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Elanco & Proplan

18 octobre 2023

Analyses d'urines chez le chien : le pH varie dans le temps, pas la protéinurie ni la densité urinaire

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Résultats individuels des mesures de pH chez les chiennes (n=7) et les chiens mâles (n=7), par pHmètre (A et B) et par bandelette urinaire (C et D). D'après McGlynn et al., JVIM 2023.
Résultats individuels des mesures de pH chez les chiennes (n=7) et les chiens mâles (n=7), par pHmètre (A et B) et par bandelette urinaire (C et D). D'après McGlynn et al., JVIM 2023.
 

Dans le cadre des analyses urinaires de routine chez le chien, le pH est souvent mesuré comme indicateur du risque de lithiases ou d'infection urinaires, ou pour leur suivi. Pourtant, selon les résultats d'une étude longitudinale américaine, sa variabilité ne permet pas de s'appuyer sur une mesure isolée.

12 prélèvements à intervalles journaliers, hebdomadaires puis mensuels

Dans cette étude prospective menée à l'école vétérinaire de l'université de l'Ohio, les urines de 14 chiens en bon état de santé ont été prélevées, directement (lors de la miction), à 12 reprises sur une période de 3 mois : deux fois par jour (matin et après-midi) pendant 3 jours, puis une fois par semaine pendant 4 semaines, puis encore deux fois à un mois d'intervalle. À l'exception des premiers jours, qui incluaient des prélèvements l'après-midi, il s'agissait des premières urines du matin.

Les chiens, 7 femelles et 7 mâles, tous stérilisés, étaient de divers âges et poids (au moins 9 kg). Ils n'avaient pas reçu de traitement récemment (antibiothérapie, chimiothérapie, radiothérapie en particulier).

L'analyse comptait la mesure :

  • du pH, suivant 2 techniques (bandelette urinaire et pHmètre) ;
  • de la densité urinaire (mesurée au réfractomètre) ;
  • et de la protéinurie (sur bandelette urinaire et par électrophorèse).
  • L'échantillon était également mis en culture pour bactériologie, suivie d'une identification des germes présents par spectrométrie (Maldi-Tof).

pH : variations significatives pour un même chien

Les mesures de pH révèlent d'importantes variations entre les chiens, mais surtout pour chaque chien selon le prélèvement (voir figure en illustration principale), avec des valeurs situées dans un intervalle maximal de 5,45 à 8,31 par pHmétrie pour un chien, et de 5 à 9 par bandelette pour 3. Les intervalles minimaux sont de 5,56 à 6,98 (pHmètre) et de 5 à 7 ou de 7 à 9 (bandelette), ce qui reste large, et avec des résultats parfois basiques, parfois acides. Chez 8 chiens, des valeurs de pH ont été en dehors des normes usuelles (supérieures).

Selon les auteurs, ces écarts sont tels qu'ils déconseillent d'interpréter le pH sur une mesure isolée, mais de les répéter. Ils ne sont néanmoins pas surpris de ce constat, le pH variant selon l'alimentation, le délai avant analyse (bien que les analyses soient effectuées dans les 6h ici), les bactéries présentes dans le prélèvement, etc.

Pour chaque prélèvement, les deux techniques de mesure utilisées donnent également des résultats différents, avec une différence médiane non négligeable de 0,4. Globalement, la bandelette surestime le pH lorsqu'il est basique (> 7,5) et le sous-estime lorsqu'il est acide (< 6,5).

Enfin, les résultats ne montrent pas de différence significative selon le sexe du chien.

Densité urinaire : variations entre chiens seulement

De leur côté, les valeurs de densité urinaire varient également entre chiens, mais elles varient peu dans le temps pour un même animal, ce qui permet de s'appuyer cette fois sur une mesure isolée.

La densité est plus élevée chez les mâles que chez les femelles, mais sans que la différence n'atteigne le seuil de significativité. Une différence significative a été observée chez d'autres espèces que le chien.

De même, en comparant les résultats des 3 premiers jours, il est observé une différence entre les urines du matin et celles de l'après-midi, la densité urinaire étant plus élevée le matin, mais sans que la différence soit significative, ce qui pourrait toutefois être lié au petit nombre d'échantillons (d'autres observations avaient détecté des différences significatives). Les variations dans la journée apparaissent plus limitées que les variations entre chiens ; prélever les urines du matin demeure conseillé.

Protéinurie : stable aussi dans le temps

Les résultats de protéinurie à la bandelette (mesure semi-quantitative) ne montrent pas de différence selon le sexe du chien. À l'électrophorèse, les résultats varient entre les chiens, et suivant le sexe (pas pour la seule albuminurie ou l'uromodulinurie) ; ils ne varient pas pour un même chien dans le temps.

Aucune corrélation entre pH et protéinurie (ou albuminurie ou uromodulinurie) n'est mise en évidence.

La moitié des prélèvements est contaminée

Les cultures bactériennes détectent la présence de bactéries dans 50 % des échantillons : essentiellement et plus régulièrement Streptococcus canis et Staphylococcus pseudintermedius (Citrobacter dans une moindre mesure), ce qui s'apparente à une contamination de l'échantillon au moment du prélèvement. Un nombre important de colonies (> 105 CFU /ml) est observé chez 3 chiens, dont chez 2 à plusieurs reprises.

Pour les auteurs, le risque de contamination par cette technique de prélèvement reste donc important, ce qui n'est pas une découverte, et la présence de bactéries n'est pas prédictive d'une infection urinaire sans signes cliniques associés. Généralement, un prélèvement par cystocentèse ou cathétérisme urinaire est privilégié.

Fréquente résistance aux bêta-lactamines

Dans cette étude américaine, la résistance d'une cinquantaine de souches bactériennes (parmi les 220 isolées) à plusieurs antibiotiques était évaluée : amoxicilline (antibiotique de première intention lors d'infection urinaire), oxacilline (une seconde bêta-lactamine), ciprofloxacine (antibiotique de seconde intention) et acide nalidixique (quinolone de première génération). Les résultats révèlent des taux relativement élevés de résistance, notamment à l'amoxicilline et l'oxacilline. Une résistance à au moins l'un des antibiotiques testés est détectée chez 83 % des souches (40/48), isolées chez 12 chiens sur les 14.

S'agissant de flore commensale et de germes potentiellement partagées avec les personnes vivant dans l'entourage du chien, cette résistance est préoccupante d'un point de vue santé publique.