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Elanco & Proplan

22 juillet 2024

ECG pré-anesthésique de routine : le protocole est adapté chez 5 % des chiens

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Des anomalies de l'onde T ont été les plus fréquentes chez les chiens de cette étude, avec 23 cas (cliché Pixabay).
Des anomalies de l'onde T ont été les plus fréquentes chez les chiens de cette étude, avec 23 cas (cliché Pixabay).
 

Faudrait-il inclure un électrocardiogramme (ECG) de manière systématique au bilan pré-anesthésique des chiens ? Un examen clinique et un bilan sanguin sont déjà conseillés, au moins chez les chiens âgés. Car chez les chiens plus jeunes et en apparente bonne santé, l'intérêt du bilan sanguin est controversé.

Des chercheurs espagnols (école vétérinaire de l'Université de Madrid) se sont alors interrogés sur la pertinence d'un ECG de routine : un examen simple, relativement rapide, peu invasif et peu coûteux, mais qui, à ce jour, est plutôt réservé aux individus âgés et atteints de pathologie cardiaque. Pour tenter d'y répondre, ils ont évalué la fréquence des anomalies découvertes à l'ECG sur des chiens de tous âges et apparemment sains, et leurs conséquences sur la prise en charge du cas : réalisation d'une échocardiographie et/ou adaptation du protocole anesthésique.

228 chiens sans trouble cardiaque présumé

Cette étude rétrospective a été menée dans l'établissement des auteurs, sur une courte période (décembre 2017 à juin 2018). Les chiens inclus avaient été examinés en vue d'une anesthésie générale au motif d'une chirurgie non urgente (stérilisation de convenance, soins dentaires, exérèse d'une masse, d'une tumeur mammaire, luxation de la rotule, laparotomie exploratoire, etc.) ou d'un examen diagnostique (imagerie médicale). Et un ECG avait été réalisé en routine dans ce cadre, conformément aux procédures usuelles en vigueur dans le centre hospitalier (avec le même matériel et par le même opérateur).

Les chiens présentaient un faible risque anesthésique selon la classification de l'association des anesthésistes vétérinaires : risque ASA I ou II. Une maladie cardiaque connue, une anomalie à l'auscultation ou au bilan sanguin, étaient des critères d'exclusion.

Des 274 chiens éligibles, 228 ont ainsi été retenus. Ils étaient de divers âges (7,7 ans en médiane), poids (14 kg), embonpoint (note d'état corporel médian de 5) et sexe (93 mâles et 135 femelles).

31,6 % d'anomalies à l'ECG

Les tracés ECG ont permis de détecter des anomalies chez 72 chiens, soit près d'un tiers de l'effectif (31,6 %), ce qui n'est pas anodin chez des chiens apparemment sains et de tous âges.

Outre un rythme cardiaque anormal (7 cas), les principales anomalies concernent le complexe QRS (13 cas), le segment ST (17) et surtout l'onde T (23), des troubles fréquents selon d'autres travaux.

Anomalies confirmées à l'échographie

La décision de réaliser une échocardiographie était basée sur les résultats de l'ECG, et de l'examen pré-anesthésique de manière générale. En effet, l'ECG détecte particulièrement les arythmies, et apporte des informations sur la morphologie cardiaque. En l'absence d'arythmies toutefois, sa sensibilité est faible pour détecter une maladie ou un dysfonctionnement cardiaque. Une échocardiographie est considérée comme l'examen de choix pour repérer des affections cardiaques d'origine structurelle. Mais elle est plus coûteuse et plus complexe à mettre en œuvre en routine.

Ici, l'interprétation de l'ECG, la recommandation de pratiquer une échocardiographie, et sa réalisation le cas échéant (sur chien vigil), étaient effectuées par le même vétérinaire cardiologue.

Une telle échographie a ainsi été conseillée chez 5 des 72 chiens dont l'ECG était anormal, soit près de 7 % (et 2,2 % de la cohorte entière). Elle a été réalisée chez 4 d'entre eux, confirmant chez chacun la présence d'anomalies cardiaques : forte dilatation cardiaque droite associée à une hypertension pulmonaire, dysfonction systolique (2 cas), asynchronisme ventriculaire.

Simple adaptation du protocole anesthésique

Dans le centre hospitalier, le protocole anesthésique standard chez ces chiens à faible risque ASA comprend une prémédication avec de la méthadone et un alpha-2-agoniste puis une induction au propofol. Les chercheurs ont alors recensé tous les cas où ce protocole a été modifié (changement de molécule ou diminution de la dose, pour limiter les effets cardiovasculaires secondaires), où un inotrope a été ajouté, ou pour lesquels l'intervention prévue sous anesthésie a été reportée ou annulée. Ils en décomptent 11, soit 15 % des 72 chiens à ECG anormal :

  • 3 des 4 chiens échocardiographiés,
  • celui chez lequel l'échographie a été conseillée mais non réalisée,
  • et surtout 7 autres dont le tracé ECG était anormal.

Ces 11 cas représentent ainsi près de 5 % de la cohorte entière. Aucune intervention n'a été décalée ou annulée, seul le protocole anesthésique a été adapté pour ces 11 chiens : la prémédication seule dans 3 cas, l'induction seule dans 2 cas, les deux dans les 6 autres cas, avec l'ajout d'un inotrope dans 1 cas.

Pas d'alternative à l'examen clinique

Les auteurs en concluent que même si l'ECG détecte fréquemment des anomalies chez des chiens en bon état de santé par ailleurs, l'impact est limité quant à la prise en compte de ces troubles dans la procédure anesthésique, notamment s'ils sont cliniquement insignifiants. Une anomalie du complexe QRS est fréquente, par exemple, chez les chiens obèses ou lors d'hypothyroïdie.

Ils rappellent qu'un tel ECG ne s'envisage pas comme une alternative à l'examen clinique et au recueil de l'historique médical de l'animal. Il est complémentaire, en particulier de l'auscultation cardiaque.

L'objectif du bilan pré-anesthésique est d'identifier les chiens dont le risque anesthésique est augmenté, afin d'adapter le protocole anesthésique et ainsi réduire la morbidité et la mortalité associées. C'est cet aboutissement de la démarche qui reste donc encore ici à démontrer, c'est-à-dire vérifier que l'adaptation du protocole suite aux informations de l'ECG permet bien de sauver des chiens ou de limiter les complications péri-anesthésiques.