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Elanco & Proplan

6 novembre 2024

Abandons de chiens et chats : une étude américaine pointe les motifs comportementaux

par Jeanne Platz

Temps de lecture  5 min

En France, la SPA a recensé en 2023 44 844 animaux abandonnés ou maltraités : 28 652 chats, 13 124 chiens et 3 068 Nouveaux Animaux de Compagnie, équidés et animaux de ferme. Mais les motifs d'abandon n'ont pas été clairement étudiés, à la différence d'une robuste étude américaine portant sur 6 ans (dont la période pandémique). Cliché : Px Here.
En France, la SPA a recensé en 2023 44 844 animaux abandonnés ou maltraités : 28 652 chats, 13 124 chiens et 3 068 Nouveaux Animaux de Compagnie, équidés et animaux de ferme. Mais les motifs d'abandon n'ont pas été clairement étudiés, à la différence d'une robuste étude américaine portant sur 6 ans (dont la période pandémique). Cliché : Px Here.
 

Plus de 20 000 abandons par an pour un millions d'habitants… Pour réaliser cette étude rétrospective des motifs d'abandon, les dossiers des propriétaires ont été obtenus auprès de la Humane Society of the Pikes Peak Region (HSPPR), un refuge à admission ouverte avec deux sites desservant deux zones métropolitaines du Colorado (États-Unis) rassemblant près d'un million d'habitants.

Le comportement comme premier facteur d'abandon

Une moyenne de 3 109 chiens et 3 357 chats sont entrés aux refuges chaque année entre 2018 et 2023. Ces animaux étaient recueillis à la suite d'abandons par les propriétaires, de récupérations d'animaux errants, d'actions d'application de la loi sur les animaux et de transferts depuis d'autres refuges. Mais les chiens et les chats ne sont pas les seules espèces abandonnées, et les deux refuges ont réceptionné au total entre 20 000 et 30 000 animaux chaque année, toutes espèces confondues. Les auteurs ne pouvant se pencher sur la totalité des dossiers, ils ont tiré au sort 400 abandons par an, pour analyser les principaux motifs d'abandons. Un seul motif était retenu pour chaque abandon, pour des soucis de simplification et praticité : le premier évoqué dans le discours du propriétaire. Cette approche peut négliger un certain niveau de complexité dans les raisons de l'abandon fournies par les propriétaires, mais fournit tout de même des informations pertinentes, relèvent les auteurs. Ils sont parvenus à mettre en évidence des similitudes dans les raisons d'abandon des chats et des chiens : les problèmes de comportement sont la raison principale d'abandon pour chacune des deux espèces. L'incapacité à s'occuper de l'animal, et le logement ou le déménagement sont également des raisons fréquentes dans les deux espèces. Néanmoins, il existe des différences : pour les chats, le motif « trop d'animaux de compagnie » est plus fréquent, tandis que les problèmes de comportement sont plus fréquents pour les chiens. L'examen des comportements spécifiques a révélé plusieurs autres différences notables, notamment la malpropreté, qui est plus fréquente pour les chats, à comparer à l'agressivité, qui est plus fréquente pour les chiens (voir la figure ci-dessous).

Le critère d'abandon prédominant était le comportement pour les chiens comme pour les chats. Il a ensuite été divisé en 10 catégories distinctes, afin de préciser quelles attitudes spécifiques étaient responsables de l'abandon. Précision : la catégorie “conflit social” représente l'incompatibilité entre l'animal et les autres animaux du foyer (Michael et coll., 2024).

 

Une distinction dans les motifs entre “abandon” et “retour”

Les raisons de l'abandon étaient différentes entre les animaux abandonnés au refuge pour la première fois et les animaux abandonnés plus d'une fois, ce que les auteurs désignent comme des “retours”. Les animaux retournés étaient associés à une proportion plus élevée de rapports sur les problèmes de comportement (22 % en premier, 59 % en retour). En examinant de plus près les problèmes de comportement spécifiques, seule une différence pour la raison citée porte sur la malpropreté (17 % en premier, 6 % en retour). Dans l'ensemble, ces résultats sont cohérents avec l'idée selon laquelle les problèmes de comportement sont une raison plus courante d'abandon de retour. La plupart des autres raisons de retour étaient proportionnellement réduites en fréquence par rapport au premier abandon.

Post Covid : montée de l'incapacité à s'occuper de l'animal

Post-pandémie, le motif d'abandon “incapacité à s'occuper de l'animal” a augmenté de manière significative : 19 % en 2022, 20 % en 2023 contre 11 % en 2019. Cette catégorie aurait mérité d'être détaillée en sous-catégories, comme les auteurs l'ont fait pour le comportement. Le thème sous-jacent commun des abandons pour ce motif est généralement lié à la situation d'un propriétaire, qui n'a pas assez de temps ou d'énergie pour s'occuper d'un animal. Le retour sur le lieu de travail peut être une explication, par exemple en diminuant le temps que les propriétaires pouvaient consacrer à leurs animaux (trajets). De plus, le travail émotionnel associé au retour au travail a pu réduire l'énergie des propriétaires, et avoir impact négatif sur leur capacité à s'occuper de leurs animaux. Les auteurs n'ont pas mis en évidence de différence significative dans le nombre d'abandons pour raisons comportementales après le Covid, en lien probable avec le nombre relativement faible de cas par année (115 à 142). D'après l'observation des distributions à l'intérieur de la catégorie “comportement”, l'agressivité et les conflits sociaux étaient systématiquement les raisons les plus citées, suivies de la malpropreté et de l'excès d'énergie. Enfin, les perturbations sociétales associées à la pandémie et aux conditions économiques récentes ne semblent pas avoir conduit à un changement mesurable dans la proportion relative des abandons d'animaux pour des raisons de logement et financières entre 2018 et 2023. Néanmoins, ces difficultés demeurent des obstacles importants à l'entretien des animaux de compagnie pour de nombreuses personnes. 

Éducation et prise en charge comportementale pour enrayer les abandons

Les chats ont été abandonnés plus souvent pour leur malpropreté, et les chiens pour des comportements de fuite (fugue), de destructions et d'anxiété. Ces tendances sont globalement cohérentes avec les plaintes des propriétaires concernant le comportement de leurs animaux de compagnie, reposant sur des enquêtes menées auprès des propriétaires et des vétérinaires. Une meilleure prise en charge de ces problèmes lors des consultations vétérinaires pourrait être une piste pour limiter les abandons. L'éducation et les conseils pré-adoption concernant le nombre d'animaux dans le foyer sont également à favoriser. La raison “trop d'animaux” a été citée beaucoup plus souvent pour les cessions de chats (16 %) que pour les cessions de chiens (4 %), ce qui est cohérent avec l'observation selon laquelle les propriétaires de chats ont tendance à garder plus d'animaux de compagnie, en moyenne, que les propriétaires de chiens. De plus, le nombre de portées de chatons dans les ménages américains a toujours été le double de celui des portées de chiots. Les problèmes de comportement étaient considérablement et significativement plus fréquemment signalés pour les retours (réadmissions, réabandons), représentant près de 60 % des animaux retournés au refuge après avoir été adoptés. Ce résultat suggère que les programmes de gestion des problèmes comportementaux en refuge, l'assistance comportementale post-adoption ou la prolongation des séjours en famille d'accueil pourraient être des solutions utiles pour réduire les taux de retour.

Des pistes à creuser

Les futures études sur les raisons de l'abandon des animaux pourraient impliquer le développement de sous-catégories du motif “incapacité à s'en occuper”, qui représente 16% des abandons. De telles extensions de cette recherche pourraient s'avérer utiles pour identifier des interventions et des soutiens potentiels pour les propriétaires et leurs animaux de compagnie. La saisonnalité des abandons pourrait également être étudiée, afin de corroborer ou non la question des abandons avant les congés d'été. Cela permettrait de trancher s'il est plus pertinent de mettre l'accent sur le “pet friendly” (accueil des animaux dans les locations de tourisme et en ville), sur l'accompagnement des propriétaires face aux troubles comportementaux, ou encore sur la prévention, par rapport à la spécificité des comportements et besoins de certaines races avant achat (malinois, bergers australien, American Staffordshire terriers…), comme le conseille, en France, la SPA.