le nombre réel de cas humains est supérieur. C'est en tout cas ce qui ressort d'une étude réalisée au cours de l'été dernier par la structure fédérale en charge de la gestion et e la prévention de ces cas (le CDC), et publiée courant novembre. Cent quinze employés d'exploitations bovines infectées des états du Michigan et du Colorado ont accepté de réaliser une prise de sang et une interview sr leur état de santé passé. Huit ont été trouvées séropositifs au virus H5N1, ce qui fournit une prévalence de 7 % (intervalle de confiance à 95 % : 3,6 à 13,1 %). Ces cas ne seront pas repris dans le décompte officiel des USA. Seul un sujet séropositif sur deux s'est « rappelé avoir été malade à peu près au moment où les vaches l'avaient été ; les symptômes ont commencé avant ou dans les quelques jours qui ont suivi la détection du virus A(H5) chez les vaches ». Soit l'autre moitié des cas ne se souvient pas des signes cliniques (légers), soit il s'agit d'infections asymptomatiques. Ce qui signifie que le dispositif de surveillance de l'infection en élevage tel que dessiné jusque-là par le CDC n'est pas exhaustif.

Salle de traite à risque

Dans la même étude, par rapport aux employés séronégatifs, seul le nettoyage de la salle de traite était la tâche significativement associée à un résultat séropositif (p<0,001). Aucun des séropositifs n'a utilisé de protection respiratoire ; trois d'entre eux ont utilisé la protection oculaire recommandée. Pour le CDC, ces résultats confirment « la nécessité d'identifier et de mettre en œuvre des stratégies de prévention de la transmission parmi les vaches laitières afin de réduire l'exposition des travailleurs, ainsi que d'éduquer et de sensibiliser les travailleurs laitiers à la prévention, aux symptômes et à l'endroit où consulter un médecin s'ils développent des symptômes ».

Situation prépandémique ?

À noter que les virus H5N1 identifiés chez les bovins et les humains exposés appartiennent au génotype B3.13. Il est légèrement différent du variant actuel du H5N1 (toujours du clade 2.3.4.4b) circulant activement dans la filière avicole en Amérique du nord, du génotype D1.1. Cette dernière souche a été identifiée chez deux cas humains sévères (à la différence du B3.13 qui ne produit jusqu'à présent que des signes cliniques modérés) :

  • au Canada (Colombie-Britannique), en novembre dernier, chez un adolescent admis en soins intensifs, et qui n'a pas de contact connu avec des volailles ;
  • Aux USA (Lousiane), en décembre, chez un quinquagénaire qui avait eu des contacts avec des volailles malades

Dans ce contexte, une mise à jour du risque pandémique lié aux H5N1 a été publiée le 20 décembre, conjointement par l'OMSA, l'OMS et la FAO. Toutefois, cette évaluation repose sur les données disponibles au 18 novembre. À cette époque il y avait près de 600 foyers en élevages bovins laitiers aux USA. Les experts estiment que « le risque global de santé publique lié aux virus de l'influenza A(H5N1) est faible, tandis que le risque d'infection pour les personnes exposées professionnellement est faible à modéré, en fonction des mesures d'atténuation des risques mises en place et de la situation épidémiologique locale en matière d'influenza aviaire ». Ils annoncent s'attendre à « ce que de nouvelles infections humaines liées à l'exposition à des animaux infectés ou à des environnements contaminés se produisent », mais à l'échelle mondiale, le risque d'émergence pandémique « est pour l'instant mineur ».

Enfin, les auteurs de l'étude sérologique sur les employés d'élevage ont également mentionné lors du point presse qu'une conférence de vétérinaires bovins a eu lieu dans l'Ohio, et que 150 d'entre eux ont accepté de participer à une autre enquête sérologique sur l'exposition au H5N1. Ses résultats « seront publiés dès qu'ils seront disponibles ».