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Elanco & Proplan

29 juillet 2015

Présence d’Echinococcus multilocularis chez des chats des Ardennes, risque zoonotique limité

par Vincent Dedet

Représentation de l’expansion d’E. multilocularis en France. Les couleurs des points représentent les différents types génétiques présents chez les renards infectés. La plus forte diversité génétique est observée dans l’Est (foyers historiques). Dans le Nord et dans l’Ouest, la même diversité génétique témoigne d’une colonisation plus récente, qui s’est faite de manière contemporaine, mais par des types génétiques différents (Source : LNR, bulletin Echinote n° 3, avril 2014).

Une enquête dans deux villages Ardennais d’hyper-enzootie de l’échinococcose multiloculaire a identifié le parasite chez des chats (un sauvage, un domestique). Il semble que très peu des vers puissent achever leur cycle chez ces félins, et qu’ils ne représentent qu’un risque secondaire pour l’Homme.

 
Représentation de l’expansion d’E. multilocularis en France. Les couleurs des points représentent les différents types génétiques présents chez les renards infectés. La plus forte diversité génétique est observée dans l’Est (foyers historiques). Dans le Nord et dans l’Ouest, la même diversité génétique témoigne d’une colonisation plus récente, qui s’est faite de manière contemporaine, mais par des types génétiques différents (Source : LNR, bulletin Echinote n° 3, avril 2014).
 

Dans les Ardennes françaises, la présence d’Echinococcus multilocularis est considérée comme « hyper-enzootique » : entre un renard sur trois et un sur deux sont infectés, selon la zone (34 % au total, 54 % dans le Sud-Est de la région étudiée). Comme la population de chats est importante – au moins au regard de la population de renards – et que l’infection naturelle du chat a déjà été décrite dans d’autres pays, des parasitologistes et épidémiologistes ont réalisé une enquête dans deux villages ardennais : Briquenay et Boult-aux-Bois.

Trois campagnes de prélèvements

Dans ces deux villages, il y a au total 142 chats domestiques ayant librement accès à l’extérieur : 61 chats “de maison” et 81 chats de fermes. Un parcours de 11 km dans et hors des villages et incluant les fermes isolées ainsi qu’un transect de 15 km (prenant en compte les prairies, les bordures boisées…) ont été définies. Au long de ces zones, trois campagnes de prélèvements ont été réalisées : les crottes de chats ont été collectées en juin-juillet 2011, puis novembre-décembre 2011 et enfin en mars 2012.

10 crottes positives en PCR

Au total, 321 crottes se sont révélées exploitables : 10 d’entre elles étaient positives pour une PCR spécifique du génome d’E. multilocularis. Ce qui représente une prévalence de 3,1 % (intervalle de confiance à 95 % : 1,5 à 5,7 %). Les 10 prélèvements positifs en PCR ont été examinés par flottation, mais aucun n’a permis de retrouver d’œufs du parasite. Dans tous les cas, la fréquence de la positivité était plus élevée au printemps et en été, par rapport à l’automne.

Chats sauvages

Par ailleurs, les intestins de tous les chats trouvés tués au bord des routes ont fait l’objet d’une recherche du parasite, entre février 2011 et mars 2014. Au total, cela a concerné 24 animaux, dont 5 chats sauvages (Felis silvestris silvestris). Si un chat de chaque espèce a été trouvé positif, la prévalence obtenue est cohérente avec le précédent résultat pour les chats domestiques (5 %). En revanche, la fréquence d’infection des chats sauvages est apparemment nettement supérieure (20 %). Mais la charge parasitaire était plus importante pour le chat domestique que pour le chat sauvage. Comme l’ont montré les résultats de quelques inoculations expérimentales au chat, les auteurs estiment qu’il est probable que « seule une faible proportion [des vers immatures] atteindront un stade final de développement, avec le potentiel de produire des œufs ».

Canidés prioritaires

Au final, le rôle épidémiologique du chat dans la transmission du parasite à l’Homme est probablement « insignifiant », même dans ces foyers hyper-enzootiques, mais « d’autres enquêtes sont nécessaires » pour clarifier ce rôle. Pour autant, « le risque zoonotique correspondant ne peut être totalement exclu, même s’il devrait être considéré comme très faible ». De fait, « les canidés [chiens et renards] devraient rester la priorité en termes de contrôle d’E. multilocularis ».

Expansion

Il reste qu’E. multilocularis est en expansion en Europe, et que la France ne fait pas exception. Une enquête sur renards de 2005 à 2010 avait déjà identifié 35 départements infectés, « dont 25 pour lesquels aucune donnée de présence antérieure n’existait ». C’est le cas pour la région parisienne, ou encore pour l’Ille-et-Vilaine. Dans une publication récente, le laboratoire national de référence proposait le scénario suivant. « À partir de l’Est, le parasite a d’abord colonisé la Lorraine, puis la Champagne-Ardenne, et finalement le Nord. En parallèle, une deuxième expansion contemporaine de la première s’est réalisée à partir de l’Est pour coloniser l’Ouest ». Les modèles mathématiques proposent une colonisation via l’expansion de la répartition des renards, à 3 km/an. Ainsi, la découverte des départements “nouvellement” infectés n’est que le reflet d’une absence de recherche antérieure : le parasite y était probablement déjà présent depuis « plusieurs décennies ».