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Elanco & Proplan

17 juillet 2023

L'encéphalite à tiques nouvellement détectée dans 14 départements ; circulation importante dans le Forez, Ardèche à surveiller

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Lieu probable de contamination des cas humains autochtones d'infection par le virus de l'encéphalite à tiques déclarés en France de mai 2021 à mai 2023 (n= 61). Santé Publique France, 2023.
Lieu probable de contamination des cas humains autochtones d'infection par le virus de l'encéphalite à tiques déclarés en France de mai 2021 à mai 2023 (n= 61). Santé Publique France, 2023.
 

Jusqu'ici, il n'y avait qu'une vingtaine de cas humains d'infection par le virus de l'encéphalite à tiques (TBEV) détectés annuellement en France, et pour l'essentiel en Alsace et – plus récemment ­ en  Haute-Savoie. Mais, reconnaissent les experts de Santé Publique France, l'épidémiologie de l'infection n'est pas bien connue. Pour y remédier, l'infection est devenue maladie à déclaration obligatoire en mai 2021. Et dans le bilan des deux premières années depuis cette contrainte, publié début juillet par Santé Publique France, plusieurs nouveautés apparaissent.

Un cas sur deux de mai à juillet

En premier lieu, le nombre de cas : il y a eu 71 cas humains entre mai 2021 et mai 2023. Plus en détail : sur 2021, 30 cas ont été recensés, et 36 en 2022 (plus 5 en 2023, avec un recensement stoppé à mai dernier). La saisonnalité de l'infection est largement confirmée car la moitié des cas détectés en 2021 et 2022 sont survenus de mai à juillet. Un cas sur deux (51 %) rapportait une morsure de tique dans un délai compatible avec l'apparition des signes cliniques. Logiquement, l'exposition professionnelle aux tiques reste un facteur important du développement de l'infection : un cas sur six (15 %) exerçait une telle profession. Dans le cas présent : « éleveur ou famille d'un éleveur, ou ouvrier d'élevage de chevaux ou ruminants (n=7), agent de l'Office National des Forêts (n=1), horticulteur (n=1), forestier (n=1), et étudiant en lycée agricole (n=1) ».

14 départements “nouveaux”

En second lieu, la localisation. Car la grande majorité des cas (86 %) étaient autochtones et tous localisés dans le centre et l'est de la France (voir l'illustration principale). Les autres cas pouvaient être le fruit d'une maladie déclarée au retour d'un voyage, ou concerner un voyageur résidant dans un pays à risque : Autriche et Allemagne, mais aussi Finlande, Lettonie, Slovénie et Suède. Pour déterminer le lieu de contamination probable, les auteurs ont pris en compte les zones où les cas se trouvaient sur les deux semaines précédant l'apparition des signes cliniques. Près de deux tiers des cas (62 %) « avaient été très probablement contaminés dans un département à risque connu ». Toutefois, « 17 cas avaient été très probablement contaminés dans un département où aucun cas humain n'avait été notifié précédemment : Rhône (n=4, dont 3 d'un même foyer de toxi-infection alimentaire, voir ci-dessous), Ardèche (n=2), Cantal (n=2), Doubs (n=2), Vosges (n=2), Meurthe et Moselle (n=1), Marne (n=1), Moselle (n=1), Haute-Saône (n=1), et pour un cas, le lieu de contamination pouvait être la Meurthe-et-Moselle ou les Vosges ». Les experts soulignent que « la région Auvergne-Rhône Alpes est dorénavant une zone importante de circulation du virus, avec des massifs particulièrement à risque, tels que le Forez. La zone de circulation du virus atteinte au sud l'Ardèche, département qui devrait faire l'objet d'une vigilance particulière ».

(Fromage au) lait cru

En troisième lieu, l'origine alimentaire de la contamination, qui n'est plus exceptionnelle. Le rapport de Santé Publique France indique que pour un quart des cas (18/71), une consommation de fromage au lait cru était signalée, dont 4 pour lesquelles elle a fait « fortement suspecter » une infection d'origine alimentaire : trois convives d'un même repas (fromage de chèvre) et « un cas qui consommait du lait cru de chèvre rapportait la survenue de symptômes chez un co-consommateur qui a refusé d'être testé. Enfin, pour deux cas qui vivaient dans des exploitations agricoles produisant des produits à base de lait cru, il était impossible de déterminer si la contamination faisait suite à la consommation des produits laitiers ou à une piqure de tique. Pour un de ces cas, les animaux et produits laitiers ont pu être testés par l'Anses et étaient positifs en RT-PCR ».

Infection sévère

Aucun des 71 cas détectés sur ces deux années n'est décédé. Toutefois, l'infection est sévère et peut entraîner des séquelles : 94 % de ces cas ont été hospitalisés. Un peu plus du tiers (37 %) avaient présenté une méningite, et un autre tiers (38 %) une encéphalite, à quoi s'ajoutent 13 % avec une méningo-encéphalite et 3 % une encéphalomyélite. Sept cas (10 %) n'ont présenté aucun signe neurologique. « De façon spontanée, des signes divers ont été rapportés concernant les cas : une ataxie pour 3, une diplopie pour 2, et une paralysie faciale, une perte d'audition unilatérale et une parésie unilatérale d'un membre pour 1 cas chacune ». L'atteinte neurologique centrale était présente chez les 4 enfants (7 à 16 ans) et chez 14 des 15 des personnes âgées (65 ans et plus). Les hommes sont plus souvent atteints que les femmes (sexe ratio de 1,7).

Au bilan de ce rapport, les experts sanitaires expliquent que « la surveillance de ces infections dans les années à venir montrera si l'aire de circulation du virus continue à s'étendre. Cette dynamique souligne la nécessité de se protéger contre les piqûres de tiques en cas de travail ou de loisir en tous lieux ». Pour le moment, les recommandations de Santé Publique France au regard de la vaccination sont de se limiter au cas par cas.