titre_lefil
Elanco & Proplan

25 juillet 2024

Agressivité à la clinique : un signe d'appel d'une agressivité à domicile

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Seuls 57 % des chats ne présentent jamais de comportement agressif en consultation, selon leurs propriétaires dans cette étude (cliché Pixabay).
Seuls 57 % des chats ne présentent jamais de comportement agressif en consultation, selon leurs propriétaires dans cette étude (cliché Pixabay).
 

Ce n'est pas une surprise : une large proportion de chats n'est pas très coopérative en consultation. Outre le fait de chiffrer cette proportion – près de 43 % –, une enquête américaine montre que des signes d'agressivité à la clinique ne sont pas seulement des indicateurs d'un stress important ou d'une douleur de l'animal ; ils sont bien souvent associés à des troubles de comportement.

Long questionnaire d'évaluation validé

Le trajet à la clinique, son environnement (lieu inconnu, odeurs, bruits, etc.) puis la manipulation du chat sont stressants pour lui. Et les premiers signes d'inconfort peuvent évoluer vers des comportements d'agressivité. Limiter ce stress, par des mesures pet-friendly, permet de sécuriser la consultation, mais aussi de prévenir qu'il se prolonge à domicile et favorise ainsi des maladies comme la cystite idiopathique, et déclenche ou exacerbe des troubles du comportement.

Ici, l'objectif de l'étude (publiée en libre accès dans le JFMS), était d'évaluer si une agressivité à la clinique est associée à des problèmes de comportement au domicile (comportements jugés indésirables par ses propriétaires).

L'enquête s'est déroulée via un questionnaire en ligne, diffusé aux États-Unis en 2022 (18 août au 7 septembre) et à laquelle plus de 1200 propriétaires de chats ont répondu, dont 759 ont été retenus. Les répondants devaient posséder au moins un chat et résider aux États-Unis.

En complément du recueil d'informations préliminaires sur le chat (race, âge, sexe, environnement de vie, etc.) et le foyer (lieu et type d'habitation, nombre de personnes, d'animaux, âge et genre du propriétaire, niveau d'éducation, etc.), le questionnaire utilisé, le Feline behavioral assessment and research questionnaire (Fe-BARQ) est un outil validé pour évaluer le comportement du chat auprès de son propriétaire. Il comporte 100 questions et quantifie 24 paramètres comportementaux qui sont l'expression de divers aspects du comportement félin : activité générale/jeu, sociabilité, agressivité envers les personnes (propriétaire ou inconnus), les congénères ou d'autres espèces animales, prédation, comportements compulsifs (toilettage), etc. Il évalue aussi 15 paramètres reflétant des comportements perçus comme anormaux : vocalises excessives, marquage urinaire ou griffades de supports inappropriés. La fréquence de chaque item est notée de 0 (jamais) à 4 (toujours).

L'une des questions, la n°93, interroge le propriétaire sur le comportement du chat à la clinique : « est-ce que votre chat grogne, siffle, griffe ou mord lorsqu'il est examiné ou traité par un vétérinaire ? ». Et les chercheurs ont évalué la corrélation entre le score obtenu à cette question et ceux attribués aux comportements d'agressivité ou d'anxiété au domicile.

Ils ont également ajouté quelques questions, notamment sur le déroulement de la dernière consultation vétérinaire et l'administration d'anxiolytiques en prévention, et sur l'appréciation par le propriétaire du comportement de son chat (problématique ou non, avec ses conséquences en termes de stress et de mesures envisagées comme un abandon ou une euthanasie).

Des chats stérilisés, en foyers multipossesseurs…

Les chats avaient 7,5 ans en moyenne. Les mâles étaient légèrement surreprésentés (n=403 contre 353 chattes), tous stérilisés ; le faible nombre de chats entiers (3 seulement) a amené les auteurs à les exclure. Près de 72 % des chats ne sortaient jamais.

Seuls 29 % des répondants n'avaient qu'un seul chat, et 32 % en avaient 2, les autres en possédant davantage (de 3 jusqu'à plus de 8).

… et médicalisés

La dernière visite chez le vétérinaire remontait à moins de 6 mois pour 485 chats (64 %), et à moins de 12 mois pour 177 supplémentaires (23 %). Seuls 29 (3,8 %) n'avaient pas vu de vétérinaire depuis plus de 2 ans. Une large majorité de propriétaires (86 %) avaient assisté à la consultation et/ou aux soins (c'est-à-dire avaient vu leur chat être manipulé).

57 % de chats toujours paisibles

Les réponses au questionnaire (question 93) montrent que 42,6 % des chats peuvent manifester un comportement agressif au cours de la consultation :

  • 57,4 % (436) n'en présentent jamais,
  • 17,5 % (133) en présentent rarement,
  • 8,8 % (67) parfois,
  • 7,8 % (59) souvent,
  • et 8,4 % (64) toujours.

Une agressivité, même occasionnelle, est donc fréquente. Toutefois, une minorité seulement de propriétaires (n=142 soit 18,7 %) avaient anticipé, et administré un produit à visée anxiolytique ou antalgique en amont de la dernière visite (médicament comme la gabapentine ou supplément alimentaire comme le cannabidiol), même si ces traitements préventifs sont corrélés à l'agressivité rapportée. Les auteurs proposent que ces traitements préventifs soient plus largement prescrits aux chats agressifs en consultation, pour leur confort comme pour celui du propriétaire et de l'équipe soignante.

Les chats qui vivent à plusieurs dans le même foyer présentent moins souvent d'agressivité en consultation, et d'autant moins souvent qu'ils sont nombreux, un constat dont les explications mériteraient d'être explorées, selon les chercheurs.

Lien avec les troubles comportementaux à domicile

Aucune association n'est observée entre cette agressivité et le sexe ou la race du chat, ni son mode de vie (accès à l'extérieur).

En revanche, elle est significativement et positivement corrélée à divers comportements problématiques à domicile :

  • agressivité envers les personnes inconnues, envers le propriétaire (y compris l'intolérance au contact) ;
  • intolérance à la contrainte (contention) ;
  • peur de la nouveauté ;
  • agressivité envers les autres chats du foyer, envers les chiens ;
  • signes d'anxiété de séparation ;
  • toilettage excessif (compulsif) ;
  • élimination inappropriée (malpropreté) ;
  • griffades sur des supports inappropriés.

Ainsi, une agressivité en consultation est non seulement associée à une agressivité dans le contexte de vie normale (envers les personnes et/ou les animaux), mais aussi à d'autres troubles comportementaux comme une anxiété de séparation, d'autant plus qu'anxiété et peur peuvent amener des comportements d'agression. Les auteurs proposent alors de considérer des signes d'agressivité à la clinique comme un indice de potentiels troubles du comportement, ou d'un environnement de vie inapproprié, ou encore d'une affection pouvant les favoriser (maladie douloureuse, déclin cognitif, etc.). Mener les investigations nécessaires pour explorer ces hypothèses permettrait de les diagnostiquer, et les traiter le cas échéant.

Les auteurs signalent aussi qu'un chat stressé par la contention et les soins à la clinique le sera probablement à domicile aussi pour des traitements ou même des soins d'entretien (le brossage du pelage par exemple), ce qui peut être à considérer dans les prescriptions et les conseils.

Stressés par le comportement de leur chat

Pour 262 répondants à cette question (soit 34,5 %), le comportement du chat (à la maison) n'est aucunement problématique. Mais pour 65 (8,6 %), il est stressant, voire très stressant. Et globalement, plus de la moitié des propriétaires (55 %) disent en ressentir un stress même mineur.

Une corrélation est observée entre ces réponses et celles de la question 93.

En revanche, envisager l'abandon ou l'euthanasie du chat en raison de son comportement (évoqué par 3 % des répondants ici) n'est pas corrélé à une agressivité en consultation vétérinaire.