27 janvier 2025
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En quelques années, la kétamine est passée du statut « de drogue dangereuse » circonscrite aux initiés à celui d’une drogue dédiabolisée, sûre d’emploi, consommée par près de 10 % des toxicomanes.
C’est un jubilé pour la kétamine. Mais ce jubilé est marqué par un projet d’arrêté qui classe la kétamine comme stupéfiant (voir aussi LeFil d'hier : 27 février).
Pas un seul praticien en exercice n’ignore cet anesthésique considéré comme l’un des plus sûrs et courants de la médecine vétérinaire. Il a pourtant d’abord été développé pour l’homme comme anesthésique d’urgence et utilisé durant la guerre du Vietnam sans qu’il soit nécessaire de disposer d’équipement de réanimation. Considérée comme très sûre d’emploi, la kétamine est encore utilisée en pédiatrie pour des anesthésies de courtes durées.
Mais cet anesthésique dissociatif est aussi connu de longue date pour ses effets secondaires « euphorisants », voire « hallucinogènes ». Dès 1978, le médecin neuroscientifique John Lilly (sans aucun lien avec le laboratoire homonyme) rapporte ses propres expériences kétaminées. Depuis les années 2000, elle devient même suffisamment connue pour inspirer, entre autres, des épisodes de Dr House, X-Files, ou la chanson Spécial K du groupe de rock alternatif Placebo.
L’Observatoire français des drogues (OFDT) s’intéresse aussi depuis longtemps à la kétamine. Dans une note de juin 2014, elle s’inquiète de la diffusion de cette drogue, dont l’usage était jusque-là circonscrit à une minorité d’une population nomade (appelés « travellers »).
Lors de son introduction parmi les drogues émergentes à la fin des années 90, la kétamine « mythique » a plutôt une « mauvaise réputation » : « une drogue dangereuse », « un anesthésique de cheval » pour des « expérimentateurs fous ». En outre, ses effets « dissociatifs », « euphorisants », « hallucinogènes », d’ « ivresse cotonneuse » tendent à « dissocier » et donc à « isoler l’usager « zombie » du reste du groupe ». Cela n’est pas dans l’esprit de « communauté » recherché dans les milieux festifs où elle était le plus souvent consommée. Son image était donc plutôt négative. Sa consommation était rare et circonscrite.
Mais, depuis quelques années, « son statut de médicament rassure ». Ses effets sont mieux maîtrisés et à petites doses. L’image est donc devenue beaucoup plus positive. La brièveté de ses effets (20 à 40 minutes) est un atout. D’autant qu’elle n’est pas détectée dans les tests salivaires si un usager prend sa voiture après une consommation de kétamine.
Elle est « sniffée » sous forme de poudre par 75 % de ses usagers, plus rarement injectée (32 % des usagers). La voie injectable, plus difficile à maîtriser, a beaucoup régressé. La voie orale n’est presque plus employée (5 % des usagers).
La kétamine n’induit pas de dépendance contrairement à d’autres drogues. Et les risques sanitaires liés aux effets pharmacologiques directs (pertes de conscience, comas à hautes doses) sont en nombre réduit. Son danger est réel, mais surtout indirect. Les affections les plus fréquentes associées à cette drogue sont des blessures, coupures, fractures liées au comportement d’ « ivresse kétaminée ». Les lésions sont d’autant plus graves parfois que l’usager « halluciné » sous kétamine « ne ressent pas la douleur » et subi des troubles de la vision. Toutefois, elle n’est pratiquement jamais citée par ses usagers (0,3 %) comme étant une substance à problème. Une réputation de « drogue sûre ».
En 2012, 8,6 % des usagers des centres spécialisés d’accueil déclarent avoir consommé de la kétamine dans le dernier mois, contre 7,4 % en 2010, et moins encore les années précédentes. Cette prévalence nationale de 8,6 % est très variable selon les régions. Elle serait quasi inexistante à Paris et en Ile-de-France (< 3 %) mais beaucoup plus fréquent à Bordeaux (17 %) ou à Rennes (16 %).
Les usagers de kétamine sont des polyusagers. Ils ont consommé 7,5 substances différentes durant le dernier mois précédant leur accueil contre 3,6 substances différentes pour les non-usagers de kétamine. Les consommateurs de kétamine sont donc aussi des usagers d’opiacés, de cocaïne, d’amphétamines, de MDMA, LSD…
L’approvisionnement en kétamine ne fait pas (encore) l’objet d’un trafic structuré. Les quantités saisies sont très peu élevées : 4 kg en 2013, 65 kg en 2008 ou 100 g en 2011. Elles ne sont donc pas vraiment en augmentation, mais très variables d’une année à l’autre. Sa disponibilité est d’ailleurs cyclique avec des périodes d’abondance puis de fréquentes pénuries. Quand elle est disponible, elle se négocie autour de 40 à 50 euros le gramme.
La provenance de la kétamine reste floue. Mais elle est principalement importée du Royaume-Uni, d’Inde (en bidons d’un à dix litres provenant de pharmacies indiennes), d’Asie ou d’Espagne (dans la région de Bordeaux). La kétamine d’origine vétérinaire ou hospitalière est connue et réputée plus pure. Mais les quantités ainsi détournées sont très limitées. Cette origine semble donc marginale dans la consommation de cette drogue.
Au global, l’observatoire français des drogues s’inquiète de la banalisation de la kétamine en France. De la drogue d’initiés où elle était cantonnée, elle diffuse dans des populations de plus en plus jeunes où elle semble être plus facilement disponible que par le passé. L’observatoire en demande donc une surveillance accrue. D’où probablement le projet de la classer comme stupéfiant sous toutes ses formes.
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