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Elanco & Proplan

18 juillet 2024

USA : leptospirose chez une personne « professionnellement exposée aux chiens » ; nouvelles recommandations de vaccination canine confortées

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Une recrudescence de cas canins de leptospirose signalée par un praticien a permis aux services de santé publique d'une ville du Wyoming (USA) d'accélérer les enquêtes autour d'un cas humain survenu en 2023, et dont le dépistage et le traitement se faisaient jusque-là attendre (cliché de Leptospira interrogans en microscopie électronique par Janice Haney Carr).
Une recrudescence de cas canins de leptospirose signalée par un praticien a permis aux services de santé publique d'une ville du Wyoming (USA) d'accélérer les enquêtes autour d'un cas humain survenu en 2023, et dont le dépistage et le traitement se faisaient jusque-là attendre (cliché de Leptospira interrogans en microscopie électronique par Janice Haney Carr).
 

Vétérinaire ? ASV ? Éleveur ? Toujours est-il qu'une personne « professionnellement exposée aux chiens » a été identifiée comme infectée par Leptospira interrogans pendant un épisode de leptospirose canine dans le Wyoming (USA). Premier cas humain détecté dans cet état depuis 40 ans, il a donné lieu à de nouvelles recommandations locales du programme vaccinal canin.

Perte de conscience

En août 2023, les autorités de santé publique de l'état du Wyoming, qui a « un climat froid et semi-aride » peu propice à l'écologie des leptospires, recevaient une déclaration de suspicion de cas humain. Le dernier identifié dans cet état remontait à 1983. Les premiers signes cliniques (douleurs corporelles, fièvre, nausées et épisodes de sudation) ont duré deux jours, au terme desquels « il a perdu connaissance pendant peu de temps ». Envoyé aux urgences, il y reçoit « de l'atropine et fluidothérapie pour une syncope vasovagale », et rentre rapidement chez lui. Mais « la maladie s'est aggravée au cours des deux jours suivants, avec des symptômes de douleurs aux mollets, essoufflement, toux, maux de tête, hyperémie conjonctivale, œdème des membres inférieurs, vertiges et “brouillard cérébral” ».

Fluides biologiques de chiens malades

Du fait de son métier, « après son premier passage par l'hôpital, le patient a appris par un collègue qu'il y avait eu plusieurs cas de leptospirose canine » dans les environs. Au 5e jour de sa maladie, il s'est présenté à un médecin généraliste, qui l'a fait hospitaliser le lendemain. Il présentait alors « épanchement pleural, hypoxémie et lésions rénales aiguës », un tableau plus évocateur de la leptospirose… Interrogé suite à sa mention de la leptospirose canine, il a indiqué « ne pas avoir de lien connu avec un cas canin, mais [qu'il] avait été exposé professionnellement aux fluides corporels de plusieurs chiens, dont trois sont morts de causes inconnues ». Malgré cet ensemble de faits convergents, les auteurs de la description du cas d'éplorent qu'il n'ait « pas été engagé de recherche de leptospirose avant le 8e jour de sa maladie ».

Coïncidence des dates

Ce 8e jour, une prise de sang pour sérologie a révélé la présence d'IgM anti-Leptospira, et le patient a reçu un traitement oral à base de doxycycline. Son état s'est amélioré en trois jours et il est sorti de l'hôpital au 12e jour de sa maladie. Les autorités de santé publique ont été notifiées lors du diagnostic sérologique positif. Toutefois, elles avaient reçu une autre notification, 8 jours auparavant, par un vétérinaire praticien. Sur une même journée, sa clinique avait diagnostiqué trois cas canins. « La leptospirose canine est rarement diagnostiquée dans le Wyoming, où elle et n'est pas à déclaration obligatoire. Cependant, le vétérinaire s'est inquiété de l'augmentation de la morbidité et a donc signalé les cas » aux autorités sanitaire. Par hasard, le jour de sa déclaration est le premier jour où le patient avait présenté des signes cliniques. Les services de santé publique ont donc demandé dans l'ensemble de l'État aux cliniques vétérinaires de déclarer les cas de leptospirose canine : il y en a eu 13 sur trois mois, dont quatre décès (y compris par euthanasie). Plus précisément, l'analyse rétrospective des données cliniques (en l'absence d'analyse bactériologique ou PCR) a identifié 3 cas correspondant à des cas certains et 10 autres à des cas probables. Ils étaient tous localisés dans la même ville que celle où le patient exerçait. Les interviews avec ses collègues et son entourage n'ont pas identifié d'autre cas humain.

Vaccins pas à jour

Lors de l'examen des cas canins, les auteurs soulignent que trois d'entre eux ont eu une analyse rétrospective (microagglutination) « fournissant des titres élevés en anticorps anti-Leptospira (≥1:800), contre des sérovars évitables par la vaccination. Cependant, aucun des chiens touchés par ce foyer n'était à jour de sa vaccination contre la leptospirose ». Ils soulignent aussi que sur les trois mois précédant l'épisode, la pluviosité avait été du double de sa moyenne habituelle, pointant vers une exposition environnementale probable des chiens. Enfin, pour trois des chiens, il y avait un facteur épidémiologique commun, avec un séjour dans une même pension pour chiens. Les services de l'état ont inspecté l'établissement, « afin d'évaluer les politiques de vaccination, les procédures de quarantaine et les protocoles de nettoyage et de désinfection. L'établissement exigeait que les chiens en pension soient vaccinés contre plusieurs maladies, mais pas contre la leptospirose ».

51 % d'acceptation de vaccination

Les autorités sanitaires ont donc publié un communiqué de presse « et réalisé des interviews pour signaler au public qu'un épisode était en cours ». Parmi les « recommandations » émises alors figure « l'obligation de vacciner tous les chiens contre la leptospirose ». Elles ont aussi mis en place « un webinar destiné aux professionnels vétérinaires », à titre de formation et d'information. Après cette phase, une enquête auprès des cliniques vétérinaires implantées dans la zone concernée a montré que partout, « la vaccination contre la leptospirose était proposée plus fréquemment aux propriétaires de chiens », cette mention passant de 8 à 80 % des consultations. « Le taux d'acceptation des maîtres passait de 31 à 51 % » en retour (mais atteignait 90 % dans les clientèles implantées en zone rurale). Au bilan, « après l'épisode, les cliniques ont déclaré avoir administré des vaccins contre la leptospirose à 33,1 % des chiens reçus pour des vaccinations de routine, ce qui représente une augmentation par rapport à l'année précédente, où seuls 5,4 % des chiens reçus pour des vaccinations de routine avaient » reçu cette valence.

Saisons chaudes et humides

Les auteurs signalent qu'avant le Wyoming, des épisodes de leptospirose canine ont aussi été signalés en Californie et en Arizona, « régions arides ou semi-arides » où la maladie est inhabituelle. Et que le consensus national de l'American College of Veterinary Internal Medicine (ACVIM) sur la leptospirose canine publié en 2023 (c'est-à-dire peu de temps après cet épisode), justement pour prendre en compte, entre autres, ces évolutions épidémiologiques, « recommande que tous les chiens soient vaccinés contre la leptospirose, indépendamment de leur mode de vie ou de leur situation géographique ». D'autant, relèvent les auteurs, que « l'exposition à l'environnement est probablement à l'origine d'environ la moitié des cas canins de cet épisode, ce qui souligne la nécessité de se préparer à des saisons exceptionnellement chaudes ou humides ». Enfin, ils soulignent aussi le rôle important du monde vétérinaire dans la gestion One Health de tels cas : « l'alerte précoce par un vétérinaire local concernant l'augmentation des cas canins a permis aux autorités de santé publique de mener une enquête et d'intervenir rapidement, soulignant ainsi l'importance de la confiance entre les responsables de la santé publique et les praticiens ».