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Elanco & Proplan

13 août 2020

Canicule : l'épuisement physique, cause plus fréquente (et aussi létale) de coup de chaleur que le confinement dans un véhicule

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Saisonnalité des coups de chaleur chez les chiens britanniques ayant consulté pour ce motif en 2016 (1 259 cas sur 905 543 dossiers médicaux), en fonction du facteur déclenchant de l'accident (d'après Hall et al., 2020).
Saisonnalité des coups de chaleur chez les chiens britanniques ayant consulté pour ce motif en 2016 (1 259 cas sur 905 543 dossiers médicaux), en fonction du facteur déclenchant de l'accident (d'après Hall et al., 2020).
 

L'analyse rétrospective de 905 000 dossiers médicaux de chiens britanniques révèle que les coups de chaleur sont plus souvent liés, en période de canicule, à de l'activité physique excessive qu'à un oubli de l'animal dans la voiture. Dans les deux cas, ces accidents relèvent de l'insuffisance de formation/information des maîtres, observent les épidémiologistes vétérinaires.

Surtout l'exercice

Le programme de partage de dossiers médicaux électroniques de plus de 900 000 chiens à travers le Royaume-Uni pour 2016, VetCompass, continue de fournir des résultats validés sur de grands chiffres. Profitant sans doute de la canicule de cette année-là, cliniciens et épidémiologistes se sont à nouveau focalisés sur les coups de chaleur (voir LeFil du 19 juin 2020), mais en recherchant cette fois les commémoratifs associés aux consultations correspondantes. Ces coups de chaleur sont surtout liés à un excès d'exercice : 74,2 % des 1 259 coups de chaleur documentés cette année-là (n=872 car dans près d'un tiers des cas – 380/ 1259 – le facteur déclenchant n'était pas renseigné). Alors que le « confinement dans la voiture » ne représente que 5,2 % des cas (il s'agit des cas survenus en stationnement comme en cours de voyage). En position intermédiaire viennent les « causes environnementales (12,9 %) » (le chien « était dehors lors de la survenue, mais pas en train d'effectuer une activité physique »). A noter que 4,6 % des coups de chaleur sont renseignés comme étant survenus pendant des soins (vétérinaires dans deux tiers des cas, toilettage dans le tiers restant)… Dans près de la moitié de ces cas (56 % chez le vétérinaire, 45 % chez les toiletteurs), il s'agit de brachycéphales…

Balade (à vélo)

Pour les coups de chaleur survenus en lien avec un exercice physique (n=652), la répartition était (sur les 551 accidents ayant une explication) : deux sur trois lors de promenade (67,5 %) et, dans des proportion à peu près comparables, après un effort intense « comme courir ou accompagner un déplacement à vélo » (17,6 %) ou encore jouer (13,8 %). Dans un nombre minime de cas (1,1 %), il s'agissait de compétitions. A une exception près, tous les facteurs déclenchants présentaient un taux de létalité comparable, au total pour cette cause (épuisement physique) à 7,6 % des cas. Lorsque le coup de chaleur était lié « à un confinement dans un bâtiment » (et non un véhicule), le risque de décès était 6 fois plus élevé que lors de l'exercice physique (p=0,001). Malgré tout, le coup de chaleur par exercice physique a tué plus de chiens en 2016 que ces confinements. La saisonnalité reste logique, avec un pic de cas (33,8 %) et un pic de mortalité (35,4 %) en juillet (voir le graphique principal). Toutefois, les cas liés à un confinement dans un véhicule et ceux liés à l'exercice physique ne surviennent qu'entre mars et septembre. Les auteurs n'observent pas de décès liés au confinement dans un véhicule après juillet. En revanche, la campagne annuelle « dogs die in hot cars » n'est lancée qu'en mai, alors que les décès commencent avant. Les auteurs recommandent donc d'avancer la date du lancement de cette campagne…

Race, âge, sexe

Pour les coups de chaleur liés à l'exercice physique, les auteurs ont réalisé une analyse statistique multivariée (limite les biais d'interprétation) et observent que quatre facteurs sont significativement associés à la survenue de ces accidents :

  • la race ; comme dans l'étude précédente, les race le plus à risque sont brachycéphales, avec en tête le Chow-Chow (sur-risque x 7 par rapport au Labrador retriever), bouledogues français et anglais (x 3,0 et 3,7, respectivement), Staffordshire bull-terrier (x 1,6), cavalier king Charles (x 1,7). Les lévriers et le springer anglais figurent aussi dans les race à sur-risque (x 1,9 et 2,1, respectivement). Ces sensibilités de race sont d'autant plus marquées qu'ensuite, les auteurs ont comparé les Labrador retriever aux croisés, et observent que les premiers présentent eux-aussi un sur-risque significatif (x 2,1) par rapport aux seconds… Enfin, la seule race qui n'avait pas été identifiée comme à risque dans l'étude précédente est le Staffordshire terrier, qui « paraît être spécifiquement à risque par épuisement physique ».
  • L'âge : les chiens de 8 ans et plus en sont protégés… là encore sans réelle surprise. Les auteurs ont pris les chiens de moins de deux ans en référence : par rapport à eux, les classes d'âge 2-4, 4-6 et 6-8 ans ne présentent pas un sur-risque significatif.
  • Le sexe de l'animal est également un facteur de risque d'épuisement physique. Par rapport à une femelle non stérilisée, tous les autres “sexes” (femelle stérilisée, mâle entier ou non) sont à risque significatif. Les mâles castrés sont les plus à risque (x 1,8), en lien avec le fait que le surpoids par rapport au standard de la race est également un facteur de risque significatif (x 1,3).

Brachycéphales confinés

Le même type d'analyse appliqué aux seuls cas associés à un confinement dans un véhicule n'identifie plus qu'un facteur de risque significatif : la race. Avec des niveaux de sur-risque nettement plus élevés que dans le cas précédent, mais seulement pour 5 races :  x 16,6 pour le bouledogue anglais, x 9,6 pour les lévriers, x 8,5 pour les cavalier king Charles, x 6,7 pour les bouledogues français et x 6,3 pour les carlins. A noter que lorsque les auteurs ne prennent en compte que la forme du crâne pour les races (brachycéphales vs. mésocéphales), le risque est triplé (x 3,1) pour les premiers par rapport aux seconds.

Prévention

Au bilan, « le coup de chaleur par épuisement physique représente la majorité des décès par coup de chaleur ayant une cause renseignée », même si, reconnaissent les auteurs, les chiens morts de coup de chaleur franchissent rarement le seuil des structures vétérinaires, ces chiffres étant ainsi sous-estimés. Les races particulièrement à risque étant identifiées, « il est essentiel dans les futures adaptations sociétales à l'évolution [attendue] des températures ambiantes de prendre des mesures appropriées de préservation des chiens de travail et d'assistance » au regard des coups de chaleur. Ils espèrent aussi que ces résultats « fourniront aux maîtres et aux vétérinaires des informations pouvant être utilisées pour identifier les chiens à risque et mettre en place une éducation à la prévention des coups de chaleur ».