21 novembre 2024

Sur un an (2022-2023), l'exposition des animaux domestiques aux antibiotiques est repartie à la hausse (+6 ,5%), revenant juste au-dessous du niveau de 2021. L'unité d'exposition, l'ALEA est en effet à 0,309 pour l'ensemble des animaux, « proche mais très légèrement supérieur à l'objectif du plan EcoAntibio3 », qui est de rester sous 0,3 sur la période 2023-2028 (voir l'illustration principale). « Ces résultats suggèrent que l'on a probablement atteint un plancher » pour la réduction de l'utilisation des antibiotiques vétérinaires, a analysé le Dr Jean-Yves Madec (Anses-Lyon) lors du wébinaire organisé par l'Anses le 19 novembre, pour accompagner la publication de ces résultats.

Volume stable

Pour autant, en tonnage de matière active, il n'y a pas eu de changement entre 2022 et 2023, cette dernière année correspondant à 275,87 t d'antibiotiques vendus, toutes espèces de destination confondues. Cinq familles représentent 87 % de ce volume (tétracyclines, pénicillines, sulfamides, aminoglycosides et macrolides). Pour l'ensemble des espèces animales, depuis 1999, les antibiotiques ont diminué de 79 % en volume (tonnes) et de 44,6 % en exposition (ALEA).

Exposition des chiens et chats en recul…

En médecine des petits animaux, EcoAntibio3 fixe un autre objectif : celui de réduire de 15 % l'exposition sur ces cinq années (2023-2028). Toutefois, pour la biomasse animale (dénominateur du calcul de l'ALEA, indicateur de l'exposition), les estimations sont réalisées à partir des enquêtes de la Fédération des fabricants d'Aliments pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres animaux familiers (FACCO). Or un changement de méthodologie dans ces enquêtes en 2024 a fourni une « augmentation de la population des carnivores domestiques » depuis 2022 : +30 % pour les chiens et +11 % pour les chats. « Pour l'année 2023, la donnée n'étant pas disponible, la moyenne des effectifs 2022 (ancienne méthodologie FACCO) et des effectifs 2024 (nouvelle méthodologie de recensement FACCO) a été retenue. Ainsi, il a été estimé une augmentation de 11,9 % de la biomasse des chats et chiens potentiellement traitée en France entre 2022 et 2023 ». Ce qui, arithmétiquement (ALEA = poids vif traité/biomasse totale) fournit un ALEA plus faible en 2023 qu'en 2022 (-5 %). Plus précisément, les ALEA de 2023 sont de 0,691 pour les chiens/chats et de 0,265 pour les chevaux. Les lapins mis à part, les carnivores domestiques restent donc « les espèces les plus exposées aux antibiotiques, par les voies orale et parentérale ». Mais ces valeurs sont plus élevées qu'en 2016, notent les rapporteurs (voir l'illustration ci-dessous).

… mais beaucoup d'amoxicilline-acide clavulanique

Le chiffre de 2023 est donc positif pour la médecine canine, mais « reste à interpréter avec prudence » a souligné la Dre Anne Chevance (ANMV) lors du même wébinaire. Car en 2023, « le poids vif traité pour ces animaux de compagnie a augmenté de 6,3% par rapport à 2022 et de 36,1 % par rapport à 2016 ». Depuis 2016, les ventes ont surtout augmenté pour les pénicillines, les aminoglycosides et les céphalosporines de 1^ère génération. Un second « point de vigilance » est souligné dans le rapport : « la part des comprimés d'amoxicilline associée à l'acide clavulanique dans les ventes d'antibiotiques continue d'augmenter » et elle représente 97 % de comprimés contenant des pénicillines. « En 2023, ces traitements représentent 47 % de l'exposition des chats et chiens. À l'inverse, les comprimés contenant de l'amoxicilline seule sont de moins en moins utilisés. Ces tendances ne vont pas dans le sens des recommandations européennes qui encouragent l'utilisation de l'amoxicilline non associée car le recours à l'amoxicilline avec acide clavulanique peut favoriser le développement de résistances aux pénicillines et aux céphalosporines ». De fait, les recommandations de l'agence européenne du médicament sont d'administrer l'association amoxicilline-acide clavulanique « est à envisager seulement s'il n'existe pas d'antibiotique efficace au plan clinique dans la catégorie D », à laquelle appartient l'amoxicilline seule.

CalypsoVet démarre lentement

La réglementation européenne imposant la collecte des données d'utilisation des antibiotiques, l'année 2023 est également marquée par « le lancement de la collecte de [ce]s données ». Toutefois, CalypsoVet a commencé de fonctionner au printemps de cette année, et ce n'est que progressivement que les logiciels vétérinaires ont été certifiés pour ces transmissions. Aussi, sur 2023 et toutes espèces animales confondues, les déclarations transmises par les praticiens ne représentent que 17,1 % du tonnage d'antibiotiques vendus sur l'année. Et « environ 4 % des vétérinaires ont déclaré des cessions d'antimicrobiens pour 2023. Le tonnage d'antimicrobiens déclarés dans Calypso pour 2023 » (voir la carte ci-dessous). Avec des valeurs différentes selon les espèces : alors que l'objectif est l'exhaustivité des déclarations, pour 2023 cela représente 9,3 % des ventes pour les bovins, 14,6 % pour les porcs, 31,1 % pour les volailles mais seulement 1,2 % pour les carnivores domestiques. Les animateurs du wébinaire du 19 novembre soulignent que, « alors qu'un nombre limité de logiciels était qualifié en 2023, une vingtaine de logiciels le sont désormais, et le nombre de vétérinaires déclarants augmente » (1,2 million de déclarations avaient été collectées en octobre 2024). Ils appellent l'ensemble des praticiens à transmettre ces données, « en se rapprochant de leur fournisseur de logiciels pour s'assurer que celui-ci est bien validé », voire en utilisant la saisie manuelle des données.

Ces déclarations sont analysées dans le rapport : la voie orale domine les usages chez les chiens (95,3 % des antimicrobiens cédés) comme chez les chats (89,3 %).