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Elanco & Proplan

6 janvier 2016

Échinococcose multiloculaire : bilan de la situation européenne et des mesures préconisées pour les chiens voyageurs

par Vincent Dedet

Distribution géographique et prévalence de l’infection animale par Echinococcus multilocularis, selon le rapport EFSA de décembre 2015.
Le statut des pays ne doit pas masquer la grande hétérogénéité locale de prévalence de l’infection des renards. Il reste que le parasite est présent depuis sa limite Nord qui s’étire de la Normandie à l’Estonie, en passant par les Pays-Bas, le Danemark et la Pologne, jusqu’à sa limite Sud, du Sud de la Suisse à la Roumanie, via le Nord de l’Italie et la Hongrie. À l’Est, ses limites sont l’Ouest de l’Ukraine et le Sud du Belarus (source EFSA).

La réglementation sur le contrôle (et la surveillance) de l’échinococcose alvéolaire, infection parasitaire en pleine expansion, doit être révisée en 2017. L’Agence d’expertise européenne (EFSA) vient de publier un volumineux rapport rassemblant les dernières connaissances sur le sujet. Elle fait des propositions sur la surveillance, mais aussi sur les conditions de traitement des chiens quittant ou entrant dans les zones indemnes du parasite.

 
Distribution géographique et prévalence de l’infection animale par Echinococcus multilocularis, selon le rapport EFSA de décembre 2015.
Le statut des pays ne doit pas masquer la grande hétérogénéité locale de prévalence de l’infection des renards. Il reste que le parasite est présent depuis sa limite Nord qui s’étire de la Normandie à l’Estonie, en passant par les Pays-Bas, le Danemark et la Pologne, jusqu’à sa limite Sud, du Sud de la Suisse à la Roumanie, via le Nord de l’Italie et la Hongrie. À l’Est, ses limites sont l’Ouest de l’Ukraine et le Sud du Belarus (source EFSA).
 

C’est à cause du risque que représente Echinococcus multilocularis pour la santé publique que la réglementation communautaire encadre le contrôle et la surveillance de ce parasite chez les animaux, rappelle un volumineux rapport publié par l’Autorité Européenne de Sécurité Sanitaire des Aliments (EFSA) fin décembre. Ce document de 129 pages est publié pour servir de base à la révision de cette réglementation européenne, prévue pour 2017. Il cible avant tout le renard roux (Vulpes vulpes), qui reste considéré comme le principal hôte définitif du parasite.

Chiens : risque d’exposition humaine

Si les prévalences d’infection sont très faibles chez les chiens de compagnie (0,2 % en Allemagne), leur nombre nettement plus élevé que celui de renards (quelques sujets au km2) fait qu’ils pourraient « représenter un risque pertinent pour l’infection » humaine. D’autant que, chez les chiens utilisés pour le travail, la prévalence peut être nettement plus élevée : chez les chiens « non attachés et ayant accès aux rongeurs », elle peut atteindre 8,1 %. Malgré tout, les experts estiment que sans le renard, cela ne suffirait pas à entretenir le cycle parasitaire. Pour autant, les chiens infectés contaminent leur environnement (exposition humaine) et voyagent (introduction du parasite dans des zones indemnes). Sur ce premier risque, les études épidémiologiques sur l’Europe, décortiquées dans le rapport de l’EFSA, montrent que le fait de posséder un chien est un facteur de risque d’infection humaine (échinococcose alvéolaire, EA) du même niveau que l’exposition aux renards (risque multiplié par 2,8). Pour le chat, et malgré l’existence de cas d’infection naturelle, l’EFSA exclut que cette dernière espèce soit intégrée à la réglementation, même lors de sa révision en 2017.

5 pays européens indemnes

Sur la base de la surveillance mise en place sur trois périodes successives dans les États membres, ce rapport considère comme officiellement indemnes d’échinococcose multiloculaire (l’infection animale, EM) : Malte, la Finlande, l’Irlande et le Royaume-Uni (plus la Norvège continentale) ; ce sont les mêmes pays que ceux déjà considérés comme indemnes dans la réglementation de 2011. Par exemple, la surveillance n'a pas identifié le parasite chez des animaux en Espagne, mais le nombre d'animaux investigués étant inférieur aux minima prévus, le pays reste suspect d'enzootie. Dans les pays indemnes, la mise en évidence du parasite chez un animal est à déclaration obligatoire. Tous les autres États membres de l’UE sont considérés comme hébergeant le parasite de manière enzootique (voir l’image principale). Ce qui tranche avec la situation appréhendée au cours des années 1990, où seuls l’Est de la France, le Sud de l’Allemagne et des régions de Suisse et d’Autriche étaient considérées comme zones d’enzootie.

Représentation de l’expansion d’E. multilocularis en France et de la localisation des deux profils génétiques principaux du parasite (source : Echinote, bulletin n° 3, page 2 - https://www.anses.fr/fr/system/files/EchinoteN03.pdf)

 

Malte à part

Dans les zones indemnes, le risque d’introduction le plus élevé est « lié aux mouvements d’hôtes définitifs en période pré-patente ou patente d’infection ». Du fait des voyages de leurs propriétaires, « il est inévitable que des chiens infectés entrent dans des pays indemnes » ; toutefois les conditions de l’établissement de l’infection sont multiples. En l’état, il n’y a qu’un pays pour lequel ces données sont disponibles : c’est Malte, qui, n’ayant ni population autochtone de canidés sauvages, ni espèce d’hôte intermédiaire efficace, est considérée comme pays où « l’établissement du cycle de l’EM est proche d’être impossible ». Ce pays « n’a pas besoin de mettre en place une surveillance des chiens pour démontrer son statut indemne ». L’EFSA laisse le pays libre d’obliger à traiter les chiens introduits sur son territoire, puisqu’il ne s’agit alors ‘que’ de prévenir les cas humains liés au contact direct avec les déjections de l’animal.

Passer de 120 à 24 h avant l’introduction

De fait, depuis le 1er janvier 2012, la réglementation européenne établit qu’afin de prévenir tout risque d’introduction d’E. multilocularis dans les zones indemnes, un traitement au praziquantel ou substance pharmacologique équivalente soit appliqué sur une période de 24 à 120 heures avant l’entrée dans le pays. Or de nouveaux travaux sont mis en avant dans le rapport, qui indiquent que, si le traitement est réalisé plus de 24 h avant cette introduction, « il y a un risque de réinfection avant le départ » de la zone indemne. Les experts européens recommandent donc de réduire la période pendant laquelle le traitement sera fait (la veille de l’introduction et non plus jusque 120 h avant). À l’inverse, pour les chiens quittant une zone indemne, si la durée passée en zone d’enzootie est courte, il sera avantageux de reporter leur traitement à leur retour. Sinon, ils seront traités dans les 24 h précédant la ré-introduction. Quant aux déplacements directs entre les pays indemnes, il n’y a pas d’obligation de traitement.

Praziquantel

Pour « le traitement des hôtes définitifs, le praziquantel est l’anthelminthique le plus utilisé et le plus efficace », souligne le rapport, du fait de son activité sur les stades matures et immatures dnas l'intestin des chiens. La « posologie minimale recommandée est de 5 mg/kg de poids vif pour une administration orale unique, et de 5,7 mg/kg PV pour une injection unique par voie intramusculaire ou sous-cutanée ». Pour être valide, ce traitement doit être mentionné par un vétérinaire sur le passeport de l’animal ou le certificat sanitaire. Le rapport cite aussi l'epsiprantel, disponible dans certains États membres, qui n'est qu'adulticide, et dont « la posologie minimale recommandée est de 5,5 mg/kg de poids vif pour une administration orale unique ».

Des milliards d’euros

La situation actuelle, chez l’Homme, est contrastée : l’augmentation du nombre de cas en Lituanie et Lettonie est interprétée par l’EFSA comme le reflet du démarrage de la surveillance. En revanche, « l’incidence de l’échinococcose alvéolaire humaine est en augmentation dans certains pays d’enzootie, comme la Suisse, la France, la Pologne et l’Autriche ». Au point que, « si la détection précoce [de ces cas humains] ne devient pas plus efficace, les systèmes de santé européens  pourraient avoir à faire face à des coûts de l’ordre de milliards d’Euros pour la prise en charge du nombre de patients attendus sur les deux prochaines décennies ». Les experts européens appellent à rendre l’EA à déclaration obligatoire dans tous les États membres (ce n’est pas le cas en France, par exemple, où il est estimé qu’il y a 21 cas par an).