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Elanco & Proplan

5 novembre 2024

Stériliser les chiennes en prévention de futures pathologies, avant ou après la puberté ? Toujours pas clair

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

L'approche de la médecine reposant sur les preuves, lorsqu'elle s'attache à l'intérêt de la stérilisation des chiennes avant (ou après) leurs premières chaleurs, se heurte à ses limites. Une revue de synthèse montre que la littérature ne permet pas de trancher quant aux bénéfices attendus sur la santé ultérieure des chiennes (cliché : DR).
L'approche de la médecine reposant sur les preuves, lorsqu'elle s'attache à l'intérêt de la stérilisation des chiennes avant (ou après) leurs premières chaleurs, se heurte à ses limites. Une revue de synthèse montre que la littérature ne permet pas de trancher quant aux bénéfices attendus sur la santé ultérieure des chiennes (cliché : DR).
 

« Nous ne savons pas si la stérilisation avant ou après la puberté a un impact sur la santé des chiennes domestiques »… Où quand l'approche de la médecine reposant sur les preuves scientifiques touche ses limites. Car la littérature est riche d'études explorant l'effet de la stérilisation des chiennes sur leur santé ultérieure, mais avec des conclusions souvent contradictoires. En particulier sur le moment préférable pour procéder à la stérilisation : avant ou après la puberté ? Pour apporter leur pierre à l'édifice, des spécialistes des facultés vétérinaires de l'université de Nottingham et de celle d'Édimbourg (Royaume-Uni) ont réalisé une revue de la littérature, en se focalisant sur cinq pathologies fréquentes. Et ils font part de leur incapacité à conclure, au terme d'une publication de 31 pages, longueur habituelle dnas le domaine de la médecine factuelle.

Cinq pathologies

Les effets de la stérilisation sur la santé ultérieure de la chienne sont diversement décrits. Par exemple sur l'incontinence urinaire, les résultats des études rétrospectives déjà publiées sont controversés, certains travaux identifiant un effet préventif de stérilisation précoce, d'autres pas. Deux équipes ont identifié qu'une stérilisation avant 12 mois augmente le risque de rupture ultérieure du ligament croisé antérieur, mais réduit aussi le risque d'hémangiosarcome et de tumeurs mammaires. Et « à la connaissance des auteurs [de la présente publication], aucune revue systématique ou de synthèse n'a encore été publiée sur l'impact de la stérilisation des chiennes avant ou après la puberté [premières chaleurs] sur l'atopie, les maladies du développement orthopédique, les néoplasies (autres que les tumeurs mammaires) ou l'obésité ». Ils se sont lancés dans l'exercice, en se limitant donc à ces quatre pathologies, auxquelles ils ont ajouté les maladies de l'appareil urinaire.

33 références

Pour se donner plus de chances d'identifier des données, ils ont fait remonter leurs requêtes de bases bibliographiques à 1910 (et jusqu'en 2023). Ils obtiennent au total 33 publications dignes d'intérêt (pour leur objectif et les données contenues, en particulier la mention de la date de l'intervention par rapport à la puberté des chiennes). Ces publications se répartissent en :

  • une portant sur la dermatite atopique,
  • treize portant sur la maladie du développement orthopédique (dont la rupture du ligament croisé antérieur),
  • onze sur les néoplasies,
  • six sur l'obésité
  • et 18 sur les pathologies de l'appareil urinaire (une étude peut comporter plusieurs pathologies).

La plus ancienne date de 1969. Elles sont pour la plupart issues des USA (21/33), et c'est le cas pour toutes les références retenues relatives à l'atopie, l'obésité et la maladie du développement orthopédique. Ces derniers articles ne se fondent pas sur la puberté mais sur le seul âge de la chienne à l'intervention. Dans la minorité des cas (8/33), l'état de santé de l'animal a été décrit par le maître ; dans les autres cas il l'a été à dire de vétérinaire (ou à partir du dossier médical). Les protocoles de ces études sont variables, du suivi de cohorte rétrospectif à l'étude cas-témoin, avec de rares cas de suivi de cohorte prospectifs (trois études, sur l'obésité, la réduction de la taille de la vulve après la puberté et les blessures orthopédiques). Ce dernier protocole est celui comprenant le niveau de preuve le plus élevé au sens de la médecine factuelle appliquée à la médecine vétérinaire.

Résultats contrastés à divergents

Pathologie par pathologie, et pour les études qui ont présenté des résultats (positifs ou négatifs) exploitables et sans biais marqué :

  • La seule étude évoquant l'atopie en lien avec la stérilisation n'identifie pas d'effet significatif de cette dernière.
  • Pour les maladies du développement orthopédique, deux publications n'observent aucun effet de la stérilisation. Pour 6 autres, il y a bien un effet : une identifie un sur-risque (x 3) avant 6 mois sur l'angle du plateau tibial (35°) ; deux identifient un sur-risque sur la rupture du ligament croisé antérieur (x 4,5 dans l'une, pas de calcul du niveau de sur-risque dans l'autre) avant un an ; une identifie un sur-risque de blessure orthopédique si la stérilisation est faite avant 6 mois, et un sur-risque moindre mais significatif entre 6 et 12 mois ; une autre identifie un sur-risque d'euthanasie pour dysplasie coxofémorale (x 3) si la stérilisation a été réalisée avant 5,5 mois ; une dernière évoque une réforme de la sélection de chiens de travail pour motif orthopédique plus fréquente s'ils ont été stérilisés avant 7 mois d'âge.
  • Pour les néoplasies, les quatre études qui présentent des résultats statistiquement significatifs vont toutes dans le même sens : une stérilisation au cours du jeune âge (avant un an, deux ans, avant les premières chaleurs ou le plus tôt possible) représente un facteur protecteur au regard de tumeurs mammaires, ostéosarcomes ou hémangiosarcomes.
  • Trois études n'ont pas identifié de lien entre âge à la stérilisation et obésité. Une identifie un sur-risque pour les chiennes stérilisées entre 6 mois et un an ; l'autre un facteur de protection croissant avec le jeune âge (plus la chienne est jeune et moins le risque d'obésité est élevé).
  • Cinq études n'ont pas identifié de lien entre âge à la stérilisation et affection de l'appareil urinaire. Huit autres fournissent des résultats contrastés. Une étude identifie un effet négatif d'une stérilisation précoce sur la future incontinence urinaire (réduction du risque de 24 % par mois de plus d'âge à l'intervention), mais seulement pour les chiennes de plus de 30 kg. Deux autres identifient significativement plus de cas d'incontinence si l'intervention a été réalisée avant la puberté. Une autre identifie un sur-risque important pour la stérilisation avant 6 mois, et un risque qui diminue de 75 % par année d'âge ensuite. Mais deux autres études ont identifié un effet significatif favorable d'une stérilisation avant 6 mois ou avant la puberté sur l'occurrence ultérieure d'incontinence…

Conclusion : pas de conclusions

Ces résultats, forcément décevants, mettent aussi « en évidence les incohérences dans la classification du moment de la stérilisation entre les études et le manque d'informations concernant le moment de la stérilisation par rapport à la puberté ». Ils « suggèrent qu'il n'existe pas encore de preuves solides pour soutenir les vétérinaires, les personnes travaillant avec des chiens et les propriétaires de chiens de compagnie lorsqu'ils discutent du moment de la stérilisation par rapport à la puberté. L'impact de la stérilisation avant ou après la puberté sur l'atopie, les maladies du développement orthopédique, les néoplasies, l'obésité et les maladies urogénitales chez les chiens domestiques femelles reste inconnu ».