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Elanco & Proplan

26 août 2015

Contraception canine : un protocole d’échographie testiculaire induit l’azoospermie

par Vincent Dedet

Réalisation de l'échographie testiculaire sur un chien (cliché R. Leoci, http://www.parsemusfoundation.org/ultrasound/).

Une équipe italo-américaine à la recherche d’une méthode non-invasive de stérilisation des chiens mâles vient de réussir à induire une azoospermie durable par échographie testiculaire. Un seul des protocoles testés s'est révélé efficace.

 
Réalisation de l'échographie testiculaire sur un chien (cliché R. Leoci, http://www.parsemusfoundation.org/ultrasound/).
 

À la base, l’idée d’utiliser les ultrasons comme technique de stérilisation des chiens mâles date de 1975, proposée par un chercheur américain. À l’époque, son équipe avait montré qu’une échographie testiculaire unique avait bien un effet important sur la perte des spermatogonies, et que cet effet était réversible.

Pas d'histologie

C'est une équipe vétérinaire italienne qui a pris le relais, 30 ans plus tard. Dans un premier article, datant de 2009, cette équipe avait validé la preuve de concept, en montrant que, pour une intensité d’ultrasons de 1,5 W/cm2, et avec trois échographies testiculaires à 48 h d’intervalle, la qualité de la semence était réduite sur les deux semaines suivantes. Ce travail n’avait pas été complété par l’histologie. Puis, l’an passé, les mêmes auteurs avaient exploré l’intérêt de l’injection intratesticulaire de CaCl2 comme méthode de stérilisation des chiens mâles. Elle a écarté cette méthode en raison d’effets indésirables, de son aspect invasif et du doute sur la pérennité de la stérilité induite. À présent, cette équipe est revenue à l’échographie testiculaire, dont elle a testé quatre modalités de réalisation… et obtenu un protocole qui semble répondre à la fois à l’absence d’aspect invasif, d’effet secondaire endocrinien et de persistance de la stérilisation.

Spermogrammes

Leur travail a été réalisé sur une centaine de chiens mâles entiers, de 3 à 6 ans d’âge, présents dans un refuge, en Italie. Tous avaient fait l’objet de trois spermogrammes avant l’inclusion dans l’étude (les chiens n’ayant pas 80 % de motilité spermatique et de cellules morphologiquement normales étaient exclus). Cinq groupes de chiens (20 par groupe) ont été soumis à différents protocoles d’échographie testiculaire (voir le tableau). La fréquence retenue (1 MHz) provoque de la chaleur sur 2 à 5 cm sous la sonde – à 3 MHz, la zone chauffée est plus superficielle. La sonde utilisée (2,5 cm2) était la même dans tous les cas, avec une intensité de 1,5 W/cm2.

Les quatre protocoles d'échographie testiculaires comparés en vue d'obtenir une azoospermie chez les chiens (20 par groupe) de cette expérience.

 

Azoospermie

Un prélèvement de sperme et une prise de sang ont été réalisés juste après la première échographie, puis un mois plus tard. Pour chaque chien, ce sont les résultats des spermogrammes réalisés avant l’inclusion dans l’étude qui ont servi de témoin. Seul le premier groupe expérimental (groupe A., 3 échographies à 48 h d’intervalle à 1 MHz) a permis d’observer une azoospermie totale un mois après la première échographie. Dans ce groupe, le volume testiculaire était très significativement réduit au terme de cette période (p<0,001).

Confirmation histologique

À la fin de l’essai, les chiens ont été castrés chirurgicalement et une analyse histologique a été réalisée sur chaque testicule. Il n’y a que dans le groupe A qu’une « dégénérescence testiculaire générale » ait été relevée. Elle se caractérise par une « atrophie tubulaire étendue et une réduction significative du parenchyme testiculaire ». Il y avait « une absence totale de spermatogonies », mais « les cellules de Sertoli avaient un aspect normal ». Logiquement, donc les concentrations sanguines en testostérone n’étaient pas différentes entre le jour de l’inclusion et un mois plus tard dans aucun des groupes (p>0,05). Quant à la pérennité de l’azoospermie, l’analyse histologique conclut à des « lésions irréversibles », pouvant rendre la « stérilité permanente », même si, dans la discussion, les auteurs préviennent que « des études sur le plus long terme sont nécessaires » avant de pouvoir l’affirmer.

Pas pratique

Ils estiment pouvoir proposer cette « alternative à la stérilisation chirurgicale », dont ils reconnaissent qu’elle n’est pas « pratique » pour la stérilisation des chiens errants, puisqu’il faudrait « les garder 5 jours en refuge » pour conduire le protocole à son terme, ni pour les chiens agressifs. Ils s'attendent en revanche à une demande de propriétaires « réfractaires à une intervention invasive sur leur animal ».

Deux effets

Quant au mécanisme sous-jacent, les auteurs expliquent qu'une échographie induit deux effets. Le premier est que l’énergie des ultrasons est convertie en chaleur lorsqu’elle traverse les tissus (et la spermatogenèse est sensible aux élévations de température). Le second est une modification de la perméabilité des membranes exposées : depuis 1978, il est décrit que l’exposition aux ultrasons augmente la concentration en calcium et réduit la concentration en potassium dans les tubes séminifères (et l’inverse dans le rete testis).  Des travaux antérieurs avaient montré qu’un effet négatif sur la spermatogenèse était observé « même pour de faibles élévations de température, en raison de la cumulation de ces deux effets ».