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Elanco & Proplan

17 janvier 2025

Plus du tiers des propriétaires de chat ne sont pas observants d'un traitement oral

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Une étude transversale néozélandaise auprès de 66 propriétaires de chats montre que le défaut d'observance des traitements par voie orale est d'au moins 39 %, bien que des stratégies palliatives (aliment, friandise, broyage du comprimé) soient mises en œuvre par la majorité des maîtres. Cliché : Jaana Hautala.
Une étude transversale néozélandaise auprès de 66 propriétaires de chats montre que le défaut d'observance des traitements par voie orale est d'au moins 39 %, bien que des stratégies palliatives (aliment, friandise, broyage du comprimé) soient mises en œuvre par la majorité des maîtres. Cliché : Jaana Hautala.
 

La littérature scientifique sur l'observance des traitements à administrer à l'animal de compagnie est limitée, et porte surtout sur les chiens. Pour avoir un ordre de grandeur de ce que vaut cette observance chez le chat, des épidémiologistes et cliniciens universitaires du Canada (université de Guelph) et de Nouvelle-Zélande (université Massey) ont réalisé une enquête auprès de maîtres de chats auxquels avait été prescrit un traitement par voie orale. Résultat : dans 39 % des cas au moins, ce traitement n'est pas respecté à la lettre.

Nuire à la relation ?

Le défaut d'observance peut être dû au fait que les propriétaires de chats sous-dosent le médicament, manquent des administrations (oubli ou animal réfractaire), ou l'arrêtent complètement. Ce que la littérature précise, c'est que « jusqu'à 45 % des chats tentent de mordre ou de griffer leur propriétaire lorsqu'ils sont sous traitement (…), qu'une mauvaise appétence des médicaments peut nuire à la réussite du traitement, cette administration peut également les amener à éviter toute interaction avec leur propriétaire », ce qui nuit à leur relation. Il est également acquis que « la capacité du vétérinaire à prédire quels clients seront fidèles au traitement n'est pas fiable ». Pour mieux cerner les facteurs associés à un défaut d'observance, les auteurs ont proposé aux maîtres de chats ayant consulté l'hôpital universitaire de la faculté vétérinaire de Massey de participer à l'enquête.

Voies orale ou topique

Les critères d'inclusion étaient que leur chat se soit vu prescrire un traitement par voie orale d'au moins trois jours, et que le maître accepte à la fois de remplir le questionnaire en ligne deux semaines après la consultation et d'être éventuellement contacté par les auteurs (relances). Le traitement prescrit pouvait concerner des comprimés, gélules ou être liquide. Les traitements topiques étaient aussi autorisés (yeux, oreilles, peau). Sur la période d'inclusion (janvier 2019 à juillet 2020), les auteurs n'ont retenu que 66 chats (et maîtres). Tous ces derniers avaient été informés de l'objet de l'enquête, et du fait que son résultat pourrait être utilisé pour « éduquer et aider les propriétaires d'animaux à suivre les instructions de traitement » à l'avenir. Ce nombre de participants est limité, comme toutes les études portant sur l'observance en médecine des animaux de compagnie, indiquent les auteurs.

Très (très) bien compris

Le questionnaire comprenait un volet descriptif (démographique), un volet sur l'administration du traitement et un dernier volet sur les difficultés rencontrées. Seuls quatre maîtres avaient un chat pour la première fois alors que la plupart (71 %) avaient plusieurs animaux de compagnie, de plusieurs espèces. Plus de la moitié (53 %) avaient déjà une expérience d'administration de traitement par voie orale à un chat. Concernant la consultation ayant donné lieu à la prescription, plus des deux tiers (68 %) estiment avoir « extrêmement bien compris la cause de la prescription du traitement » et un quart (26 %) l'ont « très bien compris ». De même, 85 % des répondants estiment que le praticien a « passé assez de temps à expliquer » cet aspect. L'administration du traitement au chat fait l'objet d'une démonstration, soit par un vétérinaire, soit par un étudiant. Toutefois, il est d'usage dans cet hôpital de ne pas faire cette démonstration quand le maître indique qu'il sait déjà le faire (39 % des cas). Les auteurs relèvent a posteriori que c'est un biais qu'ils n'ont pu contrôler. Il n'y a eu que deux maîtres dont les chats ne recevaient qu'un traitement topique (et un des deux a été non observant).

Un quart de chats non coopératifs

Dans le questionnaire, les maîtres devaient déclarer s'ils avaient parfaitement respecté la prescription. Pour 61 % d'entre eux, c'était le cas, mais les auteurs préviennent qu'avec ce protocole (autodéclaration), il y a toujours un biais de surestimation. Ainsi, le défaut d'observance est d'au moins 39 %. Seuls 4 traitements reposaient sur une administration toutes les 8 heures, mais les auteurs ne fournissent pas la proportion de non-observance pour cette catégorie. La majorité des traitements reposaient sur une administration quotidienne (47 %). Un peu plus du tiers des répondants (35 %) indiquent mettre le comprimé directement dans la gueule du chat. Un sur cinq le mélangent à l'aliment, et autant l'administrent avec une friandise, tandis que 35 % font soit l'un, soit l'autre (selon les prises). Un quart des maîtres signalent des difficultés à la prise du médicament, mais seuls 8 % indiquent qu'ils administrent le traitement en s'aidant d'une contention. Cependant, « très peu décrivent un contention non stressante » (il était possible de décrire ses pratiques à ce stade du questionnaire). Plusieurs mentionnent la découpe ou le broyage du comprimé pour améliorer sa prise.

Un seul chat, et les antibiotiques

Les auteurs réalisent une analyse statistique multivariée des réponses (régression logistique), de laquelle il ressort que l'âge du maître n'a aucune influence sur le niveau d'observance du traitement. En revanche, et c'est une surprise pour les auteurs, le fait de ne posséder qu'un chat est un facteur fortement favorable à une bonne observance (94 % de plus d'observance que chez les personnes dénuées d'expérience des chats, p=0,04). Le fait d'avoir plusieurs chats ou animaux de compagnie n'est pas lié à une meilleure observance. C'est probablement en lien avec l'absence de compétition pour l'aliment, et/ou une plus grande disponibilité s'il n'y a qu'un animal à gérer. Enfin, si le traitement est un antibiotique, le risque de non-observance est significativement accru (p=0,04). Les auteurs précisent qu'à l'époque de cette enquête, la céfovécine n'était pas enregistrée en Nouvelle-Zélande. Et que l'argument d'une moindre observance du traitement antibiotique par voie orale a pu être « employé pour justifier l'utilisation d'antimicrobiens à longue durée d'action administrés par voie parentérale chez les chats et les chiens, ce qui va à l'encontre des recommandations d'utilisation prudente des antimicrobiens ». Mais une bonne administration du traitement antibiotique fait aussi partie des bonnes pratiques, et les auteurs estiment donc « essentiel de développer un sentiment de priorité chez les clients pour qu'ils administrent les [antibiotiques] de manière appropriée » à leur chat. Toutefois, ils ne précisent pas les classes thérapeutiques des autres traitements concernés par l'étude… S'il s'agit de traitements de pathologies cardiaques par exemple, il paraît logique que le niveau d'observance soit supérieur… au moins dans les deux semaines qui suivent la prescription.

Ils concluent sur l'importance de « s'assurer avant la sortie du patient que les médicaments prescrits par voie orale aux chats sont appétents et peuvent être administrés en toute sécurité par leurs propriétaires », pour améliorer l'observance chez cette espèce.