titre_lefil
Elanco & Proplan

22 janvier 2020

Virbac prépare le lancement du tigilanol Stelfonta°, un anticancéreux intratumoral accessible à tous les vétos

par Eric Vandaële

Temps de lecture  4 min

Sous le nom de code de EBC-46, les premiers résultats d'essais de tigilanol chez l'homme sont encourageants sur des tumeurs cutanées et illustrés par cette figure. Source natarazi.com.
Sous le nom de code de EBC-46, les premiers résultats d'essais de tigilanol chez l'homme sont encourageants sur des tumeurs cutanées et illustrés par cette figure. Source natarazi.com.
 

L'année 2019 est à peine refermée que les nouveaux médicaments 2020 s'annoncent avec au moins deux innovations majeures qui seront lancées dans le courant de l'année : l'une par Virbac, la seconde par Dechra.

  1. Virbac annonce qu'il distribuera en Europe en 2020 Stelfonta° : un anticancéreux non cytotoxique à injecter localement en intratumoral. Ce traitement, à base de tigilanol, va probablement révolutionner le traitement des tumeurs cutanées ou sous-cutanées (mastocytomes) par les vétérinaires. L'AMM centralisée a été accordée le 15 janvier à un laboratoire australien : QBiotics. Virbac organise d'ailleurs un symposium international en avril 2020 pour préparer ce lancement européen
  2. Le second médicament, Cosacthen° développée par Dechra, est une ACTH de synthèse, le tétracosactide. Il devrait succéder à un médicament similaire jusqu'à présent accessible seulement sous ATU (autorisation temporaire d'utilisation). Il sera analysé dans un prochain Fil.

Le tigilanol n'est pas classé CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique)

Stelfonta° a été approuvé par l'Agence européenne du médicament (EMA) le 7 novembre dernier (voir LeFil du 9 décembre 2019), puis autorisé officiellement le 15 janvier dernier par la Commission européenne. Ce nouvel anticancéreux, le tigilanol (sous forme de tiglate) présente un mode d'action intratumoral inédit qui est bien décrit dans le RCP (résumé officiel des caractéristiques du produit). Le tigilanol n'est pas une substance classée CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique) comme le sont la plupart des anticancéreux de chimiothérapie. Son usage ne sera donc pas restreint comme celui de ces anticancéreux CMR. Ce médicament devrait être prochainement accessible à tous les praticiens sans restriction, ni nécessiter de se déclarer à l'Ordre des vétérinaires comme utilisateur d'anticancéreux CMR. Ce traitement sera donc à la fois innovant et simple d'emploi.

Le tigilanol tiglate (aussi référencé sous le code EBC-46 dans la bibliographie ) est un nouvel ester de phorbol, un diterpène extrait de la graine de Fontainea picrosperma ; l'arbuste blushwood des forêts indigènes australiennes du nord Quennsland. La découverte du tigilanol « naturel » date de 2005, les premières données cliniques de 2018.

Activateur de la protéine kinase C

« Le tigilanol agit en activant la protéine kinase C (PKC) »explique l'Agence européenne du médicament dans le résumé d'opinion (voir ce lien). « De plus, une nécrose des cellules tumorales est induite dans les cellules qui sont en contact direct avec le tigilanol » précise le RCP (résumé officiel des caractéristiques du produit). « Une seule injection intratumorale de tigilanol provoque une réponse inflammatoire rapide et localisée, par activation de la PKC, une perte d'intégrité de la vascularisation de la tumeur et induit la mort des cellules tumorales. Ces processus entraînent une nécrose hémorragique et la destruction de la masse tumorale ».

Une nécrose de la tumeur en 7 jours

Cliniquement, cette injection intratumorale de tigilanol à la dose recommandée (entre 0,1 et 4 ml selon le volume de la tumeur) provoque « une réaction inflammatoire aiguë avec un gonflement et un érythème jusqu'aux marges de la tumeur et aux abords immédiats ». Cette réponse inflammatoire aiguë disparaît en 48 à 96 heures. Elle est suivie de « la destruction nécrotique de la tumeur dans les 4 à 7 jours suivants le plus souvent ». Cela se traduit par « un noircissement, une régression et un ramollissement de la tumeur avec un écoulement épais composé de résidus tumoraux et de sang séché. La masse tumorale nécrosée commence à disparaître en formant une plaie avec une poche ou un cratère. Un tissu de granulation sain remplit rapidement cette plaie ». La cicatrisation complète est obtenue en 4 à 6 semaines.

Dans 75 % des cas, une seule injection suffit

Dans les trois quarts des cas, « une seule injection intratumorale suffit à détruire totalement la tumeur » précise Virbac selon une étude clinique multicentrique sur 123 chiens présentant une seule tumeur (non opérable). La dose injectée correspond à la moitié du volume de la tumeur, au minimum 0,1 ml et au maximum 4 ml. La solution, dosée à 1 mg/ml de tiglate de tigilanol, sera présentée en flacon de 2 ml à conserver au réfrigérateur.

Dans cet essai, les chiens étaient aussi traités per os par de la prednisolone (0,5 mg/kg matin et soir) pendant 2 jours avant l'injection et 7 jours après (en réduisant la dose à une seule prise par jour les trois derniers jours). Pour limiter la réaction inflammatoire, les chiens de cet essai ont aussi reçu par voie orale des antihistaminiques pendant 8 jours (famotidine à 0,5 mg/kg/12 heures et diphénhydramine à 2 mg/kg/12 heures) à partir du jour de l'injection intratumorale.

Une cicatrisation complète dans 96 % des cas

Quatre semaines après une seule injection de tigilanol, une guérison complète a été observée chez 60 des 80 des chiens traités (75 %). Dans les autres cas, les chiens ont été traités par une seconde injection. La guérison a été notée dans 8 cas sur 18 (44,4 %). Au global, le taux de guérison après une ou deux injections s'approche donc de 90 %.

La cicatrisation de la plaie générée par le traitement était complète dans 56 % des cas après un mois (28 jours), dans 76 % des cas après 1,5 mois (42 jours) et, dans 96 % des cas après trois mois. Dans 96 % des cas, il n'a pas non plus été observé de récidive dans les trois mois.

La date de la mise à disposition de ce nouveau traitement en centrale et son coût ne sont pas encore connus. 

Évolution d'un cas sur un chien dans une étude clinique

Exemple en photos de réponse complète après l'injection intratumorale de tigilanol (s.f. tiglate) sur un des cas traités localement avec une solution à 1 mg/ml. Photos A : J0 avant traitement. B : J+24 heures post-injection. C : J +7. D : K+14 jours. E : J+21. F J+37.

Source : Miller J, et al. Front Vet Sci. 2019 ; 6, 106.