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Elanco & Proplan

7 janvier 2025

Il y a deux populations de chiens à hémangiosarcome. Celle qui ne survit pas à la découverte, et celle qui survit (un peu) plus longtemps

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Les hémangiosarcomes cutanés sont ceux qui présentent la durée de survie la plus élevée chez les chiens, bien que le risque de décès augmente avec la taille de la tumeur, selon une étude britannique rétrospective (cliché: Canine Cancer Alliance).
Les hémangiosarcomes cutanés sont ceux qui présentent la durée de survie la plus élevée chez les chiens, bien que le risque de décès augmente avec la taille de la tumeur, selon une étude britannique rétrospective (cliché: Canine Cancer Alliance).
 

L'analyse rétrospective des dossiers médicaux de 788 cas d'hémangiosarcome canin, détectés chez des praticiens généralistes britanniques, montre que l'espérance de vie médiane est de… 9 jours. Bien sûr, les chiffres doivent être modulés en fonction de la localisation de la tumeur : les formes cutanées sont résecables et essaiment moins que les autres formes. Toutefois, l'agressivité de ces tumeurs fait que des métastases sont souvent déjà présentes au moment du diagnostic initial, et de nombreux facteurs ont été identifiés comme pouvant influencer la durée de survie (localisation, race, présence de métastases), mais dans leur revue de la littérature les auteurs ne recensent que six études, sur un nombre d'animaux limité.

5 000 cas suspects, 788 retenus

Pour tenter d'avoir une puissance statistique plus importante, les épidémiologistes vétérinaires britanniques ont donc utilisé les données de VetCompass, qui recense 2,2 millions de dossiers médicaux de chiens au sein de 900 structures vétérinaires en 2019. Ils ont extrait les premières consultations présentant une suspicion d'hémangiosarcomes (n=4 997), puis ont repris individuellement chaque dossier à la recherche des cas confirmés (n=788) et en excluant ceux survenus avant 5 ans d'âge. Les données démographiques (âge, sexe/stérilisation, race, etc.) de ces cas ont également été analysées, ainsi que les traitements et – bien sûr – la date du décès (euthanasie ou non), avec un arrêt des données au 31 décembre 2023. Pour les formes viscérale, les auteurs se sont contentés de noter la présence de tumeurs sur la peau, la rate, le foie ou le cœur, sans s'attacher à déterminer s'il s'agissait de la néoplasie primaire ou d'une métastase. Les métastases à d'autres localisations étaient aussi retenues. Cette étude a été mise en ligne sous forme de manuscrit, et doit encore faire l'objet d'une relecture par les pairs pour être publiée par une revue scientifique.

Chien de 10 ans, consultant pour un autre motif…

Les 788 cas documentés permettent de retenir les données suivantes :

  • L'âge médian au diagnostic est de 10,6 ans.
  • Les cas affectent légèrement plus souvent les mâles (53,5 %) que les femelles, mais les trois quarts des cas (indépendamment du sexe) étaient stérilisés.
  • Les trois races les plus fréquemment concernées sont les Labrador retriever (12,2 %), les bergers allemands (10,7 %) et les Staffordshire bull terriers (5,5 %).
  • Les trois localisations les plus fréquentes sont la rate (62 %), le foie (25,1 %) et la peau (18,5 %).
  • Dans 96,5 % des cas, ce sont des signes cliniques qui ont provoqué la consultation ayant conduit à la découverte de l'hémangiosarcome, mais les signes les plus fréquents (sur 64 différents) ne sont spécifiques (léthargie, anorexie…).
  • Une échographie a été réalisée dans 68,3 % des cas, et des analyses sanguines pour 60,5 %. Une biopsie pour histologie a été réalisée dans plus d'un cas sur trois (34,6 %).

Peu de “chimios”

La taille médiane de la tumeur notée dans le dossier est de 6 cm de diamètre, et dans un tiers des cas (35 %), une exérèse de la tumeur a été tentée (la splénectomie représente près de deux tiers de ces interventions). Lorsqu'aucune intervention n'est entreprise, des soins palliatifs (analgésie, corticoïdes) sont mis en œuvre dans 13 % des cas. Une chimiothérapie n'est tentée que dans 5,3 % des cas.

Survivre… à la découverte

L'étendue des durées de survie est trompeuse : de 0 à 1 789 jours… Mais la durée médiane de survie est de 9 jours : la moitié des cas sont morts dans les 9 jours suivant la découverte de l'affection, et pour la plupart par euthanasie (92,3 % des décès). C'est particulièrement le cas à la découverte de la néoplasie : 48,4 % des cas ont une durée de survie d'au plus un jour. Face à ces chiffres, les auteurs ont réalisé une analyse statistique pour identifier les deux populations de chiens (ceux survivant à la découverte de l'hémangiosarcome et ceux n'y survivant pas). Ils observent que :

  • La présence de signes hématologiques anormaux lors de la consultation initiale était associée à un doublement (x 2,3) du risque de décès le jour du diagnostic. Et les cas ayant bénéficié d'une prise en charge chirurgicale ou médicale de leur hémangiosarcome présentaient un sur-risque x 27 de décès le jour du diagnostic. Les auteurs suggèrent que ce soit en lien avec l'état des animaux (saignement de la tumeur, instabilité limitant le transport de l'animal…).
  • Inversement, les chiens présentant des signes cliniques associés à la masse au moment de la suspicion avaient un risque divisé par deux de mourir le jour du diagnostic.
  • Et ceux ne présentant aucun signe clinique lors de la consultation initiale étaient 10 fois moins à risque de mourir le jour du diagnostic. En clair, les sujets qui meurent le jour de la découverte ne sont pas seulement le fait d'une annonce de pronostic sombre, mais aussi une population différente au plan médical des “futurs” survivants.
  • Une localisation cutanée de la tumeur était associée à un risque de décès le jour du diagnostic 7 fois plus faible qu'une forme splénique.
  • Mais ceux qui ont consulté une structure de référés dans le cadre de leur traitement présentaient 10 fois plus de probabilité de survie que les autres.

Taille et localisation de la tumeur influent

Il reste que 12 % des cas ont une durée de survie d'un an, et sans surprise il s'agit en majorité d'hémangiosarcomes cutanés (35 % des survivants à un an, durée médiane de survie de 119 jours). C'est lié à la facilité d'accès à la tumeur pour son exérèse, mais aussi au fait que cette forme métastase plus rarement que les formes viscérales (3 % des survivants à un an avaient une forme cardiaque). Les durées médianes de survie des localisations cardiaque (0 jours) et splénique (4 j) sont plus faibles que dans la littérature, et les auteurs proposent que ce soit lié au fait que les publications portent sur des cas suivis par des spécialistes, alors que VetCompass recense les consultations généralistes. Lorsqu'ils éliminent de l'analyse statistiques les cas décédés dans les 24 h suivant le diagnostic, les auteurs obtiennent les facteurs de risque suivants :

  • le risque de décès augmente avec la taille maximale de la tumeur, il est 1,9 fois plus élevé pour une taille de 8 à 23 cm, par rapport à une taille de 0,2 à 4,3 cm ;
  • il est plus élevé chez les chiens mâles (x 1,3), ce qui n'avait été rapporté par aucune autre étude ;
  • il est réduit de moitié chez les chiens ayant bénéficié d'une intervention chirurgicale,
  • il est réduit de moitié pour les localisations cutanées par rapport aux localisations cardiaques.

Sans parler de pronostic, qui reste sombre pour les hémangiosarcomes, les auteurs estiment que ces éléments permettront aux praticiens généralistes de « fournir des estimations de durée de survie plu adaptées à la localisation des tumeurs ». Ils mettent aussi en garde contre les prophéties autoréalisatrices : « l'opinion courante selon laquelle le pronostic de l'hémangiosarcome est extrêmement sombre pourrait favoriser une euthanasie fréquente au moment de la consultation initiale et conduire ainsi à de faibles durées de survie ». Leur analyse statistique ne peut totalement exclure ce cas de figure.