24 avril 2025

Le lapin fait partie des espèces hypsodontes, dont les incisives mais aussi les dents jugales présentent une croissance continue, comme certains rongeurs (cobaye, chinchilla…). Cette croissance varie selon la dent et son usure ; elle peut aller jusqu'à 5 mm/semaine. Dans ce contexte, les besoins en calcium sont élevés, et une alimentation riche en calcium serait nécessaire. Mais c'est sans penser à l'apport naturel des produits de l'usure dentaire : des chercheurs ont vérifié au travers d'une étude expérimentale que les lapins, et probablement d'autres espèces, semblent capables de recycler le calcium de leurs dents.

De la poudre de dents dans l'alimentation

L'étude a été menée à la Faculté VetSuisse de Zurich. Les résultats sont publiés en libre accès dans le Veterinary Journal.

Dans le processus d'usure, le matériau dentaire est transformé en fine poudre qui est ensuite avalée. Afin de le reproduire, les chercheurs ont broyé des dents de lapin. Ils ont ensuite nourri les lapins de l'étude (8 lapines SPF non stérilisées de 8 mois) avec un aliment complet en granulés formulé de manière identique à l'exception des apports en calcium, constitués :

• Pour 4 lapins de cette poudre de dents broyées à 2,9 %, contenant du calcium sous forme d'hydroxyapatite (Ca₁₀(PO4)₆(OH)₂) ;
• Pour les 4 autres d'un complément conventionnel à base de carbonate de calcium (CaCO3) à 0,5 % et de phosphate dicalcique (CaHPO4) à 2,15 %, avec un rapport Ca/P identique.

Après 15 jours, les groupes ont été inversés pour 15 jours supplémentaires, chaque lapin étant ainsi le témoin pour lui-même. La ration quotidienne était distribuée en trois fois, à 6h, 12h et 18h.

Meilleure digestibilité du calcium dentaire

Chez le lapin, l'absorption active du calcium augmente avec la quantité de calcium ingérée. La calcémie est ainsi plus élevée que dans d'autres espèces, et variable. Le calcium en excès est éliminé par voie rénale, dans l'urine.

Dans les deux phases d'étude, après une période de transition et habituation de 11 jours, les lapins ont ainsi été placés 4 jours en cage métabolique, afin de mesurer la prise alimentaire et de boisson, et de récolter les fèces et urines pour analyses (dont le dosage du calcium, du phosphore et du magnésium). Une prise de sang afin de mesurer notamment la calcémie (calcium ionisé et taux de calcium) était aussi effectuée à la fin de chaque phase.

La digestibilité des nutriments a été évaluée en comparant l'ingéré à l'excrété dans les fèces ; leur rétention nette a été évaluée en comparant l'ingéré à l'excrété dans les fèces et les urines.

Les résultats montrent l'absence de différence significative entre les volumes d'aliments et d'eau consommés et ceux de fèces émises, ni concernant la composition des fèces. Lors de la phase de consommation de la poudre de dents, la prise d'eau et l'émission d'urine ont montré une tendance à l'augmentation, qui explique probablement la dilution du phosphore et du magnésium urinaires observée.

La digestibilité des nutriments est équivalente au cours des deux phases, sauf celle du calcium issu de la poudre de dent, significativement augmentée (33 % versus 20 %). Parallèlement, la rétention nette de calcium est alors significativement augmentée aussi (0,33 g/j soit 23,5 % de l'ingéré versus 0,10 g/j soit 8,1 % de l'ingéré). La mesure de la calcémie n'a pas montré de différence significative entre les phases.

Adapter les apports alimentaires

Globalement, cette étude montre que le produit de l'usure des dents peut constituer une source de calcium pour le lapin, absorbé dans l'intestin de manière plus efficace qu'un apport exogène par les suppléments alimentaires conventionnels. Et il est fortement probable que l'animal réutilise ce calcium pour la croissance de ses dents. La quantité de calcium ainsi ingérée, de même que les besoins pour la pousse des dents n'ont toutefois pas été évalués ici, notamment chez les individus en croissance chez lesquels les besoins en calcium sont plus élevés pour le développement osseux.

Le recyclage du calcium dentaire est une information importante. Les auteurs rappellent en effet qu'en cas d'apports alimentaires trop importants, ou d'affection rénale, une hypercalcémie peut se produire, avec des conséquences délétères (calcification organique) ; des urolithiases sont aussi possibles, notamment chez les lapins en surpoids, trop inactifs ou qui ne boivent pas suffisamment. Les apports en calcium doivent alors être appropriés et adaptés à l'âge et au mode de vie de l'animal, afin d'éviter les carences comme les excès.