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Elanco & Proplan

22 décembre 2022

Combien d'autres extinctions d'espèces animales d'ici 2100 ? Cela dépendra (de nous)

par Vincent Dedet

Temps de lecture  3 min

Pourcentages d'extinction estimés d'espèces animales marines (bleu) et terrestres (rouge) de 1700 à 2500, résultant du réchauffement climatique, selon le scénario le plus probable (ligne pleine) et du pire (ligne pointillée). Les barres bleu clair et orange sous les axes horizontaux indiquent le moment de l'arrêt des émissions de gaz à effet de serre dans le cas le plus probable et dans le pire des cas, respectivement (Kaiho, 2022).
Pourcentages d'extinction estimés d'espèces animales marines (bleu) et terrestres (rouge) de 1700 à 2500, résultant du réchauffement climatique, selon le scénario le plus probable (ligne pleine) et du pire (ligne pointillée). Les barres bleu clair et orange sous les axes horizontaux indiquent le moment de l'arrêt des émissions de gaz à effet de serre dans le cas le plus probable et dans le pire des cas, respectivement (Kaiho, 2022).
 

La sixième extinction d'espèces animales est en cours, mais quelle sera son ampleur ? Et reste-t-il une chance d'y échapper ?… Dans le meilleur des cas, cela signifierait tout de même perdre environ 15 % de toutes les espèces animales à court terme, selon un biologiste japonais, qui vient d'en publier l'évaluation quantitative selon différents scénarii. Cette limitation des dégâts pourrait avoir lieu si l'humanité « met fin non seulement aux émissions industrielles de gaz à effet de serre, mais aussi à la déforestation, à la pollution environnementale et qu'il ne se produit pas de guerre nucléaire ».

Extinctions passées

L'auteur part du constat que, sur la période de 540 à 520 millions d'années en arrière, plusieurs facteurs conjoints avait conduit à des extinctions de masse : changement climatique, pollution (volcanique à l'époque), déforestation et réduction de l'ensoleillement. « L'extinction actuelle/future des animaux se produit parallèlement au réchauffement rapide de la planète, à la déforestation et à la pollution marquée par les émissions de mercure, de CO et de carbone [fossile], ainsi que et la production de plastique. Seule la catégorie de réduction de l'ensoleillement n'a pas en cours ». Elle pourrait avoir lieu en cas d'hiver nucléaire, rappelle cet auteur, à l'image de celui qui a pu avoir lieu à la suite d'impact d'astéroïde dans le passé ancien (présence de suie dans la stratosphère liée à une recrudescence de l'activité volcanique et des incendies). « Si une guerre nucléaire se produit, les quatre conditions seront réunies ». À ce titre, la vague actuelle d'extinctions « ressemble plutôt à celle du paléocène-éocène (-56 millions d'années), en ce qu'elle comportait réchauffement climatique, augmentation des concentrations de mercure [marqueur de pollution], sans pollution stratosphérique par des poussières » ni déforestation. À ce titre, il ne s'agissait pas d'une vague d'extinctions majeure puisque au plus 10 % des espèces animales sont estimées disparues (il faut 60 % d'espèces éteintes pour cela), mais bien d'une vague mineure (de 10 à 59 % des espèces éteintes).

Plus de 20 % d'espèces perdues

C'est à partir des données des cinq extinctions précédentes, ainsi que des évolutions attendues (réchauffement à +3° C en 2100 par rapport à 1880, pics de déforestation et de pollutions en 2100…) que l'auteur a tenté de quantifier les pertes d'espèces en cours et à venir, à partir d'un scénario de base (évolutions attendues) ou du pire (+8 °C en 2100, etc.). Il montre (voir l'illustration principale) que la proportion d'espèces perdues sur la période allant jusqu'à 2500 sera plus importante chez les animaux terrestres qu'aquatiques, et qu'elle devrait connaître un pic en 2100, avec environ 20 % des espèces terrestres perdues, mais pouvant se solder, dans le scénario du pire, avec une situation proche de l'extinction majeure (60 % d'espèces perdues). La proportion des espèces éteintes augmente aussi avec la déforestation (voir le graphique ci-dessous), et pourrait alors causer (scénario du pire) une extinction majeure.

Pourcentages d'extinction estimés d'espèces animales marines (bleu) et terrestres (rouge) de 1700 à 2500, résultant de la déforestation (pic en 2100), selon le scénario le plus probable (ligne pleine) et du pire (ligne pointillée). Les barres bleu clair et orange sous les axes horizontaux indiquent le moment de l'arrêt des émissions de gaz à effet de serre dans le cas le plus probable et dans le pire des cas, respectivement (Kaiho, 2022).

 

Pollution et conflits nucléaires

De même, pour le niveau de pollution, la proportion d'espèces disparues devrait rester sous les 10 % dans le scénario de base, mais pourrait dépasser 60 % dans celui du pire (espèces terrestres et aquatiques). Les extinctions liées à l'hiver nucléaire dépendront de l'intensité d'une telle guerre : de faible ampleur (« conflit Inde-Pakistan ») ou de plus grande ampleur (« conflit USA-Russie »). Ainsi, « une extinction massive mineure, avec une perte de 20 à 50 % des espèces animales, se produira dans le cas le plus probable et dans le cas le plus défavorable de guerres nucléaires mineures ou majeures et/ou dans le cas le plus défavorable de réchauffement planétaire, de pollution et de déforestation ». Sans conflit nucléaire, « une extinction de masse se produira, mais elle sera faible : 10 à 15 % de pertes d'espèces animales ».

Au bilan, « pour éviter une extinction de masse, l'humanité doit diminuer les émissions de gaz à effet de serre sur une période de 20 à 30 ans, ce qui correspond à un réchauffement total de la planète inférieur à 2,5 °C en 2100 […] ; ce scénario implique de diminuer la pollution et la déforestation à un rythme similaire au cours de ce siècle et d'éviter une guerre nucléaire à l'avenir ». Une belle liste de Noël…