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Elanco & Proplan

31 octobre 2023

Surveillance syndromique en canine : deux pays européens se lancent

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

La Norvège et le Royaume-Uni viennent de présenter des données leur permettant d'avancer sur la surveillance syndromique de la santé des animaux de compagnie (cliché : université de Lancaster).
La Norvège et le Royaume-Uni viennent de présenter des données leur permettant d'avancer sur la surveillance syndromique de la santé des animaux de compagnie (cliché : université de Lancaster).
 

En Norvège et au Royaume-Uni, la surveillance syndromique est en cours de mise en place pour les chiens et les chats. La surveillance syndromique est le fait de mettre en place des indicateurs de fréquence des principales maladies de systèmes (respiratoires, digestifs, neurologiques, etc.) pour pouvoir détecter une hausse de la proportion de certains événement sanitaires de manière non spécifique dans une population. Cela existe déjà en médecine humaine : en France, un tel dispositif a été mis en place par Santé Publique France début 2015. Baptisé SURSAUD®, il « permet la centralisation quotidienne d'informations, provenant, d'un peu plus de 600 services d'urgences participant au réseau de surveillance coordonnée des urgences et de 60 associations SOS Médecins ».

Épisode de diarrhée hémorragique

En Norvège, l'idée de la mise en place d'un tel dispositif a fait suite à l'augmentation brutale de cas de diarrhée hémorragique sur des chiens jusque-là en bonne santé dans une grande partie du pays, en 2019 (voir LeFil du 9 septembre 2019, et LeFil du 18 septembre 2019). L'étiologie de la dysbiose n'a pas pu être identifiée avec certitude, mais les autorités sanitaires se sont aperçues à cette occasion qu'il n'y avait pas de centralisation des données relatives à la santé des animaux de compagnie. L'agence de sécurité sanitaire norvégienne a donc délégué à l'institut vétérinaire national la surveillance de l'état de santé de ces animaux domestiques (comme il surveille déjà celui des animaux de rente).

Pyramidion et DyreID

Comme en France avec I-CAD, le registre norvégien d'identification des animaux de compagnie, DyreID, est géré par l'association vétérinaire nationale (900 000 chiens et chats identifiés). Dans ce cadre, les gestionnaires de DyreID avaient déjà développé « la plateforme de santé Pyramidion, une base de données de diagnostics établis par des vétérinaires norvégiens. Pyramidion compte 7,5 millions de diagnostics enregistrés et reçoit plus de 100 000 diagnostics par mois en temps réel ». Cela a permis, lors de la crise de 2019, de transmettre les données relatives à l'épisode de diarrhées hémorragiques à l'institut national, mais avec un délai empêchant une analyse d'urgence car les autorisations n'avaient pas été prévues à l'époque. Par la suite, un second épisode sanitaire s'est produit en 2021, avec l'intoxication d'environ 200 chats par de l'alphachloralose.

Première mondiale

Pour que l'institut vétérinaire norvégien puisse à l'avenir détecter des signaux faibles (surveillance syndromique) et intervenir, un accord vient donc d'être signé entre cet institut et DyreID. Ainsi, la Norvège devient « le premier pays au monde à disposer d'un tel registre pour les diagnostics effectués sur les animaux de compagnie, et ce sera un outil utile et important dans le travail de l'Institut vétérinaire ». DyreID est aussi l'administrateur de la base de données d'identification commune à toute l'Europe, Europetnet. C'est en partie pour cela que DyreID a « récemment conclu un accord avec l'Association vétérinaire danoise pour collecter les diagnostics [vétérinaires] du Danemark [à partir de] nos solutions », indique la Pdg de DyreID.

IA auto-apprenante

Outre-Manche, un premier réseau volontaire d'environ 250 structures vétérinaires partage ses données diagnostiques depuis 2014, SAVSNET. Il avait permis en d'identifier l'étiologie d'un épisode de gastro-entérites qui avait balayé la Grande-Bretagne en 2020… avec un an de délai. Car comme pour le dispositif norvégien, le principal facteur limitant n'est pas de disposer des dossiers électroniques des patients, mais bien de la codification des pathologies. Car les praticiens saisissent leur diagnostic dans leur logiciel métier sous forme de texte libre… Qui doit ensuite être relu pour être transformé en diagnostic standardisé. Des épidémiologistes vétérinaires britanniques des universités de Lancaster, Liverpool et Durham ont donc confié ce travail à une intelligence artificielle auto-apprenante.

PetBERT

Plus précisément, ils ont collecté plus de 5,1 millions de dossiers médiaux électroniques auprès de praticiens généralistes, en texte libre (fichiers de SAVSNET d'avril 2014 à octobre 2022). Cela « représente plus de 500 millions de mots ». Le travail des chercheurs a été de diriger cette IA pour lui apprendre à coder les maladies à partir du texte libre. Et pour bien faire, ils ont baptisé cette IA entraînée PetBERT. Puis, ils ont entraîné PetBERT à intégrer ces diagnostics au sein de la terminologie internationale de médecine humaine, régulièrement mise à jour par l'OMS (International classification of diseases 11). Avec cet ajout, il devient PetBERT-ICD, capable d'obtenir un score supérieur à 83 % d'exactitude « pour 20 codages de maladies à partir d'annotations minimales ».

Trois semaines d'avance

Les praticiens participant à SAVSNET saisissent eux-mêmes à la fin de chaque consultation le motif de la consultation tel qu'identifié par leurs soins, parmi 10 étiquettes : "gastro-entérite", "maladie rénale", "postopératoire", "prurit", "respiratoire", "traumatisme", "néoplasie", "vaccination", "autres et en bonne santé" et "autres et souffrant". Toutefois, ce dispositif, outre lié à une erreur humaine, est limité et ne permet pas d'étiqueter correctement des affections multisystémiques. C'est toutefois grâce à lui que l'épizootie de coronavirose digestivea été identifiée en 2021 (à partir des données "gastro-entérite" de 2020). Lorsqu'ils soumettent les données des dossiers médicaux de leur base de donnée à PetBERT-ICD, les auteurs constatent qu'il « identifie efficacement les foyers de maladie, surpassant les stratégies actuelles d'identification à partir des cliniques en réseau, avec jusqu'à trois semaines d'avance ».

Pour les auteurs, PetBERT-ICD « fournit une nouvelle méthode de surveillance de masse de la population d'animaux de compagnie au Royaume-Uni ». Il « représente une voie prometteuse pour faire progresser la santé animale et améliorer les résultats en matière de santé publique ». De fait, les auteurs confient à la fin de la discussion que PetBert-ICD « sera désormais appliqué de manière continue à tous les enregistrements futurs, afin de détecter les épizooties à venir ».