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Elanco & Proplan

30 juillet 2024

H5N1 en élevages laitiers aux USA : toujours plus de cas et un lancement timide du dépistage systématique

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Nombre de troupeaux de vaches laitières infectés par le virus H5N1 aux USA détectés depuis le 25 mars et jusqu'au 25 juillet (USDA, 2024).
Nombre de troupeaux de vaches laitières infectés par le virus H5N1 aux USA détectés depuis le 25 mars et jusqu'au 25 juillet (USDA, 2024).
 

Avec plus de 15 foyers détectés sur le mois de juillet, le Colorado est à présent l'État des USA qui recense le plus de foyers d'infection de vaches laitières par le virus H5N1, dit B3.13. Au 25 juillet, l'USDA recensait un total de 171 foyers, dans 13 États, dont 51 pour le seul Colorado (voir l'illustration principale). Cet État est aussi celui où le plus grand nombre de personnes ont été infectées par le virus H5N1, mais cette fois-ci sans lien direct avec les vaches : 9 personnes ont été infectées à l'occasion du dépeuplement de deux exploitations de poules pondeuses (6 dans un foyer de 1,1 million de têtes et 3 dans un foyer de 330 000 têtes). Il y a toutefois aussi 1 des 4 cas humains détectés aux USA comme étant lié à une exposition à des vaches infectées qui a été identifié au Colorado.

Génome viral sur lait de tank

Ceci a conduit cet État, le premier et pour l'instant le seul, à imposer un dépistage hebdomadaire sur lait de tank à tous ses élevage bovins laitiers, depuis le 22 juillet. Toute exploitation « fournissant un résultat non négatif » en RT-PCR devra être placée sous surveillance et les exploitants auront obligation de participer à l'enquête épidémiologique qui en découlera. Le prélèvement et l'analyse ne sont pas à la charge des exploitants. Un article d'information scientifique publié dans Science fin juillet précisait qu'il s'agit d'une décision de la cheffe des services vétérinaires du Colorado qui a été entérinée par son ministre de l'Agriculture.

Deux semaines d'avance

Dans cette interview, la Dre Maggie Baldwin précise : « nous savions, grâce à un chercheur qui effectuait une série d'analyses de lait de tank, que le virus était détectable jusqu'à deux semaines avant que les exploitations ne constatent une augmentation significative des signes cliniques dans le troupeau ». Elle souligne que dans certains des foyers du Colorado, jusque 30 % de l'effectif a été infecté et ils n'ont pas assez de place en infirmerie. Ce qui, selon elle, convainc les éleveurs de se plier à ce dépistage, c'est le témoignage des éleveurs dont le cheptel a été infecté. Elle indique aussi que pour l'État du Colorado, tous le cas d'infection par le H5N1 qui sont détectés, quelle que soit l'espèce hôte, sont à déclaration obligatoire. Elle précise également que « certains des [foyers en élevages avicoles] ont probablement été infectés par des élevages de vaches laitière voisins » et elle considère que c'est une donnée ferme pour certains cas.

Prélèvements au sol et dans la griffe

Une autre étude publiée sur la seconde quinzaine de juillet a été réalisée dans un élevage infecté par des virologistes vétérinaires de l'université du Kansas, qui ont effectué des prélèvements dans une exploitation infectée de leur État. Les prélèvements ont été réalisés :

  • sur le sol de l'aire bétonnée d'attente avant (n=2) et « juste avant » (n=1) la salle de traite,
  • sur un rainurage du béton dans la salle du tank à lait (n=1),
  • sur une paroi de plastique à l'intérieur de la griffe (n=3),
  • sur le caoutchouc au sol dans la salle de traite pendant la traite de vaches visiblement malades (n=3),
  • et sur ce même caoutchouc mais pour une « vache présentant une modification visible du lait » (n=1).

Ces prélèvements ont été soumis à une recherche du génome viral (qRT-PCR) d'une part, et à une tentative d'isolement viral (sur œufs embryonnés), d'autre part.

Résultats de l'isolement viral (H5N1) sur les 11 prélèvements réalisés dans un élevage infecté du Kansas, en charge virale (Singh et oll., 2024).

 

Du virus infectieux sous les vaches

Dix des 11 prélèvements réalisé sur les sols étaient positifs en qRT-PCR (Ct de 34 à 33), avec un résultat négatif sur l'un des prélèvements dans l'aire d'attente (béton). Sans surprise les charges génomiques les plus élevées étaient celles des prélèvements effectués sur les caoutchoucs (juste en dessous des pis des vaches). Par séquençage partiel, les auteurs ont validé que toutes les séquences étaient semblables, indiquant qu'il s'agit très probablement de la même souche (5 souches testées). Pour l'isolement viral qui, lorsqu'il est positif, témoigne de la présence de virus infectieux, il a échoué pour tous les prélèvements effectués sur le béton. En revanche, un des trois prélèvements sur le plastique et les quatre prélèvements sur le caoutchouc ont fourni du virus infectieux. Les auteurs estiment que ces résultats indiquent « l'intérêt des prélèvements environnementaux dans la surveillance » de l'infection. Ils confirment aussi que le transport des vaches en lactation infectées est source de contamination environnementale, d'autant que le génome viral peut être détecté dans le lait deux semaines avant la suspicion clinique à l'échelle d'un même élevage.