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Elanco & Proplan

15 février 2021

Chats : du pain (de viande) et des jeux… pour moins de prédation ?

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Comparaison des effets de 6 interventions sur le comportement de prédation des chats, enregistré scrupuleusement par les maîtres pendant trois mois au printemps 2019. L'effet est calculé en ratio avec son intervalle de confiance à 95 %, par rapport à la période avant l'intervention et au groupe témoin. Les effets statistiquement significatifs sont signalés par une astérisque. (Cecchetti et coll., 2021).
Comparaison des effets de 6 interventions sur le comportement de prédation des chats, enregistré scrupuleusement par les maîtres pendant trois mois au printemps 2019. L'effet est calculé en ratio avec son intervalle de confiance à 95 %, par rapport à la période avant l'intervention et au groupe témoin. Les effets statistiquement significatifs sont signalés par une astérisque. (Cecchetti et coll., 2021).
 

Un régime alimentaire particulièrement riche en protéines, mais aussi une incitation quotidienne à jouer, semblent réduire significativement le comportement de prédation des chats domestiques, selon une étude réalisée par des comportementalistes de l'université d'Exeter (Royaume-Uni). Elle montre aussi que le grelot est sans effet sur le nombre de proies ramené.

Trois mois d'étude

Les participants à l'étude ont été recrutés par divers moyens, à la fois des affiches mais aussi via les réseaux sociaux ou la radio. Les maîtres devaient s'engager à remplir un questionnaire détaillé sur leur(s) chat(s), leur domicile, l'habitat de l'animal et son environnement extérieur. Ils s'engageaient aussi à noter de manière systématique pendant 3 mois toutes les proies ramenées par l'animal (les chatons de moins de 6 mois étaient exclus), mais n'étaient inclus que les chats pour lesquels le maîtres étaient capables d'indiquer qu'ils avaient une activité de prédation (pas de claustration). L'essai a eu lieu entre le 20 mars et le 21 juin 2019 : dès son début, les maîtres devaient retirer tout dispositif destiné à limiter la prédation (grelot, collier BirdBesafe°…) et enregistrer les proies ramenées pendant les 7 semaines suivantes (période pré-intervention). Suivait une semaine « de transition » pendant laquelle l'intervention était installée.

Six groupes

Les 219 foyers (tous dans le sud-ouest de l'Angleterre) ayant participé à la totalité de l'étude ont renseigné les tableaux de chasse de 355 chats. Ceux-ci avaient été répartis en 6 groupes, par tirage au sort pour l'une des interventions prévues (elles étaient choisies comme réalisables et non invasives) :

  • un grelot monté sur un collier à boucle de sécurité,
  • un collier en tissu BirdsBeSafe° monté sur le même modèle de collier à boucle de sécurité,
  • un régime alimentaire (fourni par les chercheurs) du commerce, humide, riche en protéines animales (« principalement issues de viandes ») et sans céréales,
  • un régime alimentaire (fourni par les chercheurs) du commerce, en sec, et distribué dans une balle à nourriture,
  • une séquence quotidienne de 5 minutes de jeu minimum, avec une canne à pêche/souris et une souris en plume (également fournies par les chercheurs),
  • aucun changement dans les habitudes.

Sur les 5 semaines suivantes, l'intervention était maintenue, et les proies ramenée, enregistrées de manière aussi systématique que possible (saisie régulière sur une interface en ligne).

Marche, marche pas

Les auteurs ont analysé le nombre total de proies, celui de mammifères et celui d'oiseaux, et ont construit un modèle statistique permettant de calculer l'effet de chaque intervention au regard de la période pré-intervention d'une part, et du groupe témoin d'autre part. Il y a ainsi (voir l'image principale) :

  • Les intervention qui réduisent significativement ne nombre de proies ramenées par chat : l'aliment humide à forte teneur protéique (-36 %, p<0,001) et les séquences quotidiennes de jeu (-25 %, p=0,016). L'aliment humide réduit à la fois la prédation sur les oiseaux (-44 %, p=0,047) et les mammifères (-33 %, p=0,002). Toutefois, le jeu n'a d'effet significatif que pour les mammifères (-35 %, p=0,002), pas sur les oiseaux.
  • Une intervention qui a un effet contre-intuitif : la balle à croquettes se traduit par une augmentation significative du nombre de proies par chat (+ 33 %, p=0,009), mais sur les mammifères, cet effet est encore plus marqué (+49 %, p=0,002).
  • Les interventions qui n'ont pas d'effet significatif sur la prédation dans son ensemble : le grelot et le collier BirdsBeSafe°. Toutefois, ce dernier a un effet significatif de réduction de la prédation d'oiseaux (-42 %, p=0,047), ce pour quoi il a d'ailleurs été mis au point.

Jouons un peu

Il reste que ces interventions n'ont, dans le meilleur des cas, qu'un effet de réduction de moitié de la prédation… Et que le ressenti des maîtres est sans relation avec la réalité des enregistrements : 53 % de ceux du groupe “grelot” indiquent à la fin de l'essai qu'ils continueront à équiper leur chat de cet objet (contre 21 % pour le collier BirdsBeSafe°, un tiers des participants signalant un inconfort pour leur chat). Ils sont en revanche 76 % du groupe “jeux” à déclarer souhaiter poursuivre cette interaction. L'efficacité de cette stratégie peut s'expliquer, selon les auteurs, parce que « la faim augmente à la fois le taux de prédation et la motivation à jouer ». Et les propriétaires ont probablement apprécié autant que leur animal cette interaction quotidienne. Pour la balle à croquettes, les propriétaires signalent un désintérêt rapide du chat pour ce dispositif, les auteurs pointant alors vers une possible « insuffisance d'entraînement » pendant la transition, et une “compensation” alimentaire par la prédation (les croquettes étaient exclusivement distribuées par ce dispositif). Pour l'alimentation humide, les auteurs précisent que cette réduction de prédation a été observée en dépit du signalement par la moitié des maîtres d'une appétence réduite de l'aliment. Au bilan, le jeu au quotidien paraît une mesure utile à la fois au plan comportemental… et de conservation. Il reste que seules ont été enregistrées les proies ramenées au domicile, pas celles consommées/abandonnées à l'extérieur. Des études antérieures ayant équipé les chats de caméras ont estimé qu'environ 1 proie sur 5 est ramenée au domicile…. Il n'est pas possible d'évaluer l'effet des stratégies testées ici sur cette facette de la prédation.