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Elanco & Proplan

7 novembre 2023

RPCU et densité urinaire chez le chat : prendre en compte les variations physiologiques

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

D'après Mortier et al., JVIM, 2023.
D'après Mortier et al., JVIM, 2023.
 

Les normes de référence pour une analyse urinaire prennent-elles assez en compte les variations individuelles et physiologiques du chat ? Probablement que non, selon les résultats d'une étude prospective menée sur 80 sujets en bonne santé. Seules de fortes variations du RPCU et de la densité urinaire sont d'importance clinique chez un chat apparemment sain.

Reference change value et index d'individualité

En plus des variations inhérentes au prélèvement et à son analyse (selon les conditions de stockage des urines et la variabilité inter- et intra-laboratoires notamment), des variations biologiques (fluctuations physiologiques chez l'individu) peuvent expliquer des résultats différents obtenus chez un même animal. Au-delà de la détermination des normes de références, ces variations biologiques sont à considérer lors d'analyses répétées, dont le but est de confirmer une anomalie ou d'effectuer un suivi dans le temps. Il s'agit alors d'estimer si l'écart observé dépasse cette simple variation biologique.

La reference change value (RCV, littéralement valeur de référence pour un changement) est calculée à cette fin : elle correspond au changement minimum établissant une différence significative, une différence d'intérêt clinique.

L'index d'individualité (II) est intéressant aussi : il est le rapport entre la variabilité biologique du paramètre chez un individu et sa variabilité chez une population d'individus. Lorsque cet index est élevé (> 1,67), répéter la mesure permet de diminuer le nombre de faux positifs (le résultat revenant dans l'intervalle de référence). Mais dans un suivi, le RVC est alors plus adapté pour détecter une variation d'intérêt clinique. Lorsque l'II est faible (< 0,7), l'intervalle de référence est généralement suffisant pour l'interprétation des résultats. Si l'II est modéré (entre 0,7 et 1,67), les deux sont utiles (RCV et intervalle de normalité).

RCV et II ont été calculés pour les deux paramètres évalués dans cette étude, c'est-à-dire RPCU et densité urinaire, lesquels sont largement utilisés pour le diagnostic et le suivi de l'insuffisance rénale chronique.

Analyses urinaires répétées pendant 2 mois

L'étude a été réalisée à l'Université de Gand en Belgique. Les urines de 80 chats adultes en apparente bonne santé ont été prélevées par cystocentèse trois fois : à J0, J14 (après 2 semaines) puis J56 (après 2 mois, voir tableau en illustration principale). Entre autres paramètres usuels, RPCU et densité urinaire (au réfractomètre) ont été mesurées, dans l'objectif d'évaluer la proportion de résultats anormaux et leur persistance dans le temps.

Ces chats (48 femelles et 32 mâles) étaient âgés de 4 ans en médiane. Leur bon état de santé avait été établi au préalable, d'après l'historique médical, un examen clinique comprenant la mesure de la pression artérielle systémique, un bilan sanguin et urinaire incluant la recherche d'une infection par le FIV ou le FeLV.

RPCU élevé dans près d'un quart des cas

Les résultats montrent qu'à J0, 15 individus (19 %) avaient un RPCU douteux (entre 0,2 et 0,4) et 3 (4 %, ce qui est faible) étaient protéinuriques (RPCU > 0,4), soit 23 % au total (n=18). Selon les auteurs, ces proportions sont inférieures à celles observées dans d'autres études. Et c'est bien ce qui justifie de réitérer les analyses pour diagnostiquer une maladie rénale chronique (suivant les recommandations de l'IRIS).

L'anomalie a persisté chez 12 chats à J14 (dont un cas de protéinurie) puis chez 8 chats à J56 (dont 1 devenu protéinurique), soit 44 %.

Urines peu concentrées chez 1 chat sur 10

À J0, 8 chats, soit 10 %, présentaient une densité urinaire < 1,035 (le seuil de référence). Selon les auteurs, cette proportion est cette fois relativement conforme à d'autres résultats d'études.

Parmi ces 8 chats, 5 ont présenté un résultat encore sous le seuil de 1,035 après 2 semaines, et 3 après 2 mois (soit 38 %).

Analyses hebdomadaires pour 15 chats

Dans la même étude, 15 des 80 chats inclus ont fait l'objet de prélèvements supplémentaires pour analyse (voir tableau en illustration principale) :

  • Toutes les semaines pendant 6 semaines (J0 à J42) afin d'évaluer la variation biologique du RPCU et de la densité urinaire ;
  • Deux jours consécutifs (J56 et J57) pour étudier leur variabilité d'un jour sur l'autre.

Pour le RPCU, la variation médiane (différence entre la valeur la plus élevée et celle la plus basse sur les 6 semaines) atteint 0,10 soit 73 %. Et la variation d'un jour sur l'autre est de 0,03 (20 %).

Pour la densité urinaire, la variation médiane sur 6 semaines est de 0,012 (28 %) ; la variation d'un jour à l'autre est de 0,004 (8 %).

Ces faibles variations entre les résultats de 2 jours consécutifs ne soutiennent pas l'intérêt d'effectuer une analyse groupée à partir de 2 ou 3 prélèvements rapprochés. Au moins chez des chats en bonne santé. Des observations équivalentes seraient à vérifier chez des chats insuffisants rénaux.

Une aliquote de chaque prélèvement avait par ailleurs été congelée et analysée en fin d'étude (mesure du RPCU et de la densité urinaire, avec les mêmes outils), afin d'évaluer aussi les variabilités analytiques. Ces dernières sont faibles, attestant la précision des procédures d'analyse.

II intermédiaires

L'II est intermédiaire pour les 2 paramètres (0,8 et 1,0 respectivement). Les intervalles de référence restent donc à utiliser avec prudence, et les changements à interpréter aussi à la lumière des RVC. Une valeur de base individuelle, établie chez le chat sain à l'âge adulte et enregistrée dans le dossier médical, sera ultérieurement utile, pour la détection précoce d'une maladie rénale chronique.

La RVC du RPCU est de 82 % (il est de 80 % pour le chien) : une augmentation du RPCU dans ces proportions (ou plus) sera ainsi d'intérêt clinique. En pratique, cela correspond à une augmentation à au moins 0,18 d'un RPCU initial normal de 0,10, à au moins 0,27 pour un RPCU initial de 0,15 et à au moins 0,36 pour un RPCU initial de 0,20.

La RVC de la densité urinaire est de 36 %. Cette fois, une diminution de la densité de 36 % ou davantage, par exemple de 1,060 à 1,038, sera d'importance clinique. Les auteurs rappellent toutefois qu'un éventuel changement d'alimentation sera à prendre en considération dans l'évolution de la densité urinaire du chat (ici, les propriétaires avaient pour consigne de ne rien changer).

Des études similaires permettraient de mesurer les RVC chez des chats déjà protéinuriques, dans le cadre de leur suivi.