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Elanco & Proplan

21 février 2025

Portage chronique de leptospires pathogènes chez le chien : une méta-analyse fait le point

par Pascale Pibot

Temps de lecture  6 min

La proximité entre des rats et des chiens augmente la prévalence du portage chronique de leptospires potentiellement pathogènes (cliché Pixabay).
La proximité entre des rats et des chiens augmente la prévalence du portage chronique de leptospires potentiellement pathogènes (cliché Pixabay).
 

La leptospirose est une zoonose causée par des bactéries spirochètes du genre Leptospira qui peuvent infecter presque toutes les espèces animales. Le chien est un réservoir potentiel de leptospires potentiellement pathogènes pour l'homme et, pour améliorer la prévention de cette maladie, il est important de connaître les sérogroupes présents chez les chiens asymptomatiques.

Synthèse de 84 études

Dans une méta-analyse, des chercheurs ont évalué la prévalence des anticorps contre certaines leptospires pathogènes chez des chiens asymptomatiques et tenté d'identifier les facteurs pouvant influencer cette prévalence. Les 84 études épidémiologiques retenues ont été publiées entre janvier 2012 et décembre 2022. Celles qui incluaient des chiens présentant une suspicion clinique de leptospirose ont été exclues. Toutes les études sélectionnées utilisaient la technique de microagglutination (MAT) pour établir la séroprévalence.

La séroprévalence d'un sérogroupe particulier a été estimée en divisant le nombre d'échantillons séropositifs par la taille de l'échantillon et, en cas d'agglutination à plusieurs sérovars, seul celui dont le titre était le plus élevé a été pris en compte.

Les études sélectionnées ont été réalisées dans 28 pays différents mais plus de la moitié (56 %) ont été menées en Amérique latine, notamment au Brésil, et 20 % en Asie du Sud et du Sud-Est. Les résultats de ces études ne sont donc pas forcément représentatifs de la distribution mondiale.

L. Canicola et L. Icterohaemorrhagiae en tête

L'estimation globale de la séroprévalence d'un ou plusieurs sérogroupes pathogènes chez le chien est de 2,8 %, associée à une forte hétérogénéité. Des différences significatives ont cependant été observées en étudiant la séroprévalence des 12 sérogroupes pathogènes les plus fréquents.

Par comparaison à l'ensemble des sérogroupes pathogènes, le sérogroupe Canicola de Leptospira interrogans présente une séroprévalence significativement plus élevée (5,4 %, IC 95 % : 3,8 à 7,5 %). Le chien étant le principal réservoir pour ce sérogroupe, il est probable que les chiens séropositifs le soient devenus par l'intermédiaire de chiens infectés. Des études ont cependant montré que les rongeurs, les chevaux et les porcs peuvent également jouer un rôle dans la transmission de ce sérogroupe.

Le sérogroupe Icterohaemorrhagiae de L. interrogans est aussi fréquemment identifié chez le chien. Les rats sont les principaux réservoirs de ce sérogroupe et sont sans doute à l'origine des contaminations canines. L. Icterohaemorrhagiae est souvent associé à des formes graves de leptospirose canine mais à une excrétion rénale limitée. Une telle excrétion a pourtant été mise en évidence chez des chiens asymptomatiques séropositifs. Cela pose un problème de santé publique car les infections par L. Icterohaemorrhagiae chez l'homme peuvent entraîner des formes cliniques graves.

Dans l'hémisphère nord, la séroprévalence de L. Canicola et de L. Icterohaemorrhagiae chez le chien a baissé au cours des dernières décennies, sans doute grâce à la généralisation de la vaccination vis-à-vis de ces sérogroupes. La vaccination contre la leptospirose est beaucoup moins pratiquée dans les pays d'Amérique latine, des Caraïbes, de l'Asie du Sud et du Sud-Est.

L. Pomona présent en zones périurbaines

Les porcs et les bovins peuvent servir de réservoir à L. Pomona et ce sérogroupe est également présent chez des animaux sauvages tels que la mouffette et l'opossum. La méta-analyse indique que ce sérogroupe est assez commun chez les chiens qui vivent dans des bidonvilles ou des zones périurbaines, où les habitants ont tendance à élever des animaux dans les arrière-cours, susceptibles d'être en contact avec la faune sauvage. Ce type d'environnement favorise la transmission potentielle de leptospires aux chiens.

Les chiens de chasse, qui entrent en contact avec les mammifères sauvages, sont également exposés à la contamination par le sérogroupe Pomona.

Présence d'autres sérovars

Les sérogroupes Autumnalis et Bataviae de L. interrogans et le sérogroupe Javanica de L. borgpetersenii sont présents chez les rongeurs sauvages et ces sérogroupes ont été détectés dans plusieurs études sur des chiens asymptomatiques. Le sérogroupe Autumnalis présente cependant une réactivité croisée avec les sérogroupes Pomona, Canicola et Icterohaemorrhagiae, et sa prévalence doit donc être interprétée avec prudence.

L'analyse a également montré que la prévalence du sérogroupe Grippotyphosa de L. kirschneri est significativement plus élevée chez les chiens errants ou vivant en refuge que chez les chiens de compagnie.

Des études antérieures avaient signalé que les sérogroupes les plus répandus chez les chiens étaient les sérogroupes Canicola, Icterohaemorrhagiae, Australis et Pomona de L. interrogans, le sérogroupe Grippotyphosa de L. kirschneri et le sérogroupe Sejroe de L. borgpetersenii. La plupart de ces études avaient cependant été menées dans les pays de l'hémisphère nord ; la prévalence d'un sérogroupe pathogène peut beaucoup varier selon les régions concernées et elle évolue aussi dans le temps.

Importance du statut vaccinal

Les vaccins contre la leptospirose canine sont généralement dirigés contre L. Canicola et L. Icterohaemorrhagiae, mais l'émergence d'autres sérogroupes a conduit au développement de vaccins multivalents.

Le statut vaccinal des chiens était incertain chez 41,6 % des chiens inclus dans les études retenues pour la méta-analyse. Lorsqu'il était connu, seulement 23,4 % des chiens étaient à jour de leur vaccination contre la leptospirose, tandis que 35,1 % des chiens n'étaient pas vaccinés.

  • 50 % des chiens vaccinés avaient reçu un vaccin bivalent contre L. Canicola et L. Icterohaemorrhagiae.
  • 16,7 % des chiens avaient reçu un vaccin tétravalent contre L. Canicola, L. Icterohaemorrhagiae, L. Grippotyphosa et L. Pomona.
  • 11,1 % avaient reçu un vaccin tétravalent contre L. Canicola, L. Icterohaemorrhagiae, L. Grippotyphosa et L. Australis.
  • Les 23,5 % restants avaient reçu un vaccin associant d'autres valences.

Les observations faites dans cette méta-analyse confirment que plusieurs sérogroupes de leptospires pathogènes peuvent être présents chez les chiens asymptomatiques. Il est important de les identifier afin de continuer à pouvoir faire évoluer les tests diagnostiques et les vaccins.

L'immunité induite par la vaccination est spécifique d'un sérogroupe et il est indispensable d'identifier ceux qui sont présents dans une région donnée pour mettre au point un nouveau vaccin ou modifier un vaccin existant. L'adaptation continue des vaccins vise à limiter les infections cliniques mais aussi le portage chronique. En excrétant des leptospires par voie urinaire, les chiens asymptomatiques jouent en effet un rôle non négligeable dans la contamination de leur environnement et font peser un risque sur la santé humaine.