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Elanco & Proplan

18 novembre 2020

Bilan de l'épisode de contamination de chats par de la viande crue : 120 félins, 4 propriétaires et 1 vétérinaire trouvés infectés par Mycobacterium bovis

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une anadémie liée à une marque d'aliment félin à base de viande crue contenant de la viande de cerf, survenue en 2018-2019 outre-Manche, se solde par 120 cas de tuberculose chez des chats de compagnie et 5 cas humain très probables (cliché : Colicaranica, wikimedia).
Une anadémie liée à une marque d'aliment félin à base de viande crue contenant de la viande de cerf, survenue en 2018-2019 outre-Manche, se solde par 120 cas de tuberculose chez des chats de compagnie et 5 cas humain très probables (cliché : Colicaranica, wikimedia).
 

L'alerte a été donnée à l'automne 2018 par une praticienne féline de l'université d'Édimbourg (Royaume-Uni), qui avait identifié cinq cas de tuberculose sur des chats ayant en commun de ne pas sortir et de recevoir un même aliment contenant de la viande de gibier. Le premier bilan publié en juillet 2019 signalait que près d'une centaine de cas avaient été identifiés à travers tout le royaume. Le nouveau bilan, pas encore définitif, dressé début novembre est plus effrayant : 47 cas cliniques et 83 cas asymptomatiques félins, et « quatre propriétaires et un vétérinaire qui ont très probablement contracté une tuberculose latente ».

Chats racés

Déjà, la publication de 2019 concluait par : « ces résultats préliminaires fournissent une preuve circonstanciée d'une association entre l'aliment cru du commerce de ces chats et leur infection par M. bovis ». En 2020, les arguments sont encore plus accablants. En premier lieu, 47 chats (dans 43 foyers) ont été confirmés comme présentant « une tuberculose active », sur une année (entre juillet 2018 et juillet 2019). Plus des trois quarts d'entre eux étaient des chats de race, et ils étaient disséminés sur toute l'Angleterre et l'Écosse, dans des zones n'étant pas particulièrement à risque de tuberculose bovine (celle-ci est enzootique chez les troupeaux bovins laitiers d'Angleterre, où environ 40 000 vaches sont abattues chaque année dans le cadre de cette police sanitaire). Les signes les plus fréquemment observés étaient respiratoires (72 %), et détection d'une masse abdominale (un cas sur eux). Suivent des signes aspécifiques : léthargie (39 % des cas), hyperthermie (36 % des cas, médiane à 40° C), hyporexie avec dégradation progressive de l'état général (32 %). Les troubles respiratoires allaient d'une expression modérée à une dyspnée ayant conduit à l'euthanasie de deux des cas. Des prélèvements d'organes (biopsies, ponctions, autopsies) ont été obtenus pour 11 cas, et la culture de M. bovis a été positive pour 5 d'entre eux. Pour 15 prélèvements reçus sur lames, une PCR a été réalisée, qui a confirmé la présence du génome de M. bovis dans 12 cas.

Infectés latents

En second lieu, les auteurs ont aussi adapté à l'espèce féline le test de dosage de l'interféron gamma, et ont obtenu du sérum de 44 des 47 cas de tuberculose active : 40 d'entre eux étaient positifs par ce test. Ils ont aussi testé le sérum de 143 autres chats ayant reçu cet aliment mais en apparente bonne santé : soit ils étaient des congénères de cas cliniques, soit leur propriétaire avait entendu parler de l'épisode alors qu'il avait acheté l'aliment incriminé. Ainsi, 83 autres réacteurs ont été identifiés. Les auteurs signalent des lésions de pneumonie interstitielle obtenues en imagerie, compatibles avec une tuberculose, pour 6 de ces chats. Bien qu'ils soient considérés asymptomatiques par leur maître, le praticien traitant a tout de même identifié des signes respiratoires pour 4 d'entre eux… Pour les auteurs, les 77 autres réacteurs seraient des cas d'infection latente, et mériteraient une exploration clinique plus poussée. Parmi les foyers figurent deux élevages, ce qui a permis de retracer les animaux vendus. Chez un éleveur, 7 cas (dont 3 cliniques) ont été identifiés, et 10 cas cliniques sévères retrouvés à partir des adresses des acheteurs (plus 2 cas latents). Chez l'autre, 1 cas clinique et 2 latents ont lancé une enquête rétrospective, n'ayant pas identifié de cas supplémentaire.

Cas humains connus x 2

La littérature ne rapporte que 6 cas documentés de transmission de M. bovis du chat à l'Homme. Les auteurs ont donc recommandé aux maîtres de chats avec tuberculose active sévère de se faire dépister… « Les tests réalisés à date sur 7 personnes ont identifié une tuberculose latente chez 4 propriétaires et un praticien vétérinaire », soit 71 % des personnes testées ! Cela correspondrait aussi à un quasi doublement du nombre de cas connus d'infection du chat à l'Homme, si cela devait être confirmé en microbiologie ou PCR… Pour les maîtres, l'exposition pourrait aussi provenir de la manipulation régulière de l'aliment… Mais les auteurs préviennent qu'il peut aussi s'agir d'une découverte incidente.

Aliment (très) suspect

Dans le même temps, la diffusion de l'information sur la suspicion de l'origine alimentaire de cet épisode d'ampleur nationale a permis aux auteurs d'obtenir 5 échantillons de l'aliment du commerce, surgelé en grandes quantités par certains maîtres. La mise en culture n'a pas permis d'isoler M. bovis, probablement en lien avec le fait qu'il s'agissait d'aliment acheté plus récemment (diffusion de l'information) qu'au pic de contamination des cas (courant 2018). Cet aliment reste le seul point commun entre ces 120 cas. Il a été retiré du commerce en décembre 2018 et aucun cas félin n'a été détecté après juillet 2019, ce qui fait supposer aux auteurs qu'un premier lot d'aliment contaminé est arrivé sur le marché au mieux autour de mai 2018, possiblement dès le début de 2018, suivi d'autres jusqu'à la fin de l'année. Une seule carcasse de cervidé aurait pu contaminer au moins un lot. Elle a pu passer au travers de l'inspection vétérinaire post-mortem, « par exemple par le retrait de la tête avant l'inspection, or le principal site de lésions tuberculeuses sont les amygdales »… Pour les auteurs, « cela souligne le rôle critique de l'inspection vétérinaire des viandes ». Comme les propriétaires ont l'habitude de congeler l'aliment acheté, il est probable que l'exposition des chats à la viande contaminée s'est poursuivie en 2019 et les auteurs s'attendent à la détection à venir d'un faible nombre de nouveaux cas.