titre_lefil
Elanco & Proplan

10 mars 2025

Diagnostic des dyspnées sévères du chat : passer à l'imagerie dès que possible

par Vincent Dedet

Temps de lecture  7 min

Une étude française sur 258 chats à dyspnée sévère à l'admission aux urgences montre que seul l'âge permet d'avoir une orientation préliminaire vers une origine, mais que le recours à l'imagerie est une nécessité (cliché DR).
Une étude française sur 258 chats à dyspnée sévère à l'admission aux urgences montre que seul l'âge permet d'avoir une orientation préliminaire vers une origine, mais que le recours à l'imagerie est une nécessité (cliché DR).
 

« Le but de cette étude était de déterminer la fréquence relative des causes de dyspnée sévère chez le chat et d'identifier des indicateurs cliniques pouvant guider la prise en charge immédiate ». Malheureusement, au terme d'une analyse rétrospective de 258 cas présentés aux urgences en 5 ans, ces cliniciens et urgentistes français (Oniris) constatent que « aucun élément clinique (température, fréquence cardiaque, auscultation cardiaque, etc.) n'a permis de prédire la cause de la dyspnée ». Ils soulignent donc l'importance de l'échographie, et de la radiologie quand l'état du chat le permet et proposent d'utiliser l'âge comme un indicateur empirique de l'origine de la dyspnée.

Étude rétrospective : sur 5 ans

Il y a quatre grandes causes de dyspnée sévère chez le chat : les origines respiratoire, cardiaque, traumatique ou néoplasique. Comme la plupart des cas arrivant aux urgences avec une telle dyspnée « ne présentent pas d'historique respiratoire permettant d'aiguiller le diagnostic » et donc la prise en charge du cas, connaître la fréquence relative de ces causes, et de leurs éventuelles spécificités symptomatologiques « permettrait aux cliniciens (…) de mettre en place un traitement probabiliste dans l'attente de tests diagnostiques complémentaires ». Une seule étude sur le sujet, britannique, avait identifié 65 % de causes cardiaques parmi les cas inclus, et en avait déduit un arbre décisionnel. Pour évaluer dans quelle mesure cet arbre serait applicable en France, les auteurs ont recherché tous les cas de dyspnée sévère admis aux urgences ou en soins intensifs à Oniris, entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022. Les critères d'inclusion étaient le fait d'être admis pour la première occurrence de dyspnée, d'avoir reçu une oxygénothérapie et d'avoir été jugé par le clinicien comme à risque de décès dans les 24 h suivant l'admission. Ils pouvaient avoir été référés, ou non.

Oxygénothérapie, puis imagerie

À l'admission, les chats ont reçu du butorphanol (0,2 à 0,4 mg/kg IM) et ont été placés en caisson d'oxygénothérapie jusqu'à ce que leur état permette des examens complémentaires, dont l'échographie (POCUS : point of care ultrasound) cardiaque ou thoracique, et/ou la radiographie. Ils soulignent que l'échographie « est devenue un test de routine en médecine d'urgence ». L'examen échographique permet d'identifier les dyspnées d'origine cardiaque (cardiomyopathie, maladie congénitale, maladie valvulaire, endocardite, myocardite ou effusion péricardique). Les origines traumatiques sont liées à l'anamnèse ou à la présence de lésions évocatrices. Les néoplasies dont liées à l'identification d'une masse thoracique ou d'une effusion pleurale cancéreuse. Les origines respiratoires sont celles ne rentrant dans aucune des précédentes catégories (et comprennent aussi les abcès pulmonaires).

Origine : proportions comparables

Sur les 312 chats inclus dans l'étude, une origine a été identifiée pour 83 % d'entre eux (258 cas). En excluant les chats dont l'origine de la dyspnée n'a pas pu être identifiée (faute d'investigation), les auteurs relèvent qu'une radiographie thoracique a pu être réalisée pour 84 % des cas, une échographie thoracique pour 42 % et une échocardiographie pour 17 %. Les proportions de chaque origine étaient « grossièrement semblables » : un tiers (33 %) étaient d'origine respiratoire, un quart (25 %) d'origine cardiaque et un cinquième d'origine traumatique (21 %) ou néoplasique (21 %). Les auteurs soulignent que la proportion de “cardiaques” est ici nettement plus faible que dans l'étude britannique de 2018 (65 %, p<0,0001). Ce qui « suggère que l'algorithme de triage proposé par l'étude britannique et reposant sur la température rectale, la présence d'un son de galop et les fréquences cardiaque et respiratoire, n'aurait pas été applicable à [la présente] population de chats ».

Différence d'âge

Ils n'identifient pas de ségrégation des catégories pour des signes cliniques particuliers, même si l'hypothermie est significativement plus fréquente chez les “cardiaques” (82 %). En parallèle, l'hyperthermie se révèle « un indicateur d'infection ni sensible, ni spécifique ». En revanche, l'âge des 238 cas (qui s'étendait de quelques mois à 19 ans) avait une valeur médiane présentant une différence significative entre les catégories d'origine de la dyspnée : celle des “traumatisme” était de 2 ans, celle des “respiratoire” était de 6 ans et les “cardiaques” et “néoplasies” avaient 11 et 11,7 ans d'âge médian, respectivement. À noter toutefois que 6 des 10 chats à lymphome médiastinal avaient moins d'un an. Les “traumatismes” étaient significativement plus jeunes que les autres catégories (p<0,001 pour chaque autre catégorie). Les “respiratoires” étaient significativement plus âgés que les “traumatismes (p<0,001) et que les “cardiaques” et les “néoplasies” (p<0,001 pour chaque autre catégorie). Ainsi, « l'âge semble être le paramètre le plus déterminant pour prédire l'origine de la dyspnée chez les chats ».

Rechercher un épanchement pleural

Une effusion pleurale était présente chez 39 % des chats à dyspnée sévère, bien que seuls 43 % de ces cas présentaient une respiration paradoxale (discordance). Les auteurs soulignent que, face à de telles dyspnées sévères « la détection de l'épanchement pleural est une priorité, car la thoracentèse apporte un soulagement significatif » et permet l'exploration de l'origine de l'effusion. Dans le cas présent, la cytologie et le statut PIF des animaux ont permis de les classer en : origine cardiaque (38 %), pyothorax (26 %), néoplasie (23 %), traumatisme (9 %) et PIF (4 %). Les auteurs soulignent aussi que 38 % des chats présentant une discordance ne présentaient « ni hernie diaphragmatique, ni épanchement pleural ou pneumothorax traumatique, suggérant l'absence d'altération mécanique confirmée de la fonction diaphragmatique » malgré ce signe. L'une des raisons évoquées est la « difficulté à distinguer respiration discordante d'une rétraction costale ou d'un effort abdominal prononcé ».

Quelques spécificités

Aux plans clinique et épidémiologique :

- le groupe des chats à dyspnée sévère d'origine respiratoire était dominé par les pyothorax (31 %) et l'asthme (25 %). Seul un tiers des chats à pyothorax était en hyperthermie, et 50 % en hypothermie. Dans ce groupe, la proportion de mâles était significativement supérieure à celle de femelles (65 vs. 35 %, p=0,006) ;

- pour le groupe de chats à dyspnée sévère d'origine cardiaque, deux tiers ont été diagnostiqués à partir de l'échographie et un tiers de la radiologie. Plus de deux chats sur trois (67 %) présentaient un œdème pulmonaire et 62 % avaient une effusion pleurale (30 % des chats présentaient les deux affections). Dans ce groupe aussi, la proportion de mâles était significativement supérieure à celle de femelles (63 vs. 37 %, p=0,046) ;

- pour le groupe de chats à dyspnée sévère d'origine traumatique, la hernie diaphragmatique était l'affection dominante (28 %), devant les contusions pulmonaires (24 %) et le pneumothorax (22 %). La mortalité de cette catégorie était élevée (44 %) en lien avec 42 % de décès pour les cas de pneumothorax. L'explication est que le pneumothorax est souvent associé à d'autres blessures représentant des soins coûteux (45 % des pneumothorax ayant été euthanasiés) ;

- pour le groupe de chats à dyspnée sévère d'origine néoplasique, la nature de la tumeur a été recherchée (et identifiée) dans 69 % des cas : lymphome médiastinal et métastases pulmonaires représentent plus de la moitié des cas (27 % chacun), devant les carcinomes pulmonaires et les lymphomes multicentriques (14 % chacun). Ce groupe était aussi celui comprenant la plus faible proportion de chats à dyspnée aiguë (p=0,037 par rapport aux cas d'origine respiratoire et p<0,001 pour les deux autres catégories). Logiquement, c'est aussi le groupe qui présentait la plus forte proportion de dyspnées durant plus de 7 jours après l'admission.

Au total, 44 % des chats dyspnéiques sont morts. Les cas “néoplasie” avaient un taux de survie significativement plus faible que tous les autres groupes (p < 0,001), cette catégorie atteignant 90 % des décès par euthanasie. Ce sont les cas “respiratoire” qui avaient le taux de survie le plus élevé (70 %), juste devant les “cardiaque” (63 %) et les “traumatisme”. Au final, une approche empirique peut être suggérée :

- « les jeunes chats, âgés d'environ 2 ans, présentant une dyspnée étaient plus susceptibles d'avoir subi un traumatisme. 

- En l'absence de traumatisme, les chats plus jeunes (environ 6 ans) étaient plus susceptibles de présenter une dyspnée d'origine respiratoire.

- Les chats plus âgés (environ 11 ans) étaient plus susceptibles de présenter une dyspnée résultant d'affections cardiaques ou néoplasiques. (…) Les chats souffrant de dyspnée d'origine cardiaque étaient plus souvent hypothermiques que ceux souffrant de dyspnée d'origine néoplasique »