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Elanco & Proplan

16 mai 2022

L'Espagne constate la large répartition de la dirofilariose, canine comme féline

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Séroprévalence de la dirofilariose canine et féline en Espagne, lors d'enquête nationale réalisée entre 2018 et 2022 pour les chiens et 2020 et 2021 pour les chats (LeFil, d'après Montoya-Alonso et coll., 2022).
Séroprévalence de la dirofilariose canine et féline en Espagne, lors d'enquête nationale réalisée entre 2018 et 2022 pour les chiens et 2020 et 2021 pour les chats (LeFil, d'après Montoya-Alonso et coll., 2022).
 

La dirofilariose canine à Dirofilaria immitis est « en expansion en Espagne », selon la publication d'une enquête sérologique le 14 mai dernier. Deux jours après que l'autre volet de l'enquête ne confirme que la dirofilariose féline est elle aussi, « largement répartie sur l'ensemble du territoire national », bien que de faible séroprévalence (0,5 %). Les deux études partagent les mêmes auteurs, des parasitologues de la faculté vétérinaire de Grand Canarie et de l'université de Pharmacie de Salamanque, qui ont ainsi publié chaque volet canin/félin indépendamment. Malgré ce flagrant délit de saucissonnage de publication scientifique, considéré au plan de l'éthique comme une mauvaise pratique, leurs résultats présentent un caractère de nouveauté.

Près de 10 000 sérums canins

La dirofilariose canine est enzootique dans le pays, mais était jusque-là surtout observée dans les régions littorales de la méditerranée. Les auteurs ont donc passé en sérologie (immunochromatographie) « 9 543 sérums de chiens provenant de toutes les provinces et villes autonomes d'Espagne » (ces dernières étant Ceuta et Melilla, en Afrique du nord). La prévalence moyenne obtenue est de 6,5 % (la détection d'anticorps anti-D. immitis ne permet pas de distinguer une infection active d'une guérie). Les prélèvements avaient été réalisés dans 308 cliniques vétérinaires de l'ensemble du territoire, entre septembre 2018 et février 2022. La participation à l'étude était proposée au maître et la prise de sang était dédiée à cette enquête. Les chiens de moins de 6 moins, ayant déjà été diagnostiqués infectés ou ayant reçu un traitement prophylactique étaient exclus. Chaque animal était géoréférencé pour son lieu de résidence (et non la clinique vétérinaire).

Les îles > 10 %

Les régions présentant la séroprévalence la plus élevée étaient les îles : Ténérife (17,3 %), devant Ibiza (17,1 %), Gran Canarie (16,0 %) et La Palma (15,7 %). Deux provinces continentales s'intercalent : Cadix (13,7 %, en Andalousie), Pontevedra (12,6 %, en Galice). Puis reviennent les îles : La Gomera (11,5 %) et Mayorque (11,24%). Enfin, à nouveau l'Andalousie, avec Huelva (11,1 %). Des chiens séropositifs ont été recensés dans la totalité de l'Espagne avec une seule exception : l'île d'El Hierro (dans l'archipel des Canaries). Les provinces du centre-ouest, du sud-ouest et de la côte méditerranéenne présentaient des prévalences intermédiaires (5 à 10 %). « Des prévalences < 5 % ont été observées dans les provinces du nord de la péninsule, ainsi que dans les provinces du centre-est et du sud-est ». Cette enquête identifie pour la première fois la dirofilariose au pays Basque, et dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Par rapport aux données locales publiées depuis 15 ans, les auteurs observent une légère augmentation de la séroprévalence partout, sauf « des prévalences décroissantes ou avec des valeurs similaires en Aragon, en Catalogne, dans la communauté de Valence, à Madrid et en Castille-León ». Un tel recul est, selon les auteurs, attribuable aux campagnes de sensibilisation et de prévention.

Climat et eau

L'impact climatique est associé de manière hautement significative à ces prévalences, pour les climats méditerranéen à été chaud et le climat océanique tempéré (p<0,02 dans les deux cas). Il n'y avait pas de différence pour le sexe, mais la séroprévalence augmente avec l'âge, à partir de 5 ans. La milieu de vie influe aussi : les chiens ne sortant jamais avaient une séroprévalence de 2,1 %, et ceux toujours à l'extérieur de 8,8 % (p<0,0001). Les chiens vivant à leur guise dedans ou dehors avaient une séroprévalence intermédiaire (6,4 %, p=0,0001 par rapport aux chiens d'intérieur). Lorsqu'ils comparent la géolocalisation des chiens aux données de répartition de l'eau, les auteurs observent que 96,8 % des chiens séropositifs vivaient « dans des zones à forte disponibilité édaphique de l'eau, telles que les eaux stagnantes, l'agriculture irriguée ou les berges des rivières, ou à proximité de parcs et d'espaces verts (<1,5 km) ».

Chats plus concernés ?

Pour l'enquête féline, la première de cette ampleur en Espagne, le même test sérologique a été utilisé, mais les 6 588 prélèvements ont été collectés auprès de 128 cliniques vétérinaires, entre septembre 2020 et octobre 2021. La séroprévalence moyenne (anticorps anti-D. immitis) est plus élevée que pour les chiens, à 9,4 %. C'est possiblement lié à l'inclusion de chats de refuges dans l'échantillon car la séroprévalence dans cette population est double de celle des chats sédentarisés (15,8 et 7,9 %, respectivement, p<0,001). Les auteurs ont également réalisé un test sérologique de détection d'antigènes de D. immitis : seuls 0,5 % des chats étaient positifs (le chat est naturellement plus résistant à l'infection que le chien). Il reste que la sérologie anticorps permet d'identifier les sujets qui ont été exposés au parasite (stade larvaire).

Encore les îles

À nouveau, les séroprévalences les plus élevées sont aux Canaries (19,2 % et même 29 % à Tenerife) et aux Baléares (16,0 %). Les communautés autonomes continentales présentant la séroprévalence la plus élevée étaient « Murcie, la Catalogne et la communauté de Valence (11,2, 10,7 et 9,2 %, respectivement) ». Sans surprise, l'âge (après 5 ans) est associé à une séroprévalence plus élevée (p<0,001). Les mêmes observations que pour les chiens sont faites pour les chats d'appartement par rapport à ceux vivant en extérieur, et pour le lien entre lieu de résidence et points d'eau. Pour 15 % des chats prélevés, des signes cliniques ont été notés par le praticien lors de la visite. « La séroprévalence parmi ceux-ci était deux fois plus élevée que chez les chats sans signes cliniques (15,1 contre 8,3 %, p < 0,001) ». Seuls 1,5 % des chats prélevés étaient FeLV+, mais leur séroprévalence pour D. immitis était double de celle des chats FeLV- (22,1 et 9,1 %, respectivement, p<0,0001). Les auteurs signalent que d'autres publications n'ont pas trouvé de relation entre statuts FeLV et D. immitis, et restent prudents quant à l'interprétation de cette association.

Ainsi, « là où il y a des chiens infectés par D. immitis, il y a aussi des chats infectés. Cependant, contrairement à l'espèce canine, chez le chat, la présence et l'importance clinique de cette maladie ne sont pas largement connues, et les mesures prophylactiques ne sont pas appliquées dans la même mesure que chez le chien ». Les deux publications s'accordent aussi sur un point : « compte tenu de son caractère zoonotique, la mise en œuvre de programmes de contrôle et de sensibilisation pour la prévention de D. immitis chez les animaux de compagnie est nécessaire »