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Elanco & Proplan

21 juillet 2023

Coups de chaleur : refroidir d'abord, transporter ensuite

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Deux méthodes de refroidissement des chiens à coup de chaleur sont recommandées, avant leur transport vers une structure vétérinaire : l'immersion dans l'eau froide, ou l'aspersion avec de l'eau en même temps que l'exposition à un courant d'air (cliché DR).
Deux méthodes de refroidissement des chiens à coup de chaleur sont recommandées, avant leur transport vers une structure vétérinaire : l'immersion dans l'eau froide, ou l'aspersion avec de l'eau en même temps que l'exposition à un courant d'air (cliché DR).
 

À peine plus d'un chien sur cinq victimes de coup de chaleur ont bénéficié de soins visant à les refroidir avant de les transporter vers la structure vétérinaire qui allait les prendre en charge. C'est ce qui ressort d'une étude rétrospective britannique, dont les auteurs rappellent que les bonnes pratiques publiées en 2016 aux USA sur le sujet préconisent avant tout de refroidir l'animal avant de le transporter.

Immersion ou aspersion ?

Les auteurs rappellent que les coups de chaleur peuvent être liés à une exposition excessive à la chaleur (dans un véhicule, lors de canicule, etc.) ou à un exercice physique trop important. Outre-Manche, les seconds représentent près des trois quarts (74,2 %) des coups de chaleur pris en charge par un vétérinaire. Et la principale recommandation en humaine pour un athlète ou un militaire victime d'un tel coup de chaleur est « l'immersion dans une eau dont la température est comprise entre 1,7 et 15° C ». Toutefois, l'application de cette recommandation à des séniors, des personnes à maladie cardiovasculaire ou à maladie neurologique n'est pas de mise. Les hôpitaux appliquent alors la pulvérisation/brumatisation d'eau en présence d'un courant d'air (ventilateur). En canine, peu de données sont disponibles. Une étude publiée en 1980 rapportait qu'une immersion dans une eau de 1 à 3° C était très efficace pour refroidir des chiens victimes coup de chaleur, mais avait « provoqué la mort immédiate de certains » d'entre eux…

Immersion, et aspersion

Les manuels vétérinaires publiés les années suivantes « mentionnaient alors d'immerger les chiens dans une eau “tiède” ou “non-froide” », ce qui a pu retarder la prise en charge de certains coups de chaleur, toujours selon ces auteurs. Or « la gravité et les conséquences négatives des coups de chaleur chez le chien sont largement déterminées par la durée et le degré d'élévation de la température au-dessus de 43,0° C ». De plus, « une autre raison pour laquelle il a été conseillé d'éviter l'immersion dans l'eau froide dans les protocoles de gestion du coup de chaleur, dans la littérature médicale comme vétérinaire, est la croyance que la vasoconstriction périphérique et les frissons pourraient causer de nouvelles élévations de température », alors qu'il « existe d'abondantes preuves du contraire ». D'autant que l'American College of Veterinary Emergency and Critical Care a publié en 2016 « des recommandations de bonnes pratiques pour les soins préhospitaliers de chiens et chats, qui incluent la recommandation de refroidir activement les patients atteints de coup de chaleur avant de transporter l'animal pour des soins vétérinaires d'urgence »… L'immersion est recommandée pour les sujets jeunes et sans comorbidités, la brumatisation avec courant d'air pour les autres. L'hypothèse des auteurs était que cette recommandation avait été d'une observance croissante entre 2016 et 2018.

856 coups de chaleur, 21 % refroidis

Pour le vérifier ils se sont penchés sur les données du programme VetCompass, comprenant près de 950 000 consultations généralistes canines effectuées dans près de 900 structures vétérinaires, à la recherche des cas de coups de chaleur. Sur 2016-2018, ils identifient 856 cas de coups de chaleur gérés par des praticiens. Ne sont comptabilisés que les cas ayant consulté dans les 24 h suivant la survenue du coup de chaleur, soit 73 % d'entre eux. Et un sur cinq (21,7 %) ont été activement refroidis (au sens propre) avant d'être conduits chez le praticien, avec une évolution annuelle qui ne confirme pas l'hypothèse des auteurs : 19,8 % des chiens présentés en 2016 l'avaient été avant le transport, 20,8 % de ceux de 2017 et 26,9 % de ceux en 2018. La différence entre ces années n'atteint pas le seuil de signification statistique (p=0,435). Pour les auteurs, cela confirme que les recommandations « ont peu diffusé dans la communauté vétérinaire », et par conséquence auprès des maîtres.

La bonne vieille serviette mouillée…

Les dossiers de 267 des chiens précisaient la nature du traitement appliqué pour les refroidir activement ; là non plus il n'y a pas de différence statistiquement significative entre les années, même si la proportion de sujets recevant les soins recommandés recule, de 26,9 à 17,9 % sur la période. Pour un quart des chiens refroidis avant d'être transportés (25,4 %), la méthode appliquée était conforme à celles recommandées par l'American College of Veterinary Emergency and Critical Care. Ce qui est supérieur à la proportion de chiens refroidis de cette manière une fois pris en charge par une structure vétérinaire (22,6 %). Car la méthode qui reste la plus fréquemment appliquée est celle de l'application d'une serviette mouillée sur l'animal (voir le graphique ci-dessous)… Les auteurs soulignent que les serviettes mouillées refroidissent l'animal moins rapidement que les méthodes recommandées, et que l'alcool et le lavement sont déconseillés (bien que cités dans la littérature). Le premier par faible efficacité et risque de feu si un défibrillateur doit être utilisé. Le second parce qu'il modifie la perméabilité intestinale de l'animal déjà choqué.

Fréquence des méthodes de refroidissement de chiens à coup de chaleur utilisées par les maîtres et les praticiens, sur 267 cas enregistrés outre-Manche entre 2016 et 2018 (Hall et coll., 2023).

 

La température moyenne des cas lors de l'admission était de 39,9° C, mais celle des chiens qui avaient été refroidis avant le transport était de 38,6° C (celle des chiens refroidis par les seuls vétérinaires était de 40,9° C). La recommandation de l'American College of Veterinary Emergency and Critical Care s'applique aux sujets ayant une température rectale d'au moins 41,1° C. Il est possible que les praticiens qui n'ont pas appliqué les méthodes de refroidissement recommandées l'aient fait au vu de la température de l'animal qui leur était amené (ce n'est pas précisé dans les dossiers médicaux des cas). Il reste que les pratiques communiquées aux maîtres de chiens à coup de chaleur paraissent « peu alignées sur les recommandations pour la prise en charge préhospitalière » de ces animaux. « Ce qui souligne la nécessité d'une communication plus forte du message ‘refroidir d'abord, transporter ensuite' ».