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9 septembre 2020
Pour enlever un mastocytome, l'efficacité du tigilanol est si visible qu'il faut se préparer à ne rien faire sur la plaie
« Je ne crois que ce que je vois » aurait dit l'incrédule Saint-Thomas. Avec le tigilanol (Stelfonta°), vous pouvez aussi devenir tout aussi incrédule que Saint-Thomas. Car « Il faut le voir pour y croire » à l'efficacité antitumorale non pas miraculeuse mais incroyable de cette substance diterpène extraite de la graine d'un arbuste d'une forêt australienne : Fontainea picrosperma ou blushwood.
Développé par une start-up australienne, QBiotics, ce médicament Stelfonta° a été approuvé fin 2019 par l'Agence européenne du médicament (LeFil du 9 décembre 2019) et autorisé en janvier 2020 par la Commission Européenne (LeFil du 22 janvier 2020). Virbac en assure la commercialisation en Europe, depuis quelques semaines en Allemagne et au Royaume-Uni, puis en France, depuis quelques jours. « Pour la première fois, des mastocytomes jusque-là incurables — car ne pouvant pas être enlevés par une chirurgie — pourront trouver une solution thérapeutique définitive et non palliative » s'enthousiasme en conférence de presse notre confrère Olivier Bidaud, directeur marketing et technique de Virbac France.
En pratique, Stelfonta° se présente en petit flacon de 2 ml soit 2 mg de tiglate de tigilanol par flacon. Cette dose permet de traiter, presque d'enlever, la très grande majorité des mastocytomes (jusqu'à 4 cm3) éligibles à ce traitement. Le protocole thérapeutique prévoit en effet d'injecter par voie intratumorale un volume de la solution à 1 mg/ml de tigilanol correspondant à la moitié du volume de la tumeur, soit 1 ml pour une tumeur de 2 cm3, 2 ml pour 4 cm3…
Dans l'essai clinique multicentrique Stelfonta° sur 123 chiens, la quasi-totalité des tumeurs éligibles (jusqu'à 10 cm3 dans cet essai) sont en fait dessous de 4 cm3. Les trois quarts des tumeurs sont d'un volume inférieur à 2,6 cm3.
Un seul flacon, référencé en centrale à environ 300 €, devrait donc suffire à traiter la très grande majorité des cas. Mais il conviendra de prévoir un second flacon pour un gros mastocytome (jusqu'à 8 cm3 au maximum). Une fois entamé, le flacon ne se conserve pas, car la solution injectable est sans conservateur. Par souci d'économies, il est possible de grouper les cas dans la même journée si les mastocytomes à traiter sont de petite taille.
Le tigilanol n'est pas une substance classée CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique) comme le sont la plupart des anticancéreux de chimiothérapie. Son usage n'est donc pas aussi risqué, compliqué ou strictement réglementé que celui de ces anticancéreux CMR de chimiothérapie. Il est ainsi accessible à tous les vétérinaires praticiens sans restriction.
Son mode d'action local est triple.
Ce mode d'action spectaculaire est spécifique aux cellules tumorales. Si le tigilanol est, par accident, injecté dans un tissu sain ou aux marges de la tumeur — ce qui n'est surtout pas recommandé —, il provoque une réaction inflammatoire douloureuse, mais sans destruction des vaisseaux ou de cellules saines non tumorales comme cela se produit dans la tumeur.
Enfin, le tigilanol agit aussi sur la cicatrisation avec un effet positif sur les kératinocytes et leur prolifération. Les expérimentateurs ont donc été surpris aussi par « la cicatrisation exceptionnelle des plaies nécrotiques, parfois spectaculaire par leur étendue, après la perte de la tumeur » souligne notre consœur Christelle Navarro en charge du projet Stelfonta° pour le groupe Virbac dans les différents pays.
Les résultats de l'étude clinique pivot multicentrique inclut 123 chiens présentant une seule tumeur (non opérable) avec 81 tumeurs traitées versus 42 non traitées. Dans cet essai, le volume des tumeurs varie de 1,7 cm3 à 9,8 cm3.
L'apparition rapide d'une plaie importante est un gage d'efficacité. Plus la surface de la plaie est grande en proportion de la taille de la tumeur, plus l'efficacité est maximale.
Surtout, il n'est pas recommandé d'intervenir sur la plaie par des bandages ou des pansements. La notice recommande de la couvrir pendant 24 heures pour éviter que l'entourage du chien soit au contact du traitement qui peut être irritant. Mais, pour une meilleure efficacité, une meilleure cicatrisation et un minimum d'effets indésirables, il est recommandé de laisser à l'air libre la tumeur puis la plaie sans aucun bandage, ni pansement, même si certaines plaies peuvent être spectaculaires. Il convient donc de bien préparer le propriétaire à l'apparition d'une importante plaie, comme un gage d'efficacité et, surtout, de ne pas la couvrir par un pansement. L'important est ici d'intervenir le moins possible.
Dans la plupart des cas, aucune antibiothérapie par voie générale n'est nécessaire. Seuls quelques soins hygiéniques peuvent être réalisés — avec des gants jetables — pour éliminer les débris nécrotiques. Dans l'étude clinique, un seul chien a nécessité que la plaie soit bandée, un seul autre que la plaie soit nettoyée. Seulement deux colliers ont été posés pour éviter un léchage excessif.
La cicatrisation de la plaie générée par le traitement est complète dans 56 % des cas après un mois (28 jours), dans 76 % des cas après 1,5 mois (42 jours) et, dans 96 % des cas après trois mois (J84).
L'exérèse chirurgicale reste le traitement local de choix d'un mastocytome. Mais, cette chirurgie oncologique nécessite de prendre des marges d'au moins 2 ou 3 cm autour de cette tumeur qui n'est jamais bénigne. Même, pour une petite tumeur, la chirurgie oncologique est toujours délicate avec des ouvertures en « côte de melon » d'au moins 10 cm.
Le tigilanol est donc une alternative à la chirurgie pour aboutir au final au « retrait » du mastocytome dans presque 90 % des cas. Les mastocytomes ciblés sont ceux de moins de 8 cm3, cutanés ou sous-cutanés, non opérables et sans métastase identifié au moment du bilan d'extension, notamment au niveau du nœud lymphatique. Le diagnostic de mastocytome nécessite une cytoponction qui peut être réalisée facilement par le praticien. La lecture de ce prélèvement, plus délicate, peut être faite soit immédiatement par le praticien dans la clinique, soit dans un laboratoire d'analyses. L'important est que le diagnostic de mastocytome soit bien établi par rapport à d'autres types de tumeurs ou de grosseurs.
Le mastocytome peut être non opérable de par sa localisation, par exemple, au niveau du coude ou du jarret ou en position distale de ceux-ci. Le chien affecté peut aussi ne pas être opérable du fait d'un risque anesthésique trop élevé. De même, les propriétaires peuvent refuser une opération chirurgicale sur un animal souvent âgé, alors qu'une alternative non chirurgicale est désormais disponible pour un coût qui, au final, ne devrait probablement pas dépasser le coût d'une chirurgie oncologique dans un centre de référés.
Un mastocytome est toujours une tumeur maligne, même si elle n'est, heureusement, pas toujours métastasée. Il est possible de grader cette tumeur par un examen histopathologique sur une biopsie. L'efficacité de tigilanol est, sans surprise, meilleure sur les tumeurs de bas grade qui restent d'un meilleur pronostic sur le long terme. En cas de biopsie, il convient d'attendre, la cicatrisation de cette ponction, soit deux semaines, avant l'injection intratumorale pour éviter l'écoulement du tigilanol par le trajet de biopsie. Pour la même raison, le tigilanol est contre-indiqué en cas de mastocytome ulcéré.
L'essai pivot a été réalisé sur des chiens présentant une seule tumeur. Il n'est toutefois pas contre-indiqué de traiter plusieurs petites tumeurs (sans métastase) simultanément à condition de ne pas dépasser la dose maximale de 0,15 mg/kg (ou 0,15 ml/kg) ou 4 ml par animal.
L'injection intratumorale n'est pas difficile à réaliser, la solution aqueuse s'injecte facilement dans la tumeur sans anesthésie. Il n'est même pas toujours nécessaire de sédater l'animal. Il est recommandé de n'utiliser qu'un seul point d'entrée dans la tumeur mais en pratiquant des infiltrations de la solution en éventail pour répartir le plus uniformément possible le tigilanol au contact des cellules tumorales.
Le calcul du volume à injecter nécessite d'estimer précisément le volume de la tumeur en la mesurant par un pied à coulisse dans ses trois dimensions : longueur (L), largeur (l) et profondeur (h). Le volume de la tumeur est estimé à L x l x h x 0,5 en cm3. Le volume à injecter est la moitié de ce volume, soit L x l x h x 0,25 (ml).
Pour éviter les projections de produit hors de la seringue, il est recommandé d'utiliser une seringue luer lock avec une aiguille vissée assez fine de calibre 23G à 27G (0,3 à 0,6 mm). Le port de gants et de lunettes permet de se protéger d'éventuelles projections.
Un traitement concomitant — corticoïdes et antihistaminiques H1 et H2 — est indispensable pour limiter la dégranulation des mastocytes qui peut provoquer des effets graves : ulcérations, saignement de l'estomac, choc hypovolémique… Ce traitement par voie orale débute 48 heures avant l'injection et se poursuit pendant une semaine après.
Il comprend une trithérapie :
Contre la douleur post-injection associée à la réaction inflammatoire aiguë, pour éviter d'associer un AINS à un corticoïde, il est possible de recourir au tramadol ou à un autre opiacé comme la buprénorphine.
Cette injection ne nécessite pas une hospitalisation de l'animal. Néanmoins, Virbac recommande un suivi :
Pour ce lancement, Virbac a notamment développé un site internet dédié sur ce lien, un guide de bonnes pratiques d'utilisation, des chevalets d'exemples d'évolution attendue des plaies pour bien sensibiliser le propriétaire sur ce point important. Les tissus musculaires peuvent parfois être mis à nu sans que cela compromette une évolution vers la guérison…
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