21 mai 2019

Année après année, mois après mois, les rachats se poursuivent dans la santé animale. Les méga-fusions, comme le rachat de Merial par Boehringer Ingelheim le 1^er janvier 2017, sont freinées par les autorités antitrust américaines ou européennes. Toutefois, la prochaine grosse cession attendue en 2019 est celle de l'activité santé animale de Bayer, aujourd'hui au cinquième rang mondial.

Deux rachats de bien moindre importance en termes de concurrence ont été annoncés ces derniers jours.

Les rachats d'un centenaire et d'une jeune pousse

Le 17 mai, Ceva a annoncé l'acquisition avant début juillet 2019 des vaccins et des activités vétérinaires de R&D du fabricant historique allemand IDT-Biologika, presque centenaire. Il s'agit principalement de vaccins porcins et d'autovaccins. Basé à Dessau (dans l'ex-Allemagne de l'Est), IDT se concentrera sur la fabrication de produits pharmaceutiques humains qui représente déjà les deux tiers de son chiffre d'affaires. Mais Ceva investira dans un « nouveau centre mondial d'innovation porcine » sur les deux sites existants d'IDT en Allemagne (de l'Est).

Le 29 avril, Elanco a annoncé un rachat très différent : celui d'une jeune pousse en plaine croissance : Aratana Therapeutics. Née en 2010, cette start-up pharmaceutique américaine est spécialisée dans le développement d'innovations pour animaux de compagnie.

Aratana valorisé à 237 millions de dollars

Aratana était déjà un partenaire d'Elanco pour la commercialisation du grapiprant (Galliprant°) aux USA depuis l'an dernier et depuis quelques semaines en Europe (voir LeFil du 15 avril 2019). Elanco en était aussi l'un des actionnaires minoritaires par l'intermédiaire d'un fond de capital-risque. Ce rachat se fait par échange d'actions soit l'équivalent d'une cession à 237 millions de dollars.

Aratana est une sorte de start-up créée en 2010 aux USA qui a investi des dizaines de millions de dollars exclusivement dans des médicaments innovants pour les chiens et les chats. En 2018, son chiffre d'affaires s'élève à 35,4 millions $ (versus 25,6 millions $ en 2017). Compte tenu des investissements de R&D et des charges d'Aratana, la perte nette est de 14,7 millions $ en 2018, la plus faible perte depuis sa création. Comme beaucoup de start-up, Aratana a donc beaucoup plus semé que récolté les fruits de ses lourds investissements de R&D. Mais, elle annonce des comptes en équilibre pour 2020. Elle est donc rachetée juste au moment où cet équilibre était attendu.

La bupivacaïne 72 heures. La capromoréline pour stimuler l'appétit

Le portefeuille de produits Aratana aujourd'hui commercialisés surtout aux USA comprend seulement les trois médicaments suivants.

• Galliprant°. Ces comprimés à base de grapiprant, le premier AINS de la famille des piprant, sont indiqués contre la douleur chez les chiens arthrosiques. C'est le seul médicament d'Aratana déjà fabriqué et commercialisé par Elanco. Aux USA, sa part de marché parmi les AINS oraux est de 15 % et en forte croissance. En Europe, il s'agit du seul médicament d'Aratana autorisé. Les deux autres médicaments ne sont commercialisés qu'aux USA directement par Aratana.
• Nocita°. Indiquée chez les chiens et les chats, cette suspension injectable de bupivacaïne est un anesthésique local « très longue action », car son activité se prolonge pendant 72 heures. Pour cela, la bupivacaïne est présentée sous une forme de lysosomes, d'où une libération prolongée sur le site de l'injection de l'anesthésique local.
• Entyce°. Cette solution orale de capromoréline pour chiens est un orexigène. Elle stimule l'appétit en miment la ghréline, « l'hormone de la faim ». Elle est donc indiquée chez des animaux en manque d'appétit lors d'affections aiguës ou chroniques. Une extension chez les chats est attendue de la FDA dans le courant de l'année 2019.

Aratana communique aussi sur trois autres médicaments de son pipeline sous des noms de codes :

• AT-006, un médicament antiviral contre l'herpèsvirose féline,
• AT-018, un médicament contre la dermatite atopique chez les chiens,
• AT-014, un « vaccin » canin vectorisé contre l'ostéosarcome.

La rabacfosadine : 77 % de succès contre le lymphome canin

Le même jour que le rachat d'Aratana, Elanco a aussi annoncé un partenariat avec la société VetDC, « une spin-off de l'université du Colorado » dédiée exclusivement au développement d'anticancéreux chez les animaux de compagnie. Cet accord prévoit la commercialisation par Elanco de Tanovea°-CA1 à base de rabacfosadine, l'unique produit de VetDC. Cet anticancéreux pour chiens bénéficie aux USA d'une autorisation conditionnelle (de type ATU) contre les lymphomes canins avec un taux d'amélioration de 77 % des chiens (45 % avec une guérison dite complète). Le traitement comprend cinq injections IV à trois semaines d'intervalle.

Ceva, premier fabricant européen d'autovaccins

Autre rachat : celui du centenaire IDT par Ceva. Il devrait être effectif avant le 1^er juillet 2019. Avec cette acquisition et celle de Biovac en France en 2016, Ceva devient certainement le premier fabricant d'autovaccins en Europe. Le laboratoire aquitain conforte aussi sa sixième place mondiale avec un chiffre d'affaires mondial qui devrait dépasser 1,2 milliard de dollars.

IDT-Biologika était un fabricant historique, né en 1921, dans l'ancienne Allemagne de l'Est (à Dessau). Il est aujourd'hui présent à la fois en santé animale et humaine. En santé animale, il s'agit surtout d'un fabricant de vaccins et d'autovaccins, notamment pour la filière porcine, pour un chiffre d'affaires estimé à 80 millions €. C'est aussi un fabricant d'autovaccins comme l'est déjà Ceva avec Biovac depuis 2016. En santé humaine, IDT appartient au groupe pharmaceutique Klocke spécialisé dans la fabrication en sous-traitance de médicaments, de produits pharmaceutiques et de cosmétiques développés et vendus par d'autres laboratoires. IDT est donc surtout un fabricant pharmaceutique spécialisé dans le « façonnage ». Il s'est engagé à produire pour Ceva pendant au moins 5 ans les produits vétérinaires qu'il lui a cédés.

Un centre mondial d'innovation porcine de Ceva basé en Allemagne

Au total, IDT emploie près de 2000 personnes dans le monde, notamment sur ses deux sites allemands : à Dessau (le siège social) et à Riems avec un centre de recherche. Avec le rachat d'IDT, Ceva s'est engagé « à investir de manière significative dans un nouveau centre mondial d'innovation porcine basé sur les deux sites existants d'IDT, à la fois à Dessau et à Riems pour la recherche ». Les équipes de R&D et commerciales d'IDT en santé animale devraient donc rejoindre Ceva santé animale.

En France, IDT ne commercialise en centrales que quatre vaccins porcins inactivés : Ecoporc° Shiga contre la maladie de l'œdème, Respiporc° Flu 3 contre la grippe porcine, Respiporc° FluPan H1N1 pour vacciner les porcs contre la grippe pandémique humaine de 2009, Clostriporc° A contre Clostridium perfringens.

Le portefeuille de produits IDT commercialisés est plus large. Il inclut aussi :

• D'autres vaccins porcins inactivés (Haemophilus, rhinite atrophique, E. coli, Salmonella typhimurium),
• Trois vaccins bovins contre Salmonella Typhimurium (inactivé), S. Dublin (vaccin vivant par voie orale) et contre la teigne (vaccin vivant),
• Des vaccins aviaires contre Salmonella ainsi que des vaccins lapins (myxomatose, VHD, pasteurelles),
• Une gamme de médicaments pour la reproduction avec une GnRH (léciréline Dalmarelin°), le cloprosténol (Dalmazin°), une PMSG (Pregmagon°) et de l'ocytocine (Oxytosel°)…
• IDT dispose aussi d'un vaccin antirabique inactivé par voie orale pour les renards et les chiens viverrins (Rabitec°).