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Elanco & Proplan

30 août 2024

Intoxication au raisin chez le chien : les zones d'ombre sont nombreuses

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

La toxicité du raisin chez le chien est une découverte relativement récente, expliquant le manque de connaissances à son sujet (cliché Pixabay).
La toxicité du raisin chez le chien est une découverte relativement récente, expliquant le manque de connaissances à son sujet (cliché Pixabay).
 

Le raisin fait partie des fruits de saison. Sa toxicité chez le chien est désormais connue, mais sans préciser le composant toxique – peut-être l'acide tartrique – ni la dose toxique (volume ingéré), ni disposer de consensus sur sa prise en charge. Et de fait, une revue de la littérature a permis de décrire les signes cliniques associés, mais sans pouvoir dégager de ligne de conduite particulière en matière de traitement.

Une problématique « récente »

Cette revue a été effectuée par des universitaires britanniques (école vétérinaire de Nottingham), dans l'objectif d'améliorer les connaissances et d'établir des bonnes pratiques de prise en charge, basées sur les connaissances scientifiques actuelles (evidence-based medicine). Leur analyse, sur les 24 publications finalement retenues, est publiée en libre accès dans Veterinary Record.

Ces publications datent de 2001 à 2022, et relatent en majorité des études descriptives (rapport de cas, séries de cas), ce qui reflète que la découverte de la toxicité du raisin chez les chiens est relativement récente. Les études observationnelles (étude de cohorte, versus cas témoins…) sont toutefois plus fréquentes ces dernières années, affinant progressivement les connaissances de la maladie, notamment les facteurs de risque.

La question de la toxicité reste entière

La première interrogation des auteurs portait sur l'importance du type de raisin ingéré : fruit frais, fruit sec, marc de raisin, aliment contenant le fruit… Les résultats montrent que lorsque spécifié, le type d'aliment en cause est variable, avec le plus souvent toutefois des raisons secs (40 % des cas rapportés) ou en grappe (37 %).

Dans les études observationnelles, le type de raisin n'a pas été intégré parmi les variables examinées, ce qui ne permet pas d'établir si la toxicité y est liée, notamment de vérifier si le fruit sec est significativement plus toxique que le fruit frais, comme suggéré dans une étude.

Le risque d'insuffisance rénale est à préciser

Le second point évalué portait sur les aspects cliniques. Ainsi, la consommation de raisin reste très souvent asymptomatique (évaluée à 74 % ici). Mais lorsque l'intoxication a des répercussions cliniques, celles-ci peuvent être graves : 16 % des chiens ont ainsi développé une insuffisance rénale aiguë (IRA, la proportion atteignant 20 % en incluant les 2 études portant spécifiquement sur ces cas). L'incidence de l'IRA est toutefois très variable selon les études, et semble être revue à la baisse dans les travaux les plus récents, ce qui reflèterait, selon les auteurs, une meilleure prévention dans la prise en charge des cas, ou une meilleure évaluation du risque dans les études observationelles.

Les signes cliniques le plus souvent observés restent des vomissements, une diarrhée, une léthargie, mais aussi des signes neurologiques (tremblements, ataxie, convulsions) et hématologiques, en lien avec de probables troubles de l'hémostase (traduits par un méléna, une hématochézie, des pétéchies par exemple). La cause de ces derniers est méconnue car ils peuvent résulter directement d'un mécanisme toxique ou être secondaires à l'IRA.

Les signes neurologiques peuvent dominer dans le tableau clinique initial, compliquant ainsi le diagnostic différentiel et retardant l'hypothèse d'une intoxication au raisin. Ils sont généralement sans séquelles chez les chiens survivants.

Pas de protocole de traitement consensuel

Enfin, concernant la prise en charge thérapeutique, les auteurs observent la constance de la gamme des traitements symptomatiques entrepris : fluidothérapie, diurétiques, antiémétiques et protecteurs gastriques. Mais leur efficacité n'a pas été établie, en particulier pour prévenir le développement d'une IRA. Plusieurs rapports de cas décrivent les effets délétères d'une fluidothérapie agressive lors d'atteinte de la fonction rénale, avec notamment l'apparition d'œdèmes tissulaires.

L'intérêt du charbon activé se heurte à la méconnaissance des mécanismes toxiques en cause. Les multiples complications associées à son usage sont à prendre en considération.

Point notable, la vidange gastrique apparaît lente, la présence de raisin dans les vomissures étant observée jusqu'à 12h après ingestion. Cela pourrait justifier d'évaluer l'intérêt de recourir à des émétiques plusieurs heures après la consommation. Il s'agit là de l'un des (nombreux) sujets d'études à envisager, selon les auteurs, afin de proposer un protocole efficace de décontamination suite à l'ingestion.

Le taux de survie est élevé (évalué à 94 %), les chiens décédés l'étant le plus souvent par euthanasie, probablement en raison d'une évolution clinique défavorable.