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Elanco & Proplan

21 octobre 2024

« Il en est malade ! » Pourquoi les propriétaires arrêtent le régime BARF de leur chien

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Les régimes alimentaires à base d'ingrédients crus sont montés en popularité auprès des propriétaires de chiens. Mais les troubles digestifs qui peuvent en résulter représentent le principal motif pour revenir à une alimentation plus conventionnelle (cliché perfectlyrawsome.com).
Les régimes alimentaires à base d'ingrédients crus sont montés en popularité auprès des propriétaires de chiens. Mais les troubles digestifs qui peuvent en résulter représentent le principal motif pour revenir à une alimentation plus conventionnelle (cliché perfectlyrawsome.com).
 

Diverses études ont évalué les raisons qui amènent les propriétaires de chiens à nourrir leur animal avec des aliments crus : régimes BARF (pour biologically appropriate raw food) et autres. Il s'agit le plus souvent d'un souhait de proposer une alimentation jugée plus saine et naturelle, les ancêtres des races canines actuelles se nourrissant de proies consommées crues. Le rejet des aliments industriels ultra-transformés et le souhait d'apporter une ration variée et personnalisée entrent aussi en ligne de compte.

Mais cette nouvelle enquête, menée par des chercheurs de l'école de vétérinaire de Munich en Allemagne, a évalué au contraire les raisons qui poussent ces propriétaires à finalement renoncer. Et la motivation est le plus souvent d'ordre médical, le chien développant des troubles digestifs.

Des chiens de tous âges, plus souvent grands et à pedigree

L'enquête a été réalisée en Allemagne, et a récolté les réponses de 802 propriétaires. Ses résultats sont publiés en libre accès dans la revue Pets.

Le questionnaire comprenait trois parties, ciblées sur le chien (paramètres démographiques et état de santé), l'alimentation BARF distribuée (ingrédients…) et ce qui a poussé le propriétaire à l'adopter, et enfin les raisons d'avoir stoppé (raison principale et raisons additionnelles).

Les chiens concernés sont également répartis entre mâles et femelles, de divers âges (du chiot de moins de 6 mois au chien de 17 ans ; âge médian de 6 ans) et de divers formats (2 à 73 kg ; poids médian de 24 kg).

Par comparaison à la population générale canine allemande, les petits chiens (< 10 kg) sont toutefois significativement sous-représentés (15 % ici versus 23 % dans la population générale), et les grands ou très grands sont significativement surreprésentés (33 % vs 29 % et 11 % vs 7 %). Ils représentent probablement le profil des chiens nourris au BARF : il est effectivement plus facile pour un dogue allemand que pour un caniche de consommer une cuisse de poulet avec son os. De même, ces chiens sont plus souvent de race pure (83 % avaient un pedigree contre 55 % dans la population générale).

Les troubles digestifs du chien démotivent le propriétaire

Les auteurs ne présentent pas les réponses concernant le choix du BARF et sa réalisation pratique. Ils détaillent en revanche les motifs d'arrêt, qui sont le sujet de leur enquête.

L'alimentation BARF a déjà fait l'objet de multiples publications scientifiques, alertant surtout des risques sanitaires et nutritionnels associés (contamination par des agents infectieux zoonotiques comme les salmonelles, troubles de la croissance osseuse ou hyperparathyroïdie secondaires à des carences ou déséquilibres alimentaires, notamment). Mais ce ne sont pas ces éléments qui arrêtent les propriétaires, ou seulement moins de 1 % d'entre eux.

Parmi les raisons premières évoquées par les répondants, trois se détachent.

  1. La raison numéro 1, citée à 24 %, est l'intolérance du chien au régime. Cette intolérance se caractérise alors quasiment exclusivement par des troubles gastro-intestinaux (diarrhée, vomissements, flatulences, douleur abdominale…). Selon les résultats d'une autre étude, une diarrhée est effectivement plus fréquente chez les chiens nourris avec une ration crue que chez ceux nourris conventionnellement.
  2. Ensuite, à 20 %, le motif est l'apparition d'une maladie. À plus de 60 %, il s'agit d'une maladie digestive, et à plus de 20 % d'une allergie alimentaire. La maladie digestive était alors précisée, et il s'agit le plus souvent d'une inflammation intestinale (44 %), d'une gastrite (19 %), d'une pancréatite (17 %) ou d'une insuffisance pancréatique exocrine (11 %).
  3. Enfin, dans 15 % des cas, l'appétence du BARF était insuffisante, le chien refusant de manger.

Suivent ensuite des raisons plus pratiques : les efforts nécessaires pour préparer la ration (12 %), son coût élevé (6 %) et le temps passé (5 %). Et dans une moindre proportion reviennent des motifs d'ordre sanitaire, avec une perte de poids (3 %) ou un gain de poids (2 %), un nouveau besoin alimentaire spécifique (2 %), des problèmes de peau (2 %).

Des efforts et un coût de préparation

Une fois la raison principale renseignée, les propriétaires pouvaient lister des raisons additionnelles. Se retrouvent alors à nouveau globalement les mêmes motifs, l'intolérance au régime à 24 %, l'apparition d'une maladie à 16 % et un défaut d'appétence à 14 % en particulier. Mais les efforts nécessaires pour préparer la ration se révèlent d'importance, avec 23 % des propriétaires l'évoquant comme motif d'arrêt. Le coût est avancé aussi à 14 %.

2 ans avant de renoncer

En médiane, le propriétaire a jeté l'éponge après 2 ans. Mais cette durée va de 6 mois à 18 ans !

La durée est la plus courte si le motif de renonciation est un manque d'appétence : 1 an en médiane. Inversement, les durées les plus longues avant le changement sont liées à la prise de poids de l'animal (la durée médiane est alors de 5 ans).

Les alternatives : un aliment industriel en majorité

Vers quoi se tourne alors le propriétaire ? En règle générale, il opte pour un aliment industriel, croquettes (65 %) ou boîtes (44 %), parfois hypoallergénique ou hyperdigestible. Environ un quart des propriétaires (26 %) passent ou restent à une ration ménagère, mais non crue, en particulier lorsque le propriétaire avait choisi le BARF par défaut de confiance dans la qualité et la composition des aliments industriels, ou s'il recherchait une alimentation plus « authentique ».

Les troubles digestifs représentent ainsi le pivot d'un abandon du régime BARF (37 % des cas selon cette enquête, en additionnant les intolérances et les maladies digestives). Les auteurs conseillent alors aux vétérinaires de ne pas hésiter à proposer un changement d'alimentation lors de tels troubles chez un chien recevant une alimentation de ce type, le propriétaire n'y tant pas nécessairement réfractaire. Les adeptes du BARF, en revanche, apparaissent plus imperméables aux arguments relatifs aux risques de contamination ou de déséquilibres nutritionnels de la ration qu'ils proposent à leur chien.