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Elanco & Proplan

20 septembre 2024

Rincer le cathéter IV tous les jours, même si l'animal est perfusé

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

Dans cette étude, les auteurs relèvent la faible proportion de vétérinaires portant des gants pour poser un cathéter intraveineux, mais surtout l'absence d'un lavage des mains préalable systématique (cliché Youtube).
Dans cette étude, les auteurs relèvent la faible proportion de vétérinaires portant des gants pour poser un cathéter intraveineux, mais surtout l'absence d'un lavage des mains préalable systématique (cliché Youtube).
 

En médecine humaine, le taux de complications associé au cathétérisme intraveineux est estimé entre 20 et 40 %. Et ce n'est pas différent en médecine vétérinaire, selon les résultats d'une large étude menée chez le chien et le chat, et publiée en libre accès dans JSAP.

Objectif : établir de bonnes pratiques

Chez la plupart – pour ne pas dire la totalité – des chiens et chats hospitalisés, au moins une journée, un cathéter intraveineux est posé et reste à demeure jusqu'à leur sortie. La survenue de complications peut altérer le pronostic et le bien-être de l'animal, augmenter les coûts de traitement, retarder la guérison… Cette étude britannique avait donc pour but de décrire la mise en place du cathéter, recenser les cas de complications, et surtout en identifier les facteurs de risque.

Car de bonnes pratiques à suivre font actuellement défaut en médecine vétérinaire, alors que leur mise en place en humaine a réduit la fréquence des complications. Les auteurs anticipaient que des facteurs liés à l'animal (son comportement par exemple), à la technique de pose (veine choisie, mesures d'hygiène…), à l'opérateur (expérimenté ou non), au médicament administré (plus ou moins irritant) ou à l'entretien (rythme de rinçage en particulier) influencent le risque de complications.

Étude multicentrique sur 382 animaux

Leur étude, prospective, s'est déroulée sur un an (2022). Elle a impliqué 19 établissements, cliniques de première intention ou, surtout, centres de référés, et a porté sur 382 animaux chez lesquels un cathéter intraveineux était placé pour une durée estimée de plus de 24 heures. L'objectif était ainsi d'étudier les techniques de pose pour des cathéters durables, posés, fixés et protégés différemment de ceux destinés à quelques heures seulement. De même étaient écartés les cas particuliers où l'animal était déplacé (dans une autre clinique) ou traité par chimiothérapie, avec des risques spécifiques de complications.

Chaque établissement a transmis ses cas durant 3 semaines, réparties sur l'année d'étude. La cohorte étudiée comprend ainsi 325 chiens et 57 chats, de divers âges, races, sexes, et hospitalisés pour diverses affections, urgentes ou non.

Des techniques variables

Sans surprise, le cathéter est utilisé pour une fluidothérapie, l'administration de médicaments plus spécifiques (analgésiques, antibiotiques, antiémétiques…), et/ou des anesthésiques/sédatifs.

Les techniques de poses sont variées, notamment en termes de mesures d'hygiène. Le lavage préalable des mains, par exemple, est effectué à 58 %, plus souvent par les étudiants ou les nurses que par les vétérinaires. Seuls 17 % des opérateurs mettent des gants (non stériles).

Dans plus de 8 cas sur 10, le cathéter est placé du premier coup. Dans près de 3 % des cas, la troisième tentative seulement, voire plus, est la bonne.

Rinçage régulier mais à intervalles variables

Dans certains cas, le cathéter est finalement resté en place moins de 24 heures (24 % des chiens et 16 % des chats de l'étude). Sinon, il est resté le plus souvent moins de 48 heures (39 % des chiens et 35 % des chats), souvent aussi jusqu'à 72 heures (21 % et 19 %), et plus longtemps dans les autres cas (en particulier pour 28 % des chats).

La fréquence de rinçage du cathéter est généralement fixe, mais, variable selon les cliniques : toutes les 4 heures à 52 %, toutes les 6 heures à 22 % et toutes les 12 heures à 22 %. Dans les autres cas, le cathéter est rincé « lorsque nécessaire », ou après usage (administration du traitement intraveineux).

Le plus souvent, du NaCl à 0,9 % est utilisé pour le rinçage (79 % des cas), éventuellement avec de l'héparine (6 %), et sinon du lactate de sodium (2,6 %).

Dans 66 % des cas chez les chiens sous fluidothérapie, et 53 % chez les chats, le cathéter est rincé régulièrement quand même.

Œdème, phlébite et arrachement

Dans cette étude, le taux de complications global atteint 27 % (102/382), sans différence significative entre les cliniques. Bien que conforme à d'autres études, humaines ou vétérinaires, cette proportion élevée est jugée préoccupante.

Ces complications sont survenues alors que le cathéter était en place, aboutissant à un retrait prématuré (chez 21 % des chiens et 16 % des chats), ou au moment du retrait prévu (chez 6 % des chiens et 10 % des chats).

Les deux complications les plus fréquentes sont les suivantes :

  • Œdème ou phlébite, rapporté chez 11 % des chiens et 14 % des chats ;
  • Retrait accidentel du cathéter (par l'animal), survenu chez 8 % des chiens et 7 % des chats).

Le cathéter qui se bouche (chez 11 chiens et 2 chats) ou un pansement sali (13 chiens et 1 chat) sont plus rares. Les cas de phlébite sont généralement de faible gravité, probablement détectés précocement chez l'animal hospitalisé. Aucun cas de contamination du cathéter ou d'infection locale n'a été rapporté.

Seulement 4 facteurs de risque identifiés

Les auteurs ont récolté en détail pour chaque cas le contexte de la pose du cathéter (urgence ou non, comportement de l'animal…), la technique de mise en place (préparation, pose et fixation, personnel impliqué, matériel utilisé…), son entretien et la durée avant retrait, les traitements administrés. Parmi les (nombreux) paramètres explorés, et contrairement à leurs hypothèses, seulement 4 sont significativement associés à la survenue de complications dans l'analyse univariée, et le restent dans l'analyse multivariée :

  • Le nombre de tentatives nécessaires pour placer le cathéter, s'y prendre à plusieurs fois étant plus à risque ;
  • Le remplacement du cathéter, le second ou ultérieur devenant plus à risque ;
  • La fréquence des rinçages, avec un risque qui tend à augmenter si toutes les 12-24 heures, et qui est multiplié par 7 au-delà, par comparaison à un rinçage toutes les 1-4 heures ;
  • La solution de rinçage utilisée, le lactate de sodium se révélant fortement plus à risque que le NaCl.

Conformément à d'autres études, le risque de complications, notamment de phlébite, n'est pas associé à la taille du cathéter ni au médicament injecté.

Des pistes de progrès

Il ressort de ces observations que la formation et l'entraînement des vétérinaires, et des nurses ici, à la pose de cathéter, ainsi que le développement de matériel facile à poser permettraient d'améliorer le taux de réussite du premier coup, et ainsi de réduire le risque de complication.

Rincer le cathéter au moins une fois par jour, même lors de fluidothérapie et pas seulement après l'administration d'un traitement pourrait également être bénéfique, comme montré en médecine humaine. Les auteurs le recommandent. À l'inverse, ils déconseillent l'utilisation de lactate de sodium pour le rinçage.

D'autres données seraient intéressantes à obtenir afin de proposer des recommandations en termes de fréquence de surveillance du dispositif, et de remplacement. Les raisons pour lesquelles le second cathéter posé est associé à un plus grand risque de complications (durée d'hospitalisation ? état de santé de l'animal ? technique de pose ?) sont actuellement méconnues et mériteraient d'être recherchées. Les auteurs regrettent de ne pas avoir inclus dans leur questionnaire, déjà long, la durée totale d'hospitalisation des animaux, ainsi que les modalités de surveillance et de protection du dispositif (bandage).

Bien que non identifié comme un facteur de risque ici, ils constatent que le lavage des mains avant la pose (et ensuite pour la manipulation du dispositif, ce qui n'était pas évalué ici), n'est pas systématique, et représente donc un point de progrès !

Les auteurs se proposent enfin de mener de nouvelles études afin d'évaluer le bénéfice de procédures standardisées.